Les deux auteurs... |
A la caricature
physique (sur le mode déjà illustré par Daumier) s’ajoute une satire des effets
de manche, postures et autres procédés rhétoriques tenant lieu d’éloquence ! Les deux auteurs de L’Assemblée
nationale comique appartiennent à
l'école satirique de la
presse républicaine. Lireux collabore d'ailleurs
aussi à La Séance, journal fondé
en 1848 pour rendre compte des débats
de l’Assemblée nationale. L’une de ses cibles préférées –comme de Nadar –
est Louis Napoléon Bonaparte. Lorsque
ce dernier perpètre son coup d’état, Lireux sera arrêté et menacé d’être
fusillé. Des interventions, dont celle de l’actrice Rachel et de ses relations
de théâtre, lui épargneront de
subir la condamnation à huit années de déportation prononcée à son encontre par l'Empire.
Celui qui tient
le crayon, Cham, n’est pas le premier dessinateur avec lequel Lireux collabore.
Il a auparavant rédigé, en compagnie de Théophile Gautier, Pierre-Jules Hetzel
ou encore Léon Gozlan, des notices accompagnant les Œuvres choisies de Gavarni , alors considéré comme le grand dessinateur de son temps, plus
peintre des mœurs que réellement
satiriste, et se tenant à l’écart des engagements politiques, à la différence
d’un Grandville (mort en 1847) ou
d’un Daumier.
Le comte Amédée
De Noé, dit Cham (1819-1879) est le fils d’un pair de France, mais, élève de l’École polytechnique, il
abandonne la voie qui lui était tracée pour rejoindre les ateliers de Paul
Delaroche, puis de Charlet. Il débute en 1843 au Charivari dont il tiendra pendant trente et un ans la
revue de la semaine à partir de janvier. Son mode d’expression privilégié est la caricature outrancière, qu’on
appelle la "charge". Ce procédé emploie des procédés classiques dont la déformation du physique est le plus utilisé : ainsi Thiers ou Louis Blanc, dont on ne
distingue que les mains derrière la tribune, sont-ils "nanifiés", là où d’autres (Lamartine, Cavaignac) sont étirés, et d’autres encore
arrondis. L’appendice nasal est largement utilisé, ainsi que des détails
vestimentaires et capillaires ou des accessoires. Proudhon est caractérisé
d’abord par ses lunettes, Marrast et Crémieux par leur chevelure. Le
dessinateur saute rarement le pas du fantastique : il le fait toutefois
dans le cas de Considérant, affublé d’un long appendice
caudal terminé par un œil…
Si Cham fit
du dessin politique au lendemain
de la révolution de février, ses caricatures se limitèrent à la
période de la Seconde République pour laquelle il ne manifesta aucune
sympathie. La biographie et la bibliographie de Cham est cependant encore
à explorer. S'il y a un spécialiste de Cham en France, aujourd'hui, il est ici
(vous pouvez cliquer) !
L’éditeur Calmann Lévy eut l’idée de réunir en volumes les comptes rendus des séances de l’Assemblée rédigés par Lireux pour le Charivari, en demandant à
Cham d’illustrer le texte. Les 627
pages in quarto de l’ouvrage sont donc ornées de vingt gravures à pleine page et de 157 vignettes de taille
variable dont la dernière représente les deux auteurs. S'il est vrai
qu'on a encore le droit de rire dans la maison de la République, il semblerait
que l'on n'ait plus le droit de le faire dans la maison de la Presse... Vive le rire
en France ! Pierre
LIREUX (Auguste). Assemblée
nationale comique. Illustré par Cham. Paris, Michel Levy Frères, 1850. Un
volume in-4 (27,5/20cm). Reliure demi-chagrin violine, dos à nerfs, caissons ornés
d'encadrements dorés, toutes tranches dorées. Nombreuses vignettes gravées sur
bois dans le texte (environ 150). Édition originale. (4)-625 pp. + 20 pl.
gravées sur bois hors texte. Quelques rousseurs. Tranches gouttières. Très bel
état général. 160 € + port
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