lundi 20 juin 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Le discours de Tartarin


Les fêtes de la Tarasque approchent. En fin de semaine, tout Tarascon vibrera des détonations du fusil de Tartarin, tirant à vue sur toutes les casquettes qui passent à l'occasion de son retour dans la ville…Traditionnellement, un discours au balcon de la mairie ponctue son arrivée tonitruante.

Ce matin, c'est un homme silencieux qui passa en toute discrétion la porte de la librairie. Il jeta subrepticement un coup d'œil panoramique sur la rue et referma le battant à clef. Tout en retrouvant sa superbe naturelle, il me toisa et me dit :

Vous n'êtes pas sans savoir, Mooosieur L'Académicien, que j'ai la chance de posséder de multiples talents dont le plus renommé est celui de parler en public. Je dois faire un beau discours en fin de semaine à l'hôtel de ville, vous le savez aussi. Eh bien, cela va vous paraître étonnant ; je vous demanderai de garder tout ça pour vous, bien sûr ; mais je suis en panne d'inspiration, cette année ! Il faut dire que cela fait plus de 100ans que j'en fais des discours et la source, elle, commence à se tarir…On me dit que vous avez du talent. Si, si…Votre plume associée à ma faconde sera du plus bel effet auprès des habitants de notre bonne ville.

Alors, je peux compter sur vous, pour ce discours ? Déposez-moi l'enveloppe à la pharmacie Bézuquet où je donne un petit concert, ce soir.

Merci d'avance. Ne me remerciez pas, c'est bien normal…

Il partit comme un voleur et je restai coi. Mais comme je suis d'une indulgence coupable, me voici donc à le faire, son discours, à Tartarin !


" Monsieur le Maire, Messieurs les conseillers municipaux, chers concitoyens et amis, et toute la compagnie, sans oublier personne, pas même vos dames et vos demoiselles, que nous avons malheureusement pas le plaisir de se trouver, ce midi, parmi elles.

Je ne suis pas de ceuss-là que je camoufle la vérité : L'heure elle est grave. Tous les jours et quotidiennement, ils se passent des événements actuels qu'ils sollicitent les pouvoirs publics et renversent les pronostics.

Aujourd'hui, le pays tout entier, depuis Arles jusqu'à Avignon, il a les yeux braqués sur Tarascon, où le corps électoral va faire, une fois de plus l'épreuve de votre indéfectible patriotisme, dans l'union, le progrès et toute la lumière. La camionnette des affaires publiques, elle s'est enfangée dans un marécage de turpitudes où foisonnent l'escroquerie et la débandade. Ce n'est diable pas le moment de faire comme ces bysantins du moyen-age qu'ils jouaient de la clarinette tandisse que les oies du capitole s'égosillaient sur les ruines d'Athènes !


Des Escandales funestes, que les causes elles nous sont que trop connues, sont divulgés dans nos campagnes riantes et nos cités tentaculaires par le libertinage, la parcimonie et le baccara. Les conseillers municipaux de Tarascon, tous les tarasconnais ici assemblés devant moi, ils me connaissent et je les connais : nous nous nous connaissons. Ils sont l'un des miens comme je suis l'un des nôtres. Notre solidarité, ainsi que les petits ruisseaux font les grandes rivières, nous conduira, nous aussi, au port des assainissements salutaires, socials et sans tempêtes.

Tournons-nous donc comme un seul homme vers nos adversaires, dévisageons-les des pieds à la tête, sans peur et sans reproche, et disons-y à tous : Proches et lointains, grands ou petits, riches ou pôvres, hommes et femmes... " Faites attention, Messieurs, y-a pas que les montagnes qu'elles se rencontrent ! ". Y faut qu'une porte, elle soye ouverte, chers tarasconnais, ou qu'elle soit fermée, et comme on dit : Les plaisanteries les plus courtes sont les moins longues. A bon entendeur salut !


Ces estrangers y s'iront au diable, tandis que nous, nous ne suivrons pas ces mauvais bergers qu'y z'hurlent avec les loups, comme les moutons de Panurge, et qui nous entraîneraient comme euss, sans faire semblant de rien, dans les pâturages d'une vicissitude sans lendemain pour l'avenir.

Mais soyons brefs car l'heure passe, chers amis et concitoyens, et je me dois de conclure. Si je suis revenu à Tarascon, c'est pour vous délivrer de toutes les choses que je vous ai causé à l'instant. J'ai avec moi mon fusil et je mettrai dans ma gibecière tous ceux, toutes celles et tous les autres qui en voudront à la morale chrétienne et à la république une et indivisible. Nous ne laisserons pas saper les fondements les plus légitimes de nos institutions par ces crachats qui glisseront sur nous comme des épées de Damoclès. Duralex sed lex, mais c'est la loi ! ".


Sous des tonnerres d'applaudissements. Votre dévoué nègre. Philippe Gandillet

DORIAC & DUJARRIC. Toasts, allocutions, discours... Nouvelle édition. Albin Michel, 1970. Format in-8, broché, 474pp. 12 € + port

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà qui est causé!
J'en fais mon mien, votre discours, et vais de ce pas, régler mes comptes à tous bords.
il ne m'en fallait pas plus pour rallumer le feu de la liberté subversive qui brule en moi.

Le reste de mon discours est politiquement incorrect donc, je le garde pour moi.

Bien à vous,
Cher dévoué Phillipierre Gandillard.
Sandrine.

Anonyme a dit…

Ce style ampoulé conviendra à Tartarin de Tarascon. Je reste à la disposition des hommes et femmes politiques de tout bord pour renouveler cet exercice de démagogie populaire contre rémunération prohibitive ;-)) Ph Gandillet

Anonyme a dit…

Oui, oui, je sais bien, mais c'est sans complexe que je dis que, il y a plus de Tartarins qui se proménent en ce moment...
Il devrait y avoir foule pour vous demander, contre rémunération, cela va de soi, un discours de cette Ampleur .
:)
S.

Nadia a dit…

J'en suis toute retournée...

Anonyme a dit…

Ces académiciens ont vraiment tous le même travers : une condescendance de bon aloi quand ils daignent s'incliner vers le bas peuple.
En effet, sans gloser sur le contenu fourni du discours dont l'exégèse remplirait des volumes, la forme du texte écrit tendrait à faire croire qu'en aucun cas l'accent de Tartarin fût naturel puisqu'il est paru normal à l'auteur de ce discours d'en préciser les intonations, d'en fixer les barbarismes, comme si cet académicien avait voulu en traduire les sonorités avant même qu'il fût prononcé, au lieu de laisser au grand Tartarin le choix de ses intonations.
Que ce discours convienne à un politique, une marotte sur un bâton qu'on agite à son gré, soit. Mais Tartarin, non, il ne fait pas partie de ceux-là !

Jean-Michel

Pierre a dit…

Jean-Michel, j'adhère totalement à votre analyse. En effet, Tartarin est bien assez gros pour mettre ses intonations où il veut...

Vous êtes désigné d'office pour faire le discours de l'année prochaine. Cela vous convient ? Une seule contrainte : Le choix de mots. Barbarisme se prononce Wisigoth dans la bouche de Tartarin ;-))