samedi 30 avril 2011

Pour réhabiliter Adolphe Willette...


Nous continuons avec les illustrateurs de la fin du XIXe siècle. Je vous propose une édition originale de d'Achille Mélandri enrichie de gravures de Willette. Cet exemplaire fort bien conservé par un bibliophile l'a fait recouvrir d'une reliure à la fois protectrice et agréable à l'œil.

Adolphe Willette en est un digne représentant. Ami de Steinlen, il se rappela à notre mémoire il y a quelques années, puisqu'il eu l'insigne honneur d'avoir été frappé d'indignité nationale par le conseil municipal du 18ème arrondissement de Paris qui avait voté à l’unanimité la décision de débaptiser le square "Adolphe Willette" qui fait face au Sacré-Cœur pour le rebaptiser Square "Louise Miche"l. Nous sommes en pleine crise du politiquement correct, je vous le rappelle. L’inauguration a eu lieu en 2004 en présence du maire de Paris, Bertrand Delanoë.


Fils de militaire, Adolphe Willette est né en 1857 et mort en 1926. Il est un des grands illustrateurs de la fin du 19ème siècle. Réalisant parfois des bandes dessinées, il donna figure à Pierrot et Colombine, dessinant même l’enseigne du Moulin Rouge au cœur de ce Montmartre dont il était une des figures marquantes. Hélas, comme son ami Forain, il prêta sa plume aux traits les plus antisémites de son temps, collaborant notamment à La Libre Parole illustrée dirigée par Drumont. Pire : il se présente comme candidat antisémite aux élections législatives du 22 septembre 1889, dans la 2e circonscription du 9e arrondissement de Paris, en pleine affaire Dreyfus.

Le président vert du conseil de quartier, Sylvain Garel, entama les discours en revendiquant l’idée de débaptiser la place en lui attribuant le nom de la célèbre féministe anarchiste, "en pensant, dit-il, au fait que chaque année les intégristes de Saint-Nicolas du Chardonnet, viennent se réunir ici le soir de Pentecôte. Je suis sûr qu’ils seront contents de se réunir dans le square Louise Michel...". Dans l’assemblée, on pouvait reconnaître le dessinateur Jacques Tardi : Regardant le Sacré-Coeur dominant le square, édifice d’infamie construit pour faire expier les Parisiens, il dit "Maintenant, il faudrait que l’on crée une association pour faire raser ce machin".


Il est vrai qu’il a versé dans des dérapages peu glorieux, marqués par le contexte de l’Affaire Dreyfus. Il semble cependant qu’après son équipée politique au moment de l’Affaire, il se soit repenti de ses errements (contrairement à Caran d’Ache, antisémite jusqu’au bout). Le Musée de Montmartre possède quelques-unes de ses œuvres, dont l’affiche de sa candidature "antisémite". Simplement, on aurait pu illustrer la plaque de Louise Michel par le frontispice de sa première plaquette éditée après son retour de déportation : Celui-ci a été dessiné par un des seuls dessinateurs de l’époque recherchant la compagnie des anciens communards, un certain...Adolphe Willette !


Le roman illustré que nous présentons est de Achille Melandri (1845-1904). Photographe, peintre, poète, il appartint au club très fermé des fumistes hydropathes dont Alphonse Allais était un membre émérite. Voyons ce que disait de lui, Paul Vivien.


Bien qu'à peine commencée, son histoire serait longue ; abrégeons ! Petit-fils de la princesse Coralli et fils du général Mélandri, qui prit une part active au soulèvement des Romagnes en 1854, notre ami, jeté par les cahots de la politique dans toutes sortes de situations plus ou moins bizarres, se fait tour à tour bureaucrate, dessinateur, photographe, et journaliste. Qui n'a lu ans le Tintamarre, dont il est un des plus spirituels collaborateurs, ces nouvelles délicieuses signées M. Irlande ? C'est un esprit fin et délicat, un causeur charmant. Etant un peu polyglotte, il a voyagé et s'est fixé en Angleterre et en Italie, où il a fait partie de la presse avancée de ces deux pays. Puis il revient en France, où il collabore sous divers pseudonymes à la Marseillaise, au Tintamarre, et se livre dans le silence du cabinet, à la poursuite de sa grande toquade : la photographie animée. Son atelier, près de la place Bréda, est devenue le rendez-vous des artistes et des écrivains de l'Ecole militante, de tout ceux enfin qui, selon le mot de Murger, se lancent à l'assaut de l'avenir. Le joyeux ami Pirouette du Tintamarre (Coquelin Cadet, pour la Comédie-Française), André Gill, Jules Jouy, Luigi Loir, Georges Lorin, sont les hôtes les plus assidus de ce charmant atelier que je vous demanderais la permission de décrire un jour. Nous allions oublier Sarah Bernhardt, qui y fait souvent de courtes apparitions et qui professe pour le talent de Mélandri une véritable admiration.

Je crois pouvoir affirmer que je vous propose là un beau petit bouquin pour bibliophile… Pierre


MELANDRI et WILLETTE A. Les sœurs Hedoin. 35 lithographies hors texte par Willette. Paris, Edition Dentu, libraire de la société des gens de lettres,1892. Un volume in 12, reliure demi-maroquin à coin vert empire, dos insolé havane, titre en lettres dorées, page de garde colorée, ex-libris. Couvertures conservées illustrées, 162 pages, 35 lithographies hors texte par Willette (celles des 1er et 2èmes plats comprises). Pas de rousseurs. Bel exemplaire. 75 € + port

4 commentaires:

Pierre a dit…

Réflexion d'un client, hier matin : Vous devriez faire un catalogue...

J'y pense. Et si j'envoyais les notices des ouvrages avec un texte de présentation un peu remanié ? Cela ferait de la lecture...

Anonyme a dit…

C'est une excellente idée. Ou un DVD pour que chacun s'imprime ses notices... Vous allez vous ruinez en encre sinon.
C'est d'ailleurs une question que je me pose : Que se passe-t-il si internet implose. Avez vous une sauvegarde de vos billets, qui sont des notices particulièrement fines sur les auteurs, les illustrateurs et autres acteurs du livre plus ou moins ancien?
Ce billet là sur un sujet aussi sensible en est la demonstration.
Un blog qui passe en mode papier ferait vraiment un livre d'une richesse, qui n'aurait rien à envier à d'autres contributeurs et critiques auxquels je pense, tel le magazine littéraire, par exemple.

Bien à vous.
Sandrine.

Pierre a dit…

Eh ben voilà que je rougis ;-)) Pierre

calamar a dit…

mais un blog qui passe en mode papier, c'est assez vieux... dans le temps on appelait ça "recueillir les articles publiés dans la presse", et nombre d'auteurs aimés des bibliophiles n'ont pas faits autre chose, comme Monselet par exemple. Certains auteurs prestigieux ont également réunis leurs articles, comme Anatole France, par exemple...