samedi 14 novembre 2015

Lucien Rebatet : Un autre Céline ?


Un ouvrage vient de sortir des presses en cette fin d’année 1951. La rédaction en a été commencée en 1937 : " Michel est un garçon de vingt ans, ancien élève des Pères, ardent, intelligent et pauvre qui débarque à Paris dans les années vingt pour y terminer ses études. Il découvre Paris : musique, peinture, théâtre, littérature, et le plaisir. Il y a de quoi l’enivrer quand intervient un événement qui le fait changer de direction. Son ami Régis, demeuré à Lyon, lui apprend qu’il veut devenir prêtre, et même jésuite, et en même temps qu’il aime une jeune fille nommée Anne-Marie. Quand Régis entrera au Séminaire, Anne-Marie commencera son noviciat dans un ordre féminin. L’évocation de l’amour mystique et pur, mais brûlant qui les unit bouleverse si bien Michel qu’il tombe à son tour amoureux d’Anne-Marie sitôt qu’il la rencontre.

Le seul moyen de rejoindre Anne-Marie lui paraît être de rejoindre à la fois Régis et Anne-Marie dans leur aventure spirituelle. Michel essaie donc de se convertir mais vainement. Il n’ose pourtant avouer la vérité et son amour à Anne-Marie que le jour où Anne-Marie et Régis se séparent. Elle se tourne alors vers lui. Mais Michel est un être à qui la terre suffit, Anne-Marie une de ces créatures qui sont perdues lorsqu’elles ont perdu leur Dieu... Après un étonnant voyage en Italie et en Turquie, les familles sont prêtes à marier les jeunes gens mais Anne-Marie refuse et rompt avec Michel. Elle ne retrouvera pas la foi, cependant elle en garde la nostalgie et la marque profonde. Elle dit elle-même que le christianisme est une « drogue », mais qu’elle en a pris « une trop forte dose » et « qu’elle ne s’en remettra jamais ». Régis et son Dieu triomphent… mais sur les ruines du bonheur humain ! ".


Voici un bien beau quatrième de couverture, n’est-ce pas ? Mais ce roman - Les deux étendards - qualifié de remarquable par les critiques littéraires, ne sera pas, ou très peu, diffusé par l’éditeur Gallimard qui avait pourtant  acquis clandestinement le manuscrit  de l’auteur : Lucien Rebatet. Victime d’une conspiration du silence du fait des positions politiques de son auteur durant la seconde guerre mondiale, le roman a eu, depuis, deux nouveaux tirages mais n’est toujours pas sorti en livre de poche !  Pourtant l’intrigue ne parle que de religion et d’amour…  La faute au parcours politique chaotique de l’écrivain Rebatet !


Écrivain, journaliste, critique musical et cinématographique, Lucien Rebatet (1903-1972) est surtout connu pour être une figure de la collaboration, auteur des Décombres (le livre le plus vendu de l’Occupation), long ouvrage qui alterne mémoires et pamphlet antisémite. Il ne reniera d’ailleurs jamais complètement ses idées… Condamné à mort en 1946, puis gracié en 1951, ce vaincu de l’histoire a écrit une grande partie de ce roman extraordinaire de 1300 pages en prison, les chaînes aux pieds, dans l’attente de son exécution, n’ayant d’autres angoisses que de ne pas pouvoir l’achever…


En 1945, il fit partie avec Louis Ferdinand Céline et Abel Bonnard des écrivains réfugiés à Sigmaringen dont la France voulut faire oublier les noms. Il fut gracié en 1947 et avait bénéficié d’une pétition qui comprenait les signatures de Paulhan, Bernanos, Roger Martin du Gard, Roland Dorgelès, Pierre Mac Orlan, Jean Anouilh, Camus, Mauriac, Claudel, Marcel Aymé. Il est vrai que Lucien Rebatet  avait toujours revendiqué de n’être qu’un écrivain… Pierre


REBATET (Lucien). Les deux étendards. Paris, Gallimard éditeur, 1951. Deux volumes in-8. Brochés 496 et 519 pages. Première édition (mention fictive de 10ème). Etat absolument parfait. 130 € + port

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