lundi 2 mars 2015

Les Délices des Pais-Bas par Foppens, par Christyn, ou par les deux...

Le frontispice est détaillé en fin de billet...
Toutes les informations glanées dans cette présentation proviennent d'un article de Charles Engrand. Cette étude est tellement bien faite qu'il serait impossible de l'égaler… Je cite : " Les représentations que les contemporains se forgeaient, aux époques anciennes de leur patrie, province ou ville demeurent difficiles à appréhender. Les descriptions historiques et géographiques, en vogue au XVIIème siècle, peuvent cependant contribuer à faire comprendre leur perception du cadre de vie ou l’image qu’ils souhaitaient en donner. À cet égard, les Dix-sept provinces des Pays-Bas constituent un champ d’observation privilégié par leur richesse, leur activité ouverte sur le monde et leur haut degré d’urbanisation ". Elles le sont d’autant mieux que l’on dispose d’un document particulièrement révélateur pour l'appréhender : et il se trouve que c'est justement l'ouvrage que je propose aujourd'hui à la vente…


L’ouvrage intitulé Les Délices des Pays-Bas connut un grand succès de librairie au cours du XVIIIème siècle. En effet, de 1697 à 1786, huit éditions se succèdent. La première, réalisée en 1697, est suivie de trois autres en 1700, 1711 (notre exemplaire) et 1713, dans un temps où la domination espagnole continue de s’exercer sur une large partie des provinces méridionales. Les publications de 1720 et 1743 sont présentées sous le titre modifié d’Histoire générale des Pays-Bas, mais la mention des "Délices" est rappelée dès le premier chapitre.


Le livre est édité d’abord par François Foppens, successeur de son père depuis 1688, puis par sa veuve de 1730 à 1743. Il passe, en 1769, chez un opérateur liégeois, J.-F. Bassompierre, propriétaire selon lui d’un des plus beaux ateliers d’Europe. Il paraît enfin sous la marque d’un Anversois, C.M. Spanoghe, en 1786. Encore conviendrait-il d’ajouter à ce bilan une traduction flamande en 1785 et une publication en français, demeurée inachevée en 1793. Le Conseil de Brabant, mécontent de la manière dont étaient rapportés les événements de 1789-1793, ordonne alors la destruction du tome I et interrompt ainsi la réalisation en cours.


Au fil du temps, le texte sera  modifié, réactualisé par l’évocation des événements les plus récents et l’iconographie se trouve elle aussi progressivement enrichie. La présence d’illustrations constitue d’ailleurs, dès l’origine, une des caractéristiques majeures de l’ouvrage. Les éditions ultérieures restent, elles aussi, anonymes. La participation des deux frères Foppens dans l’élaboration de l’œuvre paraît plausible. François Foppens, second du nom, est réputé pour sa vaste culture et ses connaissances linguistiques en latin, en français et en espagnol, à l’instar de son père auquel il a succédé. En revanche, le patronyme Jean-Baptiste Christyn comporte plus d’ambiguïté. Il correspond à deux personnages, tous deux jurisconsultes et historiens de renom, l’un devenu chancelier de Brabant en 1687 et décédé en 1690, l’autre, son neveu, membre du conseil de cette province, disparu en 1707.


Le frontispice est entouré d’un rideau qui paraît se lever sur la scène d’un théâtre, avec un décor semi-circulaire, percé d’une arcade ouvrant sur l’extérieur. Les blasons de toutes les provinces sont accrochés pour une part aux tentures elles-mêmes et pour le reste à la frise du décor. Au centre, sur un piédestal, se dresse la statue d’une jeune femme brandissant dans la main droite une lance surmontée d’un chapeau tandis que la main gauche repose sur un panier de fleurs et de fruits. Ce personnage représente la vierge des Pays-Bas. Au bout de la lance, le chapeau qu’elle paraît agiter est celui de la liberté. L’on a avancé que ce symbole était puisé à des sources romaines et évoquait la fin de l’esclavage. En effet, lors de leur affranchissement, les esclaves libérés offraient leur chevelure à la déesse Feronia, leur protectrice, dans son temple de Terracine, aux portes de la Campanie et coiffaient un bonnet, le pileus. Pendant les fêtes célébrées en son honneur, celle-ci recevait en offrande des fleurs et des fruits que nous retrouvons symboliquement dans la main gauche de la statue.


À la base du piédestal, figure une double exécution capitale. Un premier condamné gît déjà sur le sol et le second est livré au bourreau qui lève son glaive. L’évocation de l’exécution, sur ordre du duc d’Albe, des comtes de Hornes et d’Egmont en 1568 à Bruxelles est ici patente. Elle rappelle le prix de la liberté que certains aux Pays-Bas, même parmi les nobles de renom, avaient payé de leur vie. Au-dessus, dans un médaillon, un cavalier paraît charger l’arme à la main. À gauche se tient Mercure, ami du négoce et des marchands, coiffé d’un pétase muni de deux petites ailes et tenant le caducée, au côté de balles de marchandises. Sur l’une d’elles est dessiné un cœur surmonté du chiffre 4 qui suggère la nature du contenu. En effet, cette marque de reconnaissance était spécialement utilisée par les libraires-éditeurs ou par les graveurs.


À droite une femme est occupée à écrire dans un registre au contenu mystérieux. Surement un livre de comptes ! Derrière elle, se penche le dieu Saturne, le maître du temps, brandissant la faux qui coupe tout ce qui vit. Sa présence tend à nous rappeler le caractère éphémère de l'enrichissement… C'est pourquoi je propose cet ouvrage à un prix raisonnable ! Pierre


FOPPENS (François) / CHRISTYN (Jean Baptiste). Les Délices des Pais-Bas contenant une description générale des XVII provinces. Edition nouvelle divisée en III. Volumes, augmentée de plusieurs Remarques curieuses, & enrichie de Figures. Brusselle, François Foppens, 1711. Seul Tome I qui comprend les Duchez de Brabant et de Limbourg, le Comté de Flandre, Le Marquisat du St Empire, & la seigneurie de Malines. Reliure plein veau, dos à nerfs, caissons fleuronnés, pièce de titre maroquin cerise, roulette sur les coupes, tranches mouchetées rouges. 1 frontispice, 28 gravures dépliantes, 1 portrait en pleine page. Des brunissures irrégulières, intérieur très frais, cartes parfaitement  pliées. Une restauration coiffe supérieure. Bel état. Vendu

1 commentaire:

Pierre a dit…

On pourrait avantageusement comparer cet ouvrage avec un exemplaire édité à la même époque : Les délices de la Hollande . Ce que je ferai, bien évidemment demain... Pierre