L'excellente Histoire de France de Monsieur Dareste que je propose aujourd'hui à la vente fait partie de ce fond historique nécessaire à toute bonne bibliothèque de travail digne de ce nom. Quand cette Histoire de France est bien reliée et en bel état, elle fait parfois aussi partie de ces belles bibliothèques de bibliophile qu'on envie. Quand cette Histoire de France est suffisamment rare pour être un sujet de convoitise, c'est encore mieux et le vendeur en tire une légitime fierté et subséquemment un légitime bénéfice. Mais quand la biographie de son auteur, Dareste de la Chavanne (1820-1882), est d'une maigreur extrême - on ne dit "étisique" que si l'on veut appâter les commentateurs - l'animateur de ce modeste blogue sait qu'il devra faire preuve d'imagination dans sa présentation…
Dareste de la
Chavanne fut archiviste paléographe (promotion 1843),docteur es lettres,
licencié en droit, agrégé d'histoire. Professeur d'histoire aux facultés de
lettres de Grenoble et de Lyon, doyen de la faculté des lettres de Lyon,
recteur des Académies de Nancy et de Lyon (1874-1878), il pris part aux luttes
électorales sur Lyon en 1871 où il fut appelé le "parfait recteur de
l'université catholique" en raison de ses attaches au catholicisme
militant, et de son peu d'engagement auprès des facultés d'État. En décembre
1878, les étudiants de Lyon demandèrent sa démission : mis en disponibilité le
8 décembre de la même année, il fut mis à la retraite le 1er novembre 1880.
C'est en lisant
par pur hasard (je n'abuse pas de la lecture, la plupart du temps) la page de
titre de l'œuvre que j'ai noté avec surprise que l'auteur était un Recteur
d'Académie. Je croyais vraiment que ces élus de la République, en simples
administrateurs de l'éducation nationale n'étaient pas des lettrés. J'avais en
souvenir une sentence que j'avais noté dans un carnet : "les petits
recteurs, dénués de toute autorité, petits devant les préfets, petits devant
les évêques, petits devant les conseils académiques, sont des manières de
lieutenants de police du ministre de l'Instruction publique qui règne en
despote sur un personnel épuré et rendu docile par la peur". La République veille à l'attachement de ses
fonctionnaires à son système et à ses valeurs !
Créée voici deux cents ans par Napoléon, la
fonction de Recteur reste encore mal connue du grand public, et au sein même de
l'éducation nationale. Le recteur d'académie est d'abord conçu par l'Empereur
comme le représentant de l'Etat enseignant dans les académies instituées par le
même décret fondateur du 17 mars 1808 qui organise l'université. Au fil des ans
et des régimes, la fonction se transformera : la légitimité du recteur
s'affirmera ; son ancrage universitaire se renforcera…
S'il applique les
politiques ministérielles, il tient cependant compte des particularités de
l'académie dont il a la charge et dont il se fait aussi l'interprète ; il
contribue aux évolutions de plus en plus profondes et rapides du système
éducatif; le notable du XIXe siècle devient dans son académie un manager
en charge de la moitié de la fonction publique même s'il reste d'abord un
pédagogue, soucieux de la réussite des élèves et des étudiants ; la
décentralisation et la déconcentration renforcent son rôle, dans un partenariat
plus étroit avec les autres services de l'Etat et les collectivités
territoriales. On sait,
qu'aujourd'hui, un réel malaise existe dans les universités face à la montée en
puissance du religieux – particulièrement de l'Islam radical - dans les écoles. Les Recteurs deviendront-ils les derniers
remparts de la République ? Une redoutable question se pose alors devant
la conscience française : La laïcité a conquis l'illettrisme, a-t-elle
conquis les âmes ?
Voici ce qu'un
recteur d'Académie disait à ses élèves pour la rentrée solennelle de 1895 :
" Vous vivez à une époque difficile. Jamais le nivellement et l'instabilité
des fortunes n'ont rendu plus incertain l'avenir que des parents prévoyants
croient vous assurer. Sans protester contre des fatalités économiques qui ont
la rigueur des lois naturelles, il faut accepter virilement cette situation,
songer à vous pourvoir vous-mêmes et ne compter que sur vous. […] À un autre
point de vue, le travail est pour vous une dette. Les circonstances, par le
fait seul qu'elles vous ont conduits sur les bancs de l'université, ont fait de
vous des privilégiés. Vous usez de ce privilège sans avoir, du moins presque
tous, rien fait pour le mériter. Afin de vous acquitter envers la société,
votre créancière, vous lui devez de devenir l'élite qu'elle attend de
vous ". Toujours d'actualité ! Pierre
Paris, Henri Plon, 1873 – 1875. 650 pages chacun. Demi-chagrin vert empire, dos à nerfs, caissons ornés, titre et tomaison en lettres dorées, gardes colorées, tranches mouchetées. Ouvrage auquel l'Académie française a décerné le Grand Prix Gobert. .. Rousseurs clairsemées. Bel état intérieur et extérieur. 190 € + port
2 commentaires:
"Les circonstances, par le fait seul qu'elles vous ont conduits sur les bancs de l'université, ont fait de vous des privilégiés. Vous usez de ce privilège sans avoir, du moins presque tous, rien fait pour le mériter."
déjà à cette époque on était diplômé sans avoir rien fait pour le mériter ? ces gloires anciennes sont-elles usurpées ? ah là là, ce n'était pas mieux avant...
Mauvaise interprétation du texte ;-))
Le hasard - la providence disent certains - la chance - la fatalité pour d'autres - nous ont fait naitre, sinon avec une cuillère en argent dans la bouche, au moins dans un milieu où le mérite peut nous faire escalader l’échelle sociale sans avoir recours au meurtre de nos supérieurs ;-)) Pierre
Je crois aux diplômes tant qu'on n'a pas trouvé autre chose pour les remplacer.
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