samedi 3 avril 2010

Louis JOU – André SUARES. Une amitié scellée par le goût de la perfection.

Exercer le métier de libraire d'ouvrages anciens dans une boutique est une chance si l'on souhaite échanger (et bien sûr vendre) des livres mais aussi de la " culture". Je sais, ce mot fait peur, il est politiquement incorrect mais je ne vais pas toujours utiliser des périphrases pour lisser mes propos, quand même… "Connaissance" n'est pas mal non plus mais est à double sens, "érudition" renvoie aux sociétés savantes, "instruction" à Jules Ferry, "savoir" ou "lettres" aux salons du 18eme siècle et quant à "acquisition", on a l'impression que j'ai acheté le tout… Non, culture, c'était bien ! Un client, François, est passé à Tarascon suite à un article du blogue sur Louis Jou. Tout à fait méritoire quand on sait qu'il venait d'Alsace ! Amoureux d'André Suarès, je lui ai demandé son aide pour me faire un petit article bibliographique qui retrace la coopération de ces deux hommes si dissemblables. L'un, normalien, condisciple de Romain Rolland, à l'esprit intellectuel rompu aux subtiles analyses, l'autre autodidacte intuitif, au langage direct mais à l'imagination toujours en éveil.

Luis Felipe –Vicente JOU i SENABRE dit Louis JOU rencontre André SUARES chez l’imprimeur Frazier - Soye à Paris. Louis Jou est un catalan installé à Paris en 1906 comme graveur sur bois et est reconnu pour la qualité de ses lettrines. Il possède une maison aux Baux de Provence depuis 1921 et s’y installe définitivement en 1940. Quant à lui, André Suarès fait de fréquent séjours aux Baux et restera lié à Louis Jou jusqu’à sa disparition en 1948. Louis Jou illustre trois ouvrages majeurs d’André Suarès et diverses plaquettes et fascicules comme " l’Art du Livre " édité par Louis Jou en 1928. Dans cet ouvrage Suarès nous dit " Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre… s’il lui arrive de ne plus penser que selon les images toutes faites d’un écran…". 1918 : Amour, publié sous le pseudonyme de Félix Bangor qui marquera la rencontre des deux hommes. 1930 : Vers Venise. 1931 : Marsiho



Marsiho publié par Tremois en 1931 est un texte lyrique dédié à Marseille, ville natale d’André Suarès. Il décrit avec un ton féroce le caractère marseillais et serait certainement censuré en 2010 par les adeptes du politiquement correct. A lire avec délectation. L’ouvrage in-4 tiré à 305 exemplaires est enrichi d’une suite de bois gravés originaux en couleurs, hors-texte, bandeaux et culs-de-lampe. Marsiho est publié par Grasset en édition courante à 1400 exemplaire en1933.



Vers Venise tome I du Voyage du Condottiere est publié en édition originale chez Cornely en 1910. Les tomes II (Fiorenza) et III (Sienne la bien aimée) sont publiés en 1932 chez Emile-Paul. Vers Venise est repris en 1930 par Dewambez. L’ouvrage in-4 tiré à 191 exemplaires est enrichi de 70 pointes sèches originales et 58 bois gravés en trois tons. Les pointes sèches ne marqueront pas l’histoire, mais il faut s’attarder sur les lettrines et culs-de-lampe de toute beauté. La typographie est magnifique. Vendu


Il existe aujourd’hui aux Baux une Fondation Louis JOU avec un musée et les archives du graveur. François. Merci, François, pour avoir fait ce petit devoir de vacances pour moi ! En revenant du musée des Baux de Provence, chers lecteurs, passez par ma boutique. J'ai quelques ouvrages de Louis Jou que vous pourrez admirer et sait-on jamais, acquérir… Pierre

3 commentaires:

Textor a dit…

Sympa cet article, belle typographie effectivement. Merci Pierre et François !

Pierre a dit…

Prochain Louis Jou que je vous présenterai ? J'avais pensé aux " Oraisons Funèbres " de Bossuet.

Tout le monde connait ces fameux panégyriques mortuaires. Quand vous verrez le travail de gravure sur bois des lettrines polychromes vous vous direz que le paradis des livres existe... Pierre

Frsk a dit…

Les lettrines sont superbes. Du grand Louis JOU.

Mais j'ai constaté que certaines gravures étaient inversées: à Bâle le Rhin coule du Sud vers le Nord, donc de gauche à droite et le vieux pont part vers la gauche.
Travail de stagiaire sur photo ou négligence fréquente ?