lundi 23 juillet 2012

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Tribune politique à l'intention des intellectuels bibliophiles

Quelques jours de vacances dans ma bastide provençale me laissent le loisir de me rappeler à votre bon souvenir sous la forme d'un amical bonjour. La boutique de Pierre est, comme souvent depuis mon départ, fermée le lundi. J'ai heureusement gardé les clés du local. On dit, à Tarascon, que le libraire s'est mis à boire…

Alors, donc, comment ça va-t-il de votre côté* ?

Ici, le temps semble plus propice à la vente de glaces en terrasse qu'au commerce de livres anciens en boutique. Et c'est tant mieux pour tout le monde ! Ou presque…

Si vous flâner sur ce blog, entre baignades et sirotage de jus de fruit sous l'ombre bienfaisante de la tonnelle, j'imagine que ce n'est, certes, pas le moment de vous proposer une reliure mosaïquée réalisée par un maître du XVIeme siècle ou une édition originale des lettres de Saint Augustin… Si vous flânez sur ce blog, alors que vous avez la désagréable sensation d'être la dernière personne en France à être encore au bureau pour assurer la pérennité de nos entreprises et l'équilibre financier de notre pays, le moment n'est guère mieux choisi pour vous déranger dans votre travail…

Alors, tâchons simplement de vous divertir en ce lundi, ce lundi au soleil, cette chose qu'on n'aura jamais, chaque fois c'est pareil, c'est quand on est derrière les carreaux, quand on travaille que le ciel est beau, qu'il doit faire beau sur les routes, le lundi au soleil !

Et si nous parlions politique ? Vous êtes maintenant socialiste. Les intellectuels n'ont qu'à bien se tenir après s'être engraissés sur le dos des travailleurs. Malheureusement, on a fait croire aux gens que la classe déshéritée, c'était les travailleurs. C'est faux.

Personne ne nie que le niveau de vie soit en augmentation constante depuis l'aube du machinisme. Ceci est dû à l'augmentation de la production car, dans le fond, il n'y a qu'un seul problème économique : produire.

Un homme disposant de cent fois le revenu moyen ne mangera pas cent fois plus de beef-steaks, ni ne boira cent fois plus de vin que le citoyen standard. Son argent passera dans des produits de luxe comme peuvent l'être les livres anciens pour les bibliophiles. Par contre, pour les biens élémentaires, seule compte la production. L'inégalité des fortunes ne joue que pour le superflu.

Et de quoi dépend la production ? Du progrès technique, de la recherche scientifique et en définitive, des intellectuels. Or, si le niveau de vie de la population a progressé, les intellectuels n'ont retiré de cette œuvre gigantesque que des bénéfices dérisoires, pour ne pas dire, nuls !

Ce sont eux les déshérités. Ce sont eux qui pourraient faire du foin. Et c'est justement parce qu'ils n'en font pas que personne ne semble s'aviser de cette injustice flagrante…

Voilà ! Il fallait que cela soit dit. Debout, les damnés de la blogosphère ! Votre dévoué. Philippe Gandillet

* Je suis devenu un académicien à la syntaxe normale

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Appuyez-vous sur le petit peuple, aujourd'hui il gémit parce qu'on l'a persuadé qu'il souffrait de la crise : proposez-lui un responsable. Un merveilleux allié, le peuple, on se sert de lui et ensuite on ne lui doit rien. [Maurice Druon]

Anonyme a dit…

Druon s'y connaissait en méthode cavalière... Ph Gandillet

Anonyme a dit…

Je suis ravi de constater que M. Gandillet déboutonne un peu sa syntaxe à l'occasion de l'été, et qu'il est même capable d'émailler son discours d'une faute d'orthographe populaire.
Ses propos me paraissent légèrement teintés d'amertume. C'est qu'il oublie qu'on ne peut jouir parfaitement que de ce que l'on ne possède pas, d'une part parce qu'on n'a pas le souci d'avoir à protéger son bien, mais surtout parce que cela développe l'imagination, celle-là même qui est capable de nous faire parcourir en pensée tous les corridors de tous les châteaux de Versailles et qui serait abolie si nous en possédions un seul.
La preuve : c'est un châtelain qui m'en a assuré.

Jean-Michel

Lauverjat a dit…

N'importe quel moment convient pour me proposer une reliure mosaïquée XVIeme siècle, même quand je suis au travail, même si je suis un intellectuel déshérité... Il suffit que le prix soit à la hauteur de ma bourse et je peux pour l'occasion boire cent fois moins de vin que le citoyen standard.

Lauverjat

Pierre a dit…

La démonstration de Philippe Gandillet ne vaut que pour celui qui l'a écrit. Nous faire pleurer sur le manque de reconnaissance du socialisme envers son élite intellectuelle est une erreur puisque c'est chez elle qu'il trouve son électorat, les prolétaires ayant depuis longtemps rejoint l'autre rive de l'assemblée... Pierre

Anonyme a dit…

XXXII

POUR LES PAUVRES.

Qui donne au pauvre prête à Dieu.
V.H.

Dans vos fêtes d’hiver, riches, heureux du monde,
Quand le bal tournoyant de ses feux vous inonde,
Quand partout à l’entour de vos pas vous voyez
Briller et rayonner cristaux, miroirs, balustres,
Candélabres ardents, cercle étoilé des lustres,
Et la danse, et la joie au front des conviés ;

Tandis qu’un timbre d’or sonnant dans vos demeures
Vous change en joyeux chant la voix grave des heures,
Oh ! songez-vous parfois que, de faim dévoré,
Peut-être un indigent dans les carrefours sombres
S’arrête, et voit danser vos lumineuses ombres
Aux vitres du salon doré ?

Songez-vous qu’il est là sous le givre et la neige,
Ce père sans travail que la famine assiège ?
Et qu’il se dit tout bas : « Pour un seul que de biens !
A son large festin que d’amis se récrient !
Ce riche est bien heureux, ses enfants lui sourient.
Rien que dans leurs jouets que de pain pour les miens ! »

Et puis à votre fête il compare en son âme
Son foyer où jamais ne rayonne une flamme,
Ses enfants affamés, et leur mère en lambeau,
Et, sur un peu de paille, étendue et muette,
L’aïeule, que l’hiver, hélas ! a déjà faite
Assez froide pour le tombeau !

Car Dieu mit ces degrés aux fortunes humaines.
Les uns vont tout courbés sous le fardeau des peines ;
Au banquet du bonheur bien peu sont conviés.
Tous n’y sont point assis également à l’aise.
Une loi, qui d’en bas semble injuste et mauvaise,
Dit aux uns : Jouissez ! aux autres : Enviez !

Cette pensée est sombre, amère, inexorable,
Et fermente en silence au cœur du misérable.
Riches, heureux du jour, qu’endort la volupté,
Que ce ne soit pas lui qui des mains vous arrache
Tous ces biens superflus où son regard s’attache ; —
Oh ! que ce soit la charité !

L’ardente charité, que le pauvre idolâtre !
Mère de ceux pour qui la fortune est marâtre,
Qui relève et soutient ceux qu’on foule en passant,
Qui, lorsqu’il le faudra, se sacrifiant toute,
Comme le Dieu martyr dont elle suit la route,
Dira : Buvez ! mangez ! c’est ma chair et mon sang.

Que ce soit elle, oh ! oui, riches ! que ce soit elle
Qui, bijoux, diamants, rubans, hochets, dentelle,
Perles, saphirs, joyaux toujours faux, toujours vains,
Pour nourrir l’indigent et pour sauver vos âmes,
Des bras de vos enfants et du sein de vos femmes
Arrache tout à pleines mains !

Donnez, riches ! L’aumône est sœur de la prière.
Hélas ! quand un vieillard, sur votre seuil de pierre,
Tout roidi par l’hiver, en vain tombe à genoux ;
Quand les petits enfants, les mains de froid rougies,
Ramassent sous vos pieds les miettes des orgies,
La face du Seigneur se détourne de vous.

Donnez ! afin que Dieu, qui dote les familles,
Donne à vos fils la force, et la grâce à vos filles ;
Afin que votre vigne ait toujours un doux fruit ;
Afin qu’un blé plus mûr fasse plier vos granges ;
Afin d’être meilleurs ; afin de voir les anges
Passer dans vos rêves la nuit !

Donnez ! il vient un jour où la terre nous laisse.
Vos aumônes là-haut vous font une richesse.
Donnez ! afin qu’on dise : Il a pitié de nous !
Afin que l’indigent que glacent les tempêtes,
Que le pauvre qui souffre à côté de vos fêtes,
Au seuil de vos palais fixe un œil moins jaloux.

Donnez ! pour être aimés du Dieu qui se fit homme,
Pour que le méchant même en s’inclinant vous nomme,
Pour que votre foyer soit calme et fraternel ;
Donnez ! afin qu’un jour à votre heure dernière,
Contre tous vos péchés vous ayez la prière
D’un mendiant puissant au ciel !

22 janvier 1830.

Les Feuilles d'automne, Victor Hugo

Anonyme a dit…

"C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches". (*)

Victor Hugo

(*) oui je sais, ça fait bolchévique has been mais bon moi ça me va ...

Pierre a dit…

Et tout à coup, je me suis demandé si Victor Hugo était croyant ou simplement un bon poète ? C'est vrai qu'il a souvent fait appel à Dieu pour donner des leçons à l'humanité. Par exemple :

Depuis six mille ans, la guerre
Plait aux peuples querelleurs
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs...

Anonyme a dit…

Victor Hugo, précurseur de la Gauche-caviar ?
Si on arrêtait la polémique dontles livres semblent exclus. Après 6 mois de propagande et 4 tours d'élections, les Français devraient bien se changer un peu les idées. D'accord c'est l'incorrigible Philippe Gandillet qui a commencé, Pierre devrait le remettre en quarantaine.
Si vous voulez savoir ce qui se passe sur notre bonne vieille terre, n'écoutez pas la radio, ne lisez pas les journaux, lisez Tacite, tout y est.

René

Pierre a dit…

Ce petit texte de Philippe Gandillet nous a permis d'évoquer Victor Hugo et rien que pour cela, c'est déjà un exploit !

Bien évidemment, il faut prendre ce billet comme une facétie estivale ;-)) Pierre

sebV a dit…

Hugo a pas mal fait tourner les tables à Guernesey. Ce qui exige au moins une pensée déiste.

Pierre a dit…

On invoque en effet souvent Dieu dans l'occultisme. Pierre