jeudi 9 décembre 2010

Les élémens d'Euclide mis à la portée de (presque) tous par Claude François Millet de Challes…


Quel a été, après la bible, un des premiers succès de librairie du 15eme siècle ? Réponse : Les Élémens d'Euclide : La première version imprimée date de 1482 !

Les Éléments d'Euclide sont une compilation du savoir géométrique ancien et restèrent le noyau de l'enseignement mathématique pendant près de 2000 ans. Il se peut qu'aucun des résultats contenus dans les Éléments ne soit d'Euclide, mais l'organisation de la matière et son exposé lui sont dus, en tout cas. Euclide (-325/-265) est un mathématicien de la Grèce antique ayant probablement vécu en Afrique dans une ville où il composa, on le sait moins, une chanson en vogue pendant toute l'antiquité…

Ah Aaah
Ah Aaah

Voiles sur les filles

Et barques sur le Nil

Alexandrie, Alexandra

Ce soir j'ai la fièvre et tu meurs de froid

Ce soir je dans', je dans', je danse dans tes draps…



Les Éléments sont divisés en treize livres mais tous les livres ne sont pas systématiquement abordés selon les ouvrages. Ces Éléments sont remarquables par la clarté avec laquelle les théorèmes sont énoncés et démontrés. La rigueur n'y est pas toujours à la hauteur des canons actuels, mais la méthode consistant à partir d'axiomes, de postulats et de définitions, à déduire un maximum de propriétés des objets considérés était nouvelle pour l'époque.


La géométrie telle qu'elle est définie par Euclide dans ce texte fut considérée pendant des siècles comme La géométrie et on doit à des travaux de recherche récents les bases d'une géométrie non euclidienne. Je vous rappelle brièvement les trois sortes de géométries existantes : Celle qui admet le postulat d'Euclide par un point pris hors d'une droite il passe une et une seule parallèle à cette droite et que l'on appelle géométrie plane ou euclidienne, celle qui admet le postulat qui dit que par un point pris hors d'une droite il ne passe aucune parallèle à cette droite et que l'on appelle géométrie sphérique ou géométrie riemannienne, et celle qui admet le postulat qui dit que par un point pris hors d'une droite il passe une infinité de parallèles à cette droite et que l'on appelle géométrie de Lobatchevski. N'étant ni Einstein ni Poincaré, vous comprendrez que la géométrie Euclidienne me convienne ;-))


Plus de 2000 ans après sa naissance, l'espace géométrique euclidien est un outil toujours aussi efficace aux vastes domaines d'applications. Par exemple, l'espace des physiciens reste encore principalement du domaine de la géométrie euclidienne, l'astronomie étant l'exception la plus notoire. La géométrie euclidienne au sens des antiques traités du plan et de l'espace est souvent présentée comme une géométrie de la règle et du compas . Les objets considérés sont les points, les segments, les droites, les demi-droites, avec leurs propriétés d'incidence (la règle), ainsi que les cercles (le compas).


C'est aussi dans les élemens d'Euclide que l'on trouve les fameuses démonstrations du théorème de Thalès et du théorème de Pythagore (le carré de l'hypoténuse d'un triangle rectangle est égal à la somme des carrés des petits côtés). Euclide s'appuie sur une étrange figure composée à partir du triangle rectangle : Au centre, le triangle, avec ses sommets A, B et C (en C, l'angle droit), les longueurs de ses côtés a, b et h ("h" pour hypoténuse) et ses angles α en A et β en B. Autour, les trois carrés dont un côté est, pour chacun, un côté du triangle. En bas, le "carré de l'hypoténuse". Puis, on trace un certain nombre de segments entre certains angles, et l'on définit le point K, à la verticale du point A (à l'angle droit du triangle), sur la base du "carré de l'hypoténuse"… Vous suivez ???


Le raisonnement consiste à démontrer que le segment CK découpe le carré de l'hypoténuse en deux rectangles dont chacun est de même surface que l'un des deux autres carrés. Cette démonstration n'est pas des plus simples...


L'ouvrage que je vous présente est un abrégé classique du 17eme siècle. Il est présenté par Claude François Millet de Challes (1621-1678). Professeur d'hydrographie à Marseille, de philosophie et de mathématiques à Lyon, jésuite et célèbre mathématicien, il fut l'auteur de nombreux traités dont les élémens d'Euclide.


DECHALLES ou DE CHALLES (Claude François Millet). A Paris chez Etienne Michallet, 1690. Reliure d'époque plein veau. Dos à cinq nerfs, caissons à motifs dorés, Pièce de titre sur maroquin à lettres dorées. Format in 12, 2ff. 393pp. Contient de nombreuses illustrations in texte. Ex-libris de la famille De Bonnail en page de garde et la devise "stabit atque florebit" du blason au contre-plat semble correspondre à la famille de Ginestous de Montdardier. Menues restaurations. Quelques défauts de reliure mais ensemble homogène et cahiers solidaires. Peu courant dans cette édition. 180 € + port Vendu


Jean-Michel, fidèle lecteur, m'envoie hors blog une remarque judicieuse, qu'avec son accord, j'insère dans ce modeste billet : Il faudrait se pencher plus profondément sur le sujet, mais il me semble que les limites de cette géométrie euclidienne, bien avant que des étoiles aient été prises comme points de repère, ont été pressenties par les dessinateurs de la Renaissance lorsque, cherchant absolument à rendre compte des effets de la perspective, ils se sont aperçus que les droites n’étaient valables que pour l’angle de vision d’un œil, c’est-à-dire grosso modo 35 °, et que pour représenter la réalité aux marges du dessin il fallait incurver les lignes. Simple pressentiment mis en réalité plus tard.

Très intéressant problème auquel s’accrocher une fois que l’on maîtrise parfaitement le tracé des limites d’une ombre portée d’un simple cube sur une table éclairé par deux bougies posées au sol sur les faces d’un dodécaèdre suspendu au plafond.

16 commentaires:

Textor a dit…

Soit deux points A, B et un point A' élément d'une droite d, il existe deux et deux uniques points C et D, tel que A' se situe entre C et D, et AB est congru A'C et AB est congru à A'D. La relation de congruence est transitive, c'est à dire, si AB est congru à CD et si CD est congru à EF, alors AB est congru à EF.

Je crois que je sais maintenant pourquoi j'ai abandonné les mathématiques après la classe de 3ème !!

Textor

Pierre a dit…

Belle démonstration qui nous rappelle à Boileau : Soyez simple avec art !

Je ne regrette pas les cours de mathématique et pourtant, j'y ai beaucoup rêver en regardant par la fenêtre... Pierre

Jeanmichel a dit…

C'est exact, maintenant que nous savons avec certitude que toutes les droites sont courbes, surtout celle qui conduit du bar "Chez Dédé" à la maison, Euclide est devenu incongru.
Plus souvent on admettra volontiers de nos jours que par un point pris en dehors d'une droite il se peut que de temps en temps une ou deux parallèles à cette droite s'y égarent.

Pierre a dit…

J'aime assez cette notion du hasard, Jean Michel ! On pourrait l'appliquer à tous les théorèmes : ainsi le carré de l'hypoténuse d'un triangle rectangle pourrait être, le plus souvent, égal à la somme des carrés des petits côtés ;-)) Pierre

Eric Zink a dit…

Je suis en train de faire un peu de rangement après le salon de Saint Germain en Laye et je tombe sur mon mémoire de DEA :
"La catégorie homotopique est une catégorie homotopique".

C'est beau les maths.

Eric

Pierre a dit…

Évidemment, le sujet vaut tout de suite qu'on s'y plonge ;-)) Je ne me moque pas. De mon côté, mon sujet de thèse n'a pas fait avancer la science, je dois le reconnaitre...

Et dites-nous ; ce salon de Saint Germain ? Je suis bien trop loin pour y penser mais j'ai le souvenir, à la lecture d'un article, d'une manifestation à la fois de bon niveau et où l'on semble bien accueilli. Pierre

Pierre a dit…

Nous n'avons pas à faire à un ex-libris mais à des armes avec une couronne ducale.

calamar a dit…

la devise "stabit atque florebit" est celle de la famille de Ginestous (languedoc), et le blason semble correspondre à la famille de Ginestous de Montdardier.

Anonyme a dit…

A combien il est votre DEA, Eric ?

Montag

Pierre a dit…

Calamar, vous êtes vraiment un sauveur ! (dans la sens laïque du terme, je précise). Je cherchais un blason et il me fallait commencer par la devise... L'origine correspond bien avec la signature en page de garde car la famille De Bonnail est languedocienne, elle aussi.

Je suis votre serviteur. Pierre

Eric Zink a dit…

@Montag : mon mémoire est dans la case livres à valeur scientifique et financière quasiment nulle (exemplaire pourtant unique, le jury s'étant certainement débarrassé de son exemplaire)==> invendable !

@Pierre : Le salon du livre de Saint Germain en Laye a été mon premier salon.
En tout premier lieu, je retiens l'accueil chalereux des autres libraires.
L'organisation était bien (il manquait un peu de communication, je pense en particulier à Art & métiers du livre qui n'a pas mentionné le salon). Le cadre est toujours aussi magique et j'ai apprécié ce salon qui est d'excellente tenue.
Contrairement à d'autres, j'ai fait le choix de rester dans mes spécialités avec des livres du 16ème au 18ème. Du coup, soit les visiteurs passaient leur chemin soit ils restaient un bon bout de temps.
Le salon m'a permis de rencontrer des bibliophiles en sciences qui ne me connaissaient pas. Certains m'ont appris des choses sur mes livres. D'autres m'ont fait part de leur thème de collection ou ont acheté.
Sans donner de chiffres, les ventes compensent largement les coûts d'inscription.
Je ne sais pas si je renouvellerai régulièrement l'opération :
- Ce week-end j'ai plus vendu sur mon site internet qu'au salon
- Je crains toujours d'abîmer les livres pendant le transport (par contre pas de problème avec les visiteurs)
- Heureusement que Bergamote a pu venir m'aider, surtout pour remballer.

Au final ce fut une bonne expérience.

Eric

Textor a dit…

Eric, c'est un unica cette thèse, elle aura beaucoup de valeur dans 300 ans, et puis, certes, la catégorie homotopique est une catégorie homotopique, mais l'inverse reste à démontrer !

Pour le salon de St Germain, il faudrait faire un peu plus de publicité, car chaque année, je manque la date.

Textor

Pierre a dit…

L'idée de m'inscrire à Saint Germain en Laye me séduirait bien pour connaitre la capitale. Les deux petits salons locaux que j'ai fait m'ont bien plu. Disposer les livres de façon intelligente pour donner l'attrait de l'achat est un régal, pour moi !

Par contre, choisir les ouvrages que l'on va mettre en exposition sans désorganiser son propre magasin doit être une source de dilemmes insurmontables ;-))

Merci de nous avoir donné vos impressions, Éric. Bonjour à Bergamote ! Mon épouse m'a accompagné une fois et je dois avouer que cela m'a fait très plaisir d'autant plus qu'elle n'est absolument pas bibliophile. Pierre

Eric Zink a dit…

@ Textor, je l'avais pourtant annoncé dans ma newsletter. Afin d'éviter tout problème de filtre anti spam, je vous enjoins à ajouter mon adresse mail à vos contacts (pour vous motiver, dans ma prochaine lettre d'information, je glisserai dans mes nouveautés un incunable pas cher ;) ).

Pierre vous avez le bonjour de Bergamote.

Eric

Textor a dit…

Eric, Bonne idée, car je ne recois pas votre new letter. Je prends une option sur l'incunable pas cher !!
T

Pierre a dit…

Un document annexe nous est proposé à la fin de ce billet. Pour information, je rétribue toujours grassement les contributeurs ;-)) Merci, Jean-Michel. Pierre