Spécialiste du proverbe dramatique, Théodore Leclercq (1777/1851) se fit une véritable réputation : ses petites pièces n'étaient pas destinées à la scène mais étaient reconnues pour leur finesse dans l'analyse des mœurs. Moraliste indulgent et critique enjoué, M. Leclercq a représenté, dans une suite de tableaux de genre, les vices, les travers, les ridicules de tous les temps, mais avec les traits distinctifs de son époque.
Un certain nombre de pièces sont des satires politiques
écrites avec une verve hardie et qui peignent la situation des esprits dans les
dernières années de la Restauration, car M. Leclercq, bien qu’il eût peu
de goût pour la politique, ne pouvait demeurer indifférent aux grands débats
qui agitaient la société de son temps. Remarquons en passant que la critique de
M. Leclercq, pour vive qu’elle soit, ne va jamais jusqu’à l’injure, encore
moins à la calomnie. Ses traits sont aigus, mais non pas empoisonnés - Il sait
railler, mais il ne sait pas haïr !
Avec ses proverbes publiés dans l’édition complète de Delahays que
je propose aujourd'hui à la vente, Leclercq s’impose comme le deuxième auteur
de référence dans l’histoire du genre, non seulement par le nombre de pièces
composés, mais aussi par l’importance, immédiatement après Carmontelle, qu’on
considère comme le père du proverbe dramatique parce qu’il en fut le premier
théoricien et le plus infatigable producteur dans les années 1760-1780.
Aux beaux jours du Consulat, Mme de Genlis encore à
la mode, un soir qu’elle devait recevoir beaucoup de monde, eut l’idée de jouer
au coin de sa cheminée un Proverbe improvisé. Pour lui donner la réplique, elle
choisit le jeune Théodore Leclercq, avec qui elle s’était liée d’amitié. - Lui
s'était, de son côté, lié d'amitié avec une autre plumitif, Joseph Fiévée… Avec
une pointe de malice, Mérimée fait remarquer, dans une de ses chroniques, que
leurs rôles, arrangés selon l’usage pendant « un aparté de cinq
minutes » de manière à former un petit canevas, joignaient l’outrance du
ridicule à quelques traits biographiques : Félicité de Genlis jouait
« celui d’une femme de lettres ridicule », tandis que
« M. Leclercq représentait un jeune poète à sa première élégie ». L’auditoire trouva que Mme de Genlis n’avait
jamais eu tant d’esprit ; elle en sut gré à son jeune acteur et l’engagea
à composer des comédies…
Les proverbes dramatiques de Leclercq consistent en la
mise en scène d’une petite action théâtrale autour d'un proverbe connu, donné comme
sujet à remplir ou à deviner, et doit servir de moralité et de mot final à la
représentation. Je vous en donne un exemple ? " Il vaut mieux avoir affaire à
Dieu qu'à ses saints ". Pour vous permettre de perpétuer le genre avec le
détachement qui s'impose, je vous soumets quelques proverbes modernes qui
mériteraient une petite mise en scène théâtrale : A vos plumes !
- L'eau prend
toujours la forme du vase.
- Chute dans
l'escalier, mal de tronche assuré.
- Plus on pédale
moins fort, moins on avance plus vite.
- L'avenir
appartient à ceux qui se lèvent.
- Il vaut mieux
s'en aller la tête basse que les pieds devant.
- Tout a une fin,
sauf le saucisson qui en a deux.
- Il n'y a aucune
honte à être pauvre, mais c'est bigrement incommode.
- Si tu ne veux
pas te taper sur les doigts, prends ton marteau à deux mains.
- La forme des
pyramides le prouve, l'homme a toujours eu tendance à en faire de moins en
moins.
Et je termine par
ce fameux syllogisme : - Plus il y a de
gruyère plus il y a de trous, mais plus il y a de trous moins il y a de gruyère,
donc plus il y a de gruyère moins il y a de gruyère… Imparable ! Pierre
Proverbes dramatiques. Nouvelle édition augmantée des proverbes
inédits. Précédées de notices par MM. Sainte-Beuve et Mérimée. Paris, Delahays, sd (1852-1853). 3 volumes in-8. Reliure demi-chagrin marron, dos à nerfs,
caissons fleuronnés, gardes colorées. XX-519 pp / 518 pp / 511 pp.78 gravures
sur acier d'après les compositions de MM. A. et Tony Johannot. Trois premiers
volumes de cette nouvelle édition, augmentée de proverbes inédits, qui en
compte quatre, précédés de notices par MM. Sainte-Beuve et Mérimée. Très bon
exemplaire. 75 € + port
5 commentaires:
pour le gruyère, je m'en f... (heu, préoccupe fort peu) je mange du Comté. Yapad'trou danl'Comté !
Et se lever, c'est un gage d'avenir, surtout parce qu'autrement on risque la mise en bière sans alcool mais avec sapin.
Moi, c'est pareil, je ne mange que du Comté ! Et c'est tant mieux. Car si j'aimais les trous, je mangerais du gruyère... et justement, le gruyère, je n'aime pas ça !
(encore une démonstration imparable) Pierre
Tss tss tsss... lait de vache = nocif pour les articulations.
Pierre, et vos genoux ? :-)
Si le lait est mauvais pour les articulations, alors tout s'explique ! Dois-je me contenter des trous du gruyère pour rester en bonne santé ? ;-)) Pierre
Non Pierre, les trous, c'est de l'air, et c'est mauvais pour votre aérophagie.
Passez à la chèvre ou à la brebis ; elles seront plus douces pour vous :-))
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