Louis Gonse est né en 1846. Critique d'art, directeur de revue, commissaire d'expositions, collectionneur, homme de musée, je vous propose aujourd’hui à la vente un ouvrage qu’il a consacré à Eugene Fromentin, célèbre illustrateur et écrivain, spécialiste du Moyen Orient. Je reprends en toute petite partie un excellent article de Rémi Labrusse qui retrace le travail de l’auteur.
Louis Gonse s'est situé à la charnière de plusieurs mondes : l'histoire de
l'art, le marché, les musées, la presse ; et sa singulière énergie a conféré à
son œuvre d'écrivain un impact que n'avaient pas celles d'érudits traitant
pourtant avec parfois plus d'acuité, voire de nouveauté, des sujets analogues.
À quoi il faut ajouter que les libertés relatives prises avec les exigences de
rigueur de la recherche historique ont aussi favorisé, chez lui, la formulation
de principes généraux qui incarnaient une remarquable prise de conscience des
mutations esthétiques de son temps : son histoire de l'art est une histoire
tournée vers le présent, auquel elle manifeste ardemment le désir de conférer
une plus grande richesse de sens.
Cette démarche s'est illustrée avec le plus d'éclat à
travers sa défense de l'art japonais, au cours des deux dernières décennies du
XIXe siècle : la publication des deux lourds et luxueux volumes de L'Art japonais en
1883, avec ses milliers d'illustrations, puis sa réédition sous forme maniable
et populaire, en 1886, 1891, 1900, 1904 et 1926, sa traduction en anglais en
1891, en japonais en 1893, les débats passionnés auxquels ce livre a donné
lieu, les nombreux articles que Gonse en a lui-même tirés par la suite sont
autant de signes de l'importance de l'événement, autant chez les savants, les
collectionneurs et les marchands que chez les artistes et les décorateurs.
Pour mieux le comprendre il faut d'abord évoquer les
origines de la vocation de Gonse et prendre la mesure des multiples voies par
lesquelles il a pu exercer son influence, au-delà de ses écrits proprement
dits. François Gonse, dans la série de remarquables travaux qu'il a consacrés à
son aïeul, a souligné l'importance, au cours de ses années de formation, de sa
fréquentation de l'École des chartes, où le futur historien d'art a conçu sa
vocation et où il a, qui plus est, établi des liens d'amitié ou d'admiration
dont l'action est restée sensible tout au long de sa carrière.
C'est là qu'a commencé à se manifester son goût pour le
gothique français et pour les primitifs européens (ce qui allait conditionner
son intérêt postérieur pour l'art japonais), là aussi qu'il s'est pris de
passion pour la défense du patrimoine français – monuments historiques autant
que collections muséales –, là qu'il s'est convaincu de la valeur signifiante
des objets, pour bâtir un discours d'histoire de l'art et là, surtout, qu'il a
intégré un milieu grâce auquel, rapidement, il a pu gagner une certaine
respectabilité dans le monde des écrivains d'art, au point d'accéder en février
1875, c'est-à-dire à moins de trente ans, au poste de rédacteur en chef de la Gazette des Beaux-Arts, une publication à laquelle n'étaient guère contestées, à l'époque, une des
toutes premières places au sein des revues d'art européennes et la première,
certainement, parmi les revues françaises.
Dans l’ouvrage proposé aujourd'hui et dès ses premiers textes sur Eugène Fromentin, il évoque l'importance des « conditions climatériques et physiologiques
» (Eugène Fromentin,
page 199, j’ai vérifié…) ; toujours, il mesure l'originalité d'un art au fait
que celui-ci soit « l'expression exacte des mœurs, du climat, de la race, de
l'état social » –, ce qu'il retrouve aussi bien chez les Japonais qu'en Grèce
classique, chez les Arabes, les Persans ou les Turcs qu'en France gothique. Fidèle à sa vocation de connaisseur, il ne sépare jamais
le jugement de goût de l'analyse historique et il fonde presque toujours ce
jugement sur des considérations précises de technique, des « questions de
métier » (Eugène Fromentin,
page 186), comme les appelle Eugene Fromentin. De cet ouvrage riche de
documents inédits, Gonse dit dans sa préface qu’il a été écrit pour solliciter
la curiosité du lecteur. Ce souhait s’applique aussi aux lecteurs du blog…
Pierre
Eugène Fromentin Peintre et Écrivain, Ouvrage augmenté d’un voyage
en Egypte et D'autres notes et morceaux inédits de Fromentin. Paris, A. Quantin, Imprimeur-Editeur, 1881.Un fort volume in -4
(29,5/21,5cm). Reliure demi-chagrin à coins lie de vin, dos à nerfs, titre en
lettres dorées, tranche supérieure lie de vin ornée d’un semi de fleurs de lys
dorées, gardes colorées. 363 pages. Illustré de 16 hors-texte
dont 12 en eaux-fortes et de 45 figures dans le texte dont 15 à pleine-page d'après
les dessins de Fromentin. Des rousseurs éparses, brunissement des hors-textes. Bel
ouvrage dans une belle reliure. 120 € + port
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