lundi 8 février 2010

Causerie du lundi de Philippe Gandillet. Droit de réponse, devoir de réponse ?


Je connais des gens qui ne répondent jamais aux lettres.

Ce n'est pas me flatter que de dire que sur ce point là, je suis irréprochable, aussi quand un article est la réponse à un courrier empressé d'un de mes lecteurs, j'ai quelque déception, je dois le reconnaître, à ne pas avoir ce petit commentaire élogieux qui chatouille ma vanité Académique. Quand, dans Les Lépreuses, Pierre Costals note sereinement ceci " Cette lettre a été classée par le destinataire, l'enveloppe non ouverte" il donne la preuve de sa muflerie. Sans se montrer aussi cyniques que lui, certains se flattent de laisser dormir leur courrier sur la table encombrée, pendant des jours, des semaines, voire des lunes. Il paraîtrait qu'on se rend compte, un certain délai écoulé, que tels échanges ont perdu avec le temps, tout objet. C'est un peu la même chose avec mes causeries qui sont chassées par l'actualité du blogue de Pierre, me direz-vous !


C'est un des effets pervers de la rapidité supposée des échanges sur la toile que de vouloir qu'ils perdurent dans la mémoire. Y a-t-il des délais à la suite desquels un article est classé sans suite ? Huit jours affirment doctement les manuels qui règlent ainsi l'étiquette d'un cœur endeuillé. Le plus sage et le plus courtois est de répondre par retour du courrier, comme on disait au temps des diligences. Consacrer une demi-heure par jour à sa correspondance, voilà la bonne règle.

Evidemment, si vous avez à dépouiller tel un ministre un volumineux courrier, vous devez faire preuve d'organisation. L'urgence que je recommande ici, touchant le délai des réponses, doit s'entendre surtout aux commentaires sur un blogue. Par contre certains propos profonds méritent la méditation, le temps qu'on les mûrisse. Et je ne parle pas des missives aigres-douces auxquelles le sommeil de la nuit apporte son conseil de modération.


En principe, il est à déconseiller de garder toute sa correspondance. Certaines lettres d'amour devraient disparaître avec leur auteur pour en protéger l'image. Je frémis en pensant qu'un beau jour, un de mes amours adolescents n'étale ma prose amoureuse dans le best-seller impudique d'un éditeur en manque de tirage…

Le blogue a ceci de désolant qu'il vous contraint malheureusement à l'immortalité. C'est ce qui m'a amené à développer, ce matin, cette réflexion dans ma causerie du jour car Pierre vous propose les lettres de Madame de Sevigné dans une belle édition bourgeoise. Quel manque à la richesse de notre littérature si elle n'avait répondu aux lettres de ses correspondants ! Quand aux miennes…

Votre dévoué. Philippe Gandillet


SEVIGNE (Madame de). Lettres. Librairie Félix Juven sans date (1930), Paris, lettres recueillies et commentées par Leo Claretie, illustrations de C.Chalus. in-4, 23x31 cm, Couverture rigide. Cartonnage d'éditeur. 320p illustrées de nombreuses gravures noir et blanc dans le texte, toilé gris, collection : les classiques de la jeunesse. Notice sur Madame de Sévigné, table des gravures et notes. Très bel état. 115 € + port

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce billet appelle reponse!
Il s'agit de prouver que la technologie n'a pas tue toute politesse.
J'ai grande joie a vous lire presque chaque jour Pierre (et Philippe hebdomadairement).
Un sujet qui nous eloigne des regles de la correspondance mais qui nous rapproche de notre amour des livres : j'ai visite le salon des livres et papiers anciens ce week-end, tres interessant. J'ai pense que vous y auriez exactement votre place, histoire de venir a la rencontre d'un public parisien qui s'impatiente de plus en plus de ne pas vous voir dans la Capitale. J'ai essaye de calmer l'ardeur de la foule en delire qui scandait Bri-llard, Bri-llard a l'entree du Salon...A bientot,
Aimee

Textor a dit…

Mon cher Philippe,
Je tenais à vous dire que vos petits patés de Homard - votre post du 29 juillet courant - m'ont bien plu. La cuisine et le livre sont 2 inventions humaines qui trouvent leur point d'orgue dans le livre de cuisine !
Amitiés bibliophiliques
Textor

Anonyme a dit…

Aimée, Textor,

Laissez-moi inscrire vos noms en tête de ce commentaire qui vous appartient deux fois ; par le don de l'amitié et parce que sans vous mes causeries n'eussent jamais été écrites. Je n'ai entrepris cette collaboration hebdomadaire avec Pierre qu'avec l'assurance de partager avec mes lecteurs un véritable intérêt pour le livre et un profond désintérêt pour son commerce. Je laisse ce volet à Pierre.

Je n'entretiens aucune illusion sur la fragilité de mes écrits. Ils n'ont, je crois, qu'un seul mérite, celui qu'ayant été composés en l'hommage d'écrivains parfois oubliés, ils puissent donner envie de les redécouvrir.

" Je tremble toujours de n'avoir écrit qu'un soupir quand je crois avoir noté une vérité " écrivait Stendhal. Je suis loin, hélas, de cette maitrise et le chemin est long pour arriver à l'indifférence ou l'impassibilité, vous l'avez constaté...

Il faudra bien, qu'un jour, Pierre aille à Paris puisqu'on clame son nom. Je fais les premières démarches pour qu'il y soit bien logé.

Philippe Gandillet

Jeanmichel a dit…

Pour le temps de réponse, il faudrait ne disposer que du temps nécessaire à la vérification des mots dont on doute de l'orthographe afin de continuer à livrer sa pensée sur l'erre de l'impulsivité révélatrice.
Trop réfléchir c'est mal réfléchir quand il ne s'agit que d'exprimer ses sentiments, car on aboutit toujours à un "A quoi bon ?" qui blanchit les pages en caviardant les brouillons.
Quand Pierre sera admis en quelque cénacle (A force de crier "BRI-LLARD" cela arrivera) il faudra bien disséquer son discours d'intronisation : aucun de ceux qui l'ont écouté n'a oublié comment, en 1979, son rôle d'avocat de la défense s'est transmuté progressivement en celui d'avocat de la partie civile, emporté par les mots et les effets de manche, au fur et à mesure que la plaidoirie se déroulait.

Pierre a dit…

Il ne faut pas suivre l'exemple de Philippe Gandillet qui écrit comme on écrit, alors que je pense, comme Jean-Michel, que l'on peut écrire comme on parle avec le risque, il est vrai de laisser passer quelques bourdes... Un moment de honte est si vite passé !

Jean-Michel a bonne mémoire qui m'a vu finir ma première plaidoirie par un "Dura lex sed lex, mais c'est la loi ! ". Le décor néoclassique se prêtait alors aux envolées verbales et aux condamnations injustifiées.

J'ai fait de notables progrès en latin et dans les péroraisons, depuis. Pierre

Jeanmichel a dit…

Pierre, c'était encore plus drôle, car la plaidoirie se terminait en une accusation apocalyptique :
"Il faut les passer à la casserole Duralex - (pause) - sed lex mais c'est la loi.
Et l'amphithéâtre fut tout entier MDR, comme on ne disait pas alors.

Pierre a dit…

Le hasard me fait redécouvrir ce billet. Je n'ai toujours pas vendu cet ouvrage mais je savoure encore la joie de lire vos commentaires. Merci. Pierre