vendredi 22 avril 2011

L'Abbé Faillon et les Saints de Provence… Légendes et réalités.


Étienne-Michel Faillon (1799 -1870) était un historien, un prêtre sulpicien et un professeur français, né à Tarascon, dans les Bouches-du-Rhône, il étudie au lycée d'Avignon avant de se rendre au séminaire des sulpiciens à Paris. On lui doit un ouvrage que je vous propose à la vente aujourd'hui. Avant Internet, ces volumes étaient réputés rares et se transmettaient de libraire à bibliophile avec une mutuelle complicité. De nos jours, on peut en trouver sur Ebay et à l'étranger… Ni rare, ni précieux, donc ! Il fallait, par conséquent, que je m'aligne sur la pléthore en vous proposant mon exemplaire sans prétention (financière).


Les noms des saints de Provence nous sont familiers : Les saintes Maries, Lazare, Marie-Madeleine… Cette tradition, il ne serait venu à personne l'idée de la remettre en cause, jusqu'à l'avènement du "siècle des lumières", celui de la raison étayée s'élevant contre la croyance divine. Ce sont en effet les "savants" du XVII° siècle qui entreprirent de démontrer que les traditions provençales ne reposaient sur aucun fondement sérieux. Jean de Launoy, le premier, publie un ouvrage en latin en 1641, tirant à boulets rouges sur ce dogme. Malheureusement, ses contradicteurs n'ont alors que peu d'arguments historiques à lui opposer et l'école "critique" semble l'emporter…


Jusqu'en 1865, où un prêtre de Saint-Sulpice, l'abbé Faillon, s'emploie à réfuter les thèses de Launoy à l'aide de sérieux documents d'archive. Il publie un énorme volume, intitulé "Monuments inédits sur l'apostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence et sur les autres apôtres de cette contrée", dans lequel il accumule les preuves qui accréditent la tradition de cet apostolat. L'école "critique" encaisse le coup, mais ne s'avoue pas vaincue. Et c'est un ecclésiastique (et oui…), Mgr Duchesne, qui s'emploie à son tour à décrédibiliser l'ouvrage de l'érudit sulpicien, dans un livre sur l'"Histoire ecclésiastique des premiers siècles". Partant du principe qu'on ne trouve trace de cet apostolat dans aucun document antérieur au XIe siècle, il se refuse à accorder une valeur historique quelconque à la tradition provençale. Ce "silence de mille ans" ; c'est sa formule ; devient le principal argument des opposants à la réalité de cet apostolat en Provence. Mais les recherches historiques se poursuivent tout au long du XXe siècle et on constate, en fait, que l'étude critique des documents anciens tend de plus en plus à accréditer la tradition.


De nouvelles preuves voient encore le jour aujourd'hui, au gré des fouilles archéologiques effectuées dans ces lieux saints. Mais il est certain que les invasions successives subies dans le midi de la France ont effacé bien des traces : Les Visigoths au Ve siècle, les Francs au VIe, puis les Sarrasins au VIIe qui saccagent Nîmes, Aigues-Mortes, Saint-Gilles, puis Arles, Fréjus, Marseille… La Provence ne sera libérée qu'en 975 par Guillaume le Conquérant. Quand on sait par exemple qu'en 400 ans, de 465 à 969, la ville d'Arles fut assiégée dix fois, prise et pillée sept fois, il ne faut guère s'étonner que l'on trouve aussi peu de vestiges intacts de ces premiers temps du christianisme en Provence. Mais revenons à nos apôtres de la Provence tout en n'oubliant pas de faire la part de ce qui relève de la légende et de ce qui appartient à l'histoire.


Voyons donc comment ces saints apôtres sont parvenus jusqu'à nous. La tradition parle de l'arrivée d'une barque sans voile ni gouvernail, sur une plage proche des Saintes Maries de la Mer. Ont voyagé ensemble, saint Lazare (ressuscité par Jésus) et sa sœur sainte Marthe de Béthanie, sainte Marie Madeleine (identifiée comme étant une seule et même personne avec Marie de Béthanie, la sœur de Marthe), saint Maximin (l'un des 72 disciples du Christ), Marie Salomé (la mère de Jacques, vénéré en Espagne à Saint-Jacques de Compostelle et l'apôtre saint Jean), Marie Jacobé (sœur de Marie). Marie Jacobé et Marie Salomé sont accompagnées de leur servante Sara. D'autres voyageurs les accompagnaient peut-être, comme le dénommé Sidoine, l'aveugle-né guéri par Jésus, ou encore saint Trophime, qui sera signalé dans la région à la même époque…


C'est sainte Marthe qui nous intéresse ici : Elle est remontée en longeant le Rhône, entre Arles et Avignon. Elle a reçu le don des miracles, et lorsque cela lui est demandé, par la prière et le signe de la croix, elle guérit les lépreux, les paralytiques… Vous connaissez tous cet événement célèbre de son hagiographie, son combat victorieux contre la "Tarasque", l'un de ses monstres qui peuplaient alors les berges du Rhône, et qui donnera plus tard son nom à la ville de Tarascon. La sainte aurait dompté miraculeusement le dragon par un simple signe de croix. Une autre version rapporte que c'est en l'aspergeant d'eau bénite qu'elle le maîtrisa. Mais on s'entend pour dire qu'après la sainte intervention, le monstre devint doux comme un agneau. Marthe l'attacha avec sa ceinture et, docile comme un chien en laisse, la Tarasque fut livrée au peuple qui la fit périr à coups de lances et de pierres. La fondation de la première église chrétienne remonterait donc vers l'an 50, consacrée par les évêques Trophime d'Arles, Maximin d'Aix, et Eutrope d'Orange. Sainte Marthe mourut à Tarascon vers l'an 68. Les miracles sur son tombeau sont nombreux et Clovis viendra lui-même s'y recueillir en l'an 500, et sera délivré d'un grave mal de rein.


Durant les invasions mérovingiennes et sarrasines, les reliques de sainte Marthe furent enfouies dans une église souterraine. En 1187, tout danger étant passé, on fit l'élévation solennelle de ces reliques. Les saintes reliques furent transférées dans le tombeau en pierre situé actuellement dans la crypte. Les pèlerins ne cesseront jamais d'affluer, parmi lesquels on peut citer le roi saint Louis, au retour d'une croisade en 1254… Le roi Louis XI offrira une magnifique chasse en or massif, pour abriter les saintes reliques. Je ne vous surprendrai pas en vous disant qu'elle disparut lors de la révolution française…


Voilà, rapidement brossé, un petit tour d'horizon du travail de ce "bon prêtre". L'ouvrage que je vous propose ne brille pas par sa reliure. C'est avant tout un outil de travail pour le passionné d'hagiographie et d'histoire provençale. Le bibliophile appréciera néanmoins d'avoir affaire à l'édition originale.


Un client de passage me demandait s'il était bien nécessaire que je présente le contenu d'un ouvrage à des bibliophiles qui sont plus attirés par la qualité de la notice et l'histoire du livre que par le texte (c'est la tendance chez les experts en ce moment). Il a sûrement raison. Si mon exemplaire avait été relié par Gruel, j'aurais procédé ainsi. Pierre


FAILLON (M.) Monuments inédits sur l'apostolat de Sainte Marie-Madeleine en Provence, et sur les autres apôtres de cette contrée, Saint Lazare, Saint Maximin, Sainte Marthe, les Saintes Maries Jacobé et Salomé. A Paris, chez l'éditeur aux ateliers catholique du petit Montrouge, 1848. 2 volumes in-4. EO. Reliure demi basane verte, dos lisse avec pièce de titre en lettres dorées. XLVIII-1558 et 1668 colonnes (2 colonnes par page), nombreuses gravures in-texte, mors fendus sur les premiers plats. Défauts de reliure mais ensemble homogène et cahiers bien solidaires. Vendu

1 commentaire:

Pierre a dit…

J'avais présenté cet ouvrage à un prix bien supérieur, il y a 1 mois. J'ai donc révisé ma copie. Si des libraires me lisent, je serais curieux de savoir comment ils vivent ces hoquets estimatifs et ce qu'ils en pensent. Pierre