samedi 17 novembre 2012

Judith Gautier et la littérature exotique de la belle époque...


Au cimetière de Saint-Énogat, tout à coté de Dinard où je passais quelques jours de congés, la semaine dernière, il est une tombe portant une date, 1917, un nom, Judith Gautier et une épitaphe en chinois, La lumière arrive...  Cette sépulture est celle d'une grande écrivaine ou d'un grand écrivain (les deux se disent) de la fin du XIXeme siècle qui eut pour gloire, outre ses talents, d'avoir été la première femme à intégrer le prestigieux jury Goncourt… Fille de Théophile Gautier et épouse éphémère de Catulle Mendes, elle est aujourd'hui oubliée des lecteurs alors qu'elle fut avec Pierre Loti, une digne représentante de la littérature exotique de l'époque.


« Voilà donc une femme dont la vie d’imagination s’est passée tout entière en Asie ; ses études et beaucoup de ses lectures ont porté sur des littératures profondément différentes des nôtres ; ses relations sociales même se sont ressenties de ce goût si prononcé pour l’exotisme. Il est difficile d’aller chez Mme Judith Gautier sans y rencontrer quelque japonais mal travesti par le costume européen, ou deux ou trois brillants mandarins en robe nationale, dont la tresse se balance sur leur dos, cependant qu’avec une politesse charmante ils s’inclinent. Son salon est une académie asiatique. » Disait Remy de Gourmont !


Pour comprendre qui fut Judith Gautier, on ne peut faire l’impasse sur l’univers bourgeois et libertaire de son père, Théophile Gautier, qui la protégea autant qu’il lui rogna les ailes. Elle y rencontre ainsi, en 1861, celui qui allait lui permettre de s’émanciper de la littérature de son père, en devenant l’élève d’un transfuge de la Grande Muraille, Ting-Tun-Ling, ramené en Europe par un archevêque, Mgr. Callery, désireux d’élaborer un dictionnaire franco-chinois. Tandis qu'elle s’initiait aux secrets de la langue, de l’écriture et de la culture chinoises, elle publia en 1867, sous le nom de Judith Walter, Le Livre de jade, un recueil de poésies regroupant des textes, parfois très librement interprétés, de célèbres poètes chinois.


Un malheureux mariage avec Catulle Mendes de termina par un divorce en 1896… Entre temps, Catulle Mendès avait eu deux enfants avec une autre… Judith Gautier ne dira jamais rien de ses blessures ni ne parlera haineusement de ce compagnon, mais on peut se demander si cet échec n'influencera pas la réputation supposée saphique de l'auteure. Cette femme étrange, dont la grande beauté subjuguait les uns, tandis que son intelligence et son indépendance d’esprit la faisaient haïr des autres, devint la première femme admise à l’Académie Goncourt, succédant ainsi à Jules Renard qui en février 1908, la qualifia dans son journal souvent truffé de réflexions mesquines, de vieille outre noire, mauvaise et fielleuse, couronnée de roses comme une vache de concours


L’Exposition universelle de Londres en1862 où elle se rendit avec son père, marqua son premier contact avec la culture japonaise, dont elle célébra plus tard les rites et les coutumes dans L’Usurpateur (1875), un roman qui fut couronné par l’Académie française. C'est cet ouvrage que je vous propose aujourd'hui à la vente, dans une édition en deux tomes, fort bien reliée.


Il y a quelque chose de terriblement pathétique chez cette femme que l’on porta aux nues autant qu’on la traîna dans la boue, dont les mésaventures conjugales furent la risée du Tout Paris, avant que le bouche à oreille de la médisance ne cherche à savoir si elle couchait ou non avec Wagner ou à quelle heure Victor Hugo, vieillard encore vert, était son amant. Mais personne ne trouva rien à redire lorsque Pierre Loti fut le seul à recueillir les lauriers de La Fille du Ciel (1912), un drame chinois qu’ils avaient écrit à quatre mains.


Voilà, je vous laisse, ce week-end, avec un roman invendable, un destin pathétique et une météo à débrancher le gaz. Éventuellement, si vous connaissez des histoires drôles, je suis preneur  ;-)) Pierre


GAUTIER (Judith). L'usurpateur. Paris, Marpon et E Flammarion. Deux vomumes petit in-8. Reliure demi-chagrin cerise, dos à nerfs, lettres dorées, garde colorées, couverture conservée. Tome I : 267 pages et 8 pages de catalogue. Tome II : 267 pages et 8 feuillets de catalogue. Quelques rousseurs. Une belle illustration en frontispice des deux volumes. Peu fréquent à la vente. Peu recherché aussi… 60 € + port 

6 commentaires:

Textor a dit…

Une histoire drôle? ... voyons voir. C'est Judith Gautier qui est au lit avec Victor Hugo et qui soupire : "Quel sens donner à ma vie...?" et Victor de répondre : "T'as regardé sur google ?".

Oui ... je sais ...
T

Pierre a dit…

Vous êtes le premier rayon de soleil de la journée, Textor ;-))

Je rebranche le gaz pour faire le café... Pierre

calamar a dit…

pas besoin de Google pour savoir que la réponse est 42.

Pierre Bouillon a dit…

Bonjour Pierre. Vos articles sont toujours intéressants et bien tournés.Salutations. Pierre Bouillon

Pierre a dit…

Merci Pierre,

Venant d'un journaliste chevronné, je prends le compliment avec un immense plaisir. Pierre

Unknown a dit…

Vous avez traduit la première inscription. Mais que dit l'autre, en bas à gauche ?
Le culte de la lumière est la signification de l'adoration des ancêtres ?