Si l'on en croit un article de M Mercey dans la Revue des
deux Mondes de 1852, chacune des phases du mouvement populaire de février 1848,
à commencer par la révolution elle-même, a été l’occasion d’un grand nombre de réalisations
artistiques. L’Installation du Gouvernement provisoire, l’Assemblée
nationale, le 15 Mai, les Journées de Juin, la Promulgation de la Constitution,
et enfin l’Élection du 10 Décembre, ont reçu cette consécration et l’art
numismatique n'y a pas échappé ! Il est vrai que, dans la seule année de 1848,
les événements se succèdent avec une si foudroyante rapidité, que chaque
graveur qui veut les retracer doit se livrer à l’improvisation, s’il désire
arriver à temps.
Cette fécondité et cette rapidité d’exécution
s’appliquent à ces nombreuses illustrations plus ou moins démocratiques
ou sociales et à ces singulières marionnettes politiques qui se
succèdent si fantastiquement sur les tréteaux populaires. En effet, de
Lamartine et Ledru-Rollin à Huber et à Bianqui, il n’est guère de célébrité
révolutionnaire qui n’ait sa médaille, ne fût-elle qu’en étain ou en plomb ! Et
cependant peu de collections sont plus curieuses et présentent un caractère
plus original que celle qui comprend cette période révolutionnaire. Cet
intérêt, elles l’empruntent à l’application de l’épigramme et du grotesque à la numismatique.
M de Saulcy (1807-1880) dont je vous propose aujourd'hui
un ouvrage à la vente a eu la remarquable idée de recueillir les médailles de
toute nature qui ont paru du 24 février au 20 décembre 1848, et il en a rassemblé plus de cinq cents. Il a fait plus ; il a fait des gravures de toutes les pièces
recueillies, dont il a soin d’indiquer le caractère et l’origine. Cette
publication est assurément l’une des plus amusantes qui aient paru sur une
époque qui ne l’était guère... C’est que l’auteur ne s’est pas borné à recueillir
les pièces officielles et sérieuses, mais qu’il a recueilli avec le même intérêt
toutes ces pièces éphémères, ces clichés en alliage, en étain, en plomb,
frappés seulement à un très petit nombre d’épreuves, témoignages de
l’admiration naïve de quelques-uns, de la mauvaise humeur ou de la colère de
quelques autres, et dont la plupart ont pour objet de ridiculiser de
détestables passions et de bafouer tous ces grands hommes d’un jour.
Jamais, dans aucun temps, le comique et le grotesque
n’ont fait une pareille invasion sur le terrain neutre de la numismatique. Il
semble que l’on veuille remplacer par l’épigramme ou la moquerie les flatteries
d’autrefois... Aussi n’a-t-on jamais compté un pareil nombre de ces pièces
singulières, que l’on peut considérer comme autant de satires ou de caricatures
métalliques.
Si beaucoup des
médailles de la Révolution de février nous montrent la république de 1848
triomphante et dans toute sa gloire, d’autres nous montrent ses malheurs et ses
infirmités. L’une de ces dernières a été frappée à l’occasion des journées de
juin. D’un côté, on lit au centre d’une couronne d’ossements recoupée en croix
par quatre têtes de mort placées sur deux os en sautoir 1848. État de siège,
transportation des insurgés de juin, et alentour de la couronne, écrit au
rebours : République des honnêtes gens. Au revers, on voit la même
couronne entourée de grosses larmes ; au centre : 1848. État de siège,
misère.
À la suite des
journées de juin, beaucoup de médailles ont été frappées avec les balles de
l’oppression comme autrefois avec les chaînes de la tyrannie. Les
unes portent : Journées de juin 1848 : du pain ou du plomb. —
Liberté ou la mort. — Vive Barbès ! Avec cette légende au
revers : Modèle de balle en usage dans les guerres civiles, venant d’outre-mer.
Parmi les
monuments numismatiques les plus curieux de la révolution de février, nous
citerons surtout les médailles des clubs : toutes ont un caractère plus ou
moins anarchique. Nous signalerons dans le nombre celles du club des voraces,
des sans-culottes de la Croix-Rousse, des démocrates des faubourgs, des
travailleurs de Reims, de la société des droits de l’homme, du club des clubs,
etc… Le club des femmes a aussi ses médailles, dont l’une représente la
présidente à la tribune prononçant cette curieuse phrase disposée en
légende : C’est nous qui faisons l’homme, pourquoi n’aurions-nous pas
voix délibérative dans ses conseils ? C'est vrai ça ! A peine un
siècle plus tard - le temps d'une saine réflexion - la République leur accordait donc légitimement le droit de
vote… Pierre
SAULCY (F. de).
Souvenirs numismatiques de la
révolution de 1848 ; recueil complet des médailles, monnaies et jetons qui ont
paru en France depuis le 22 février jusqu'au 20 décembre 1848. Paris, Chez J Rousseau, s.d. Un
volume grand in quarto (21/28). 111 pages + 60 planches. Reliure demi-basane
cerise, dos à nerfs, roulette sur les nerfs, pièce de titre, gardes colorées.
Intérieur très frais. Bel exemplaire. 140 € + port
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire