mardi 15 janvier 2013

Pourquoi obéit-on ? La réponse est ici donnée par La Boétie et magnifiquement interprétée sur les presses par Louis Jou…


Quel est ce vice, ce vice horrible, qui  entraîne un nombre infini d'hommes, non seulement à obéir mais à servir, non pas à être gouvernés mais à être tyrannisés, n'ayant ni biens, ni vie même qui soient à eux ? Qui les entraîne à souffrir la domination, non d'une armée, non d'un camp barbare contre lesquels chacun devrait défendre son sang et sa vie, mais d'un seul ! Non d'un Samson dominateur comme représenté sur l'ouvrage à la vente, aujourd'hui, mais d'un homme, souvent le plus lâche de la nation, qui n'a jamais eu à combattre pour vivre, inapte à commander aux hommes et légitimé par le mensonge !

Nommerons-nous cela faiblesse ? Appellerons-nous vils et couards ces hommes soumis ? Si deux, si trois, si quatre cèdent à un seul ; c'est étrange mais toutefois possible ; on pourrait peut-être dire avec raison que c'est faute de cœur. Mais si cent, si mille souffrent l'oppression d'un seul, ce ne sera pas la peur qui en sera la cause : ce sera l'indifférence !


Un homme ne peut asservir un peuple si ce peuple ne s’asservit pas d’abord lui-même. Voilà ce que nous dit La Boétie dans l'ouvrage présenté, aujourd'hui.


La première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude dit-il… « Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état de leur naissance ».


La seconde raison, c’est que sous les tyrans, les gens deviennent lâches et efféminés (je laisse à La Boétie la paternité de ce jugement à l'emporte pièce). Les personnes soumises n’ont ni ardeur ni pugnacité au combat. Ils ne combattent plus pour une cause mais par obligation. Cette envie de gagner leur est enlevée. Les tyrans essaient de stimuler cette pusillanimité et maintiennent les hommes stupides en leur donnant du "pain et des jeux".


La dernière raison est sans doute la plus importante, car elle nous dévoile le ressort et le secret de la domination : Le tyran n'est rien s'il n'est soutenu par quelques hommes fidèles qui sont ses clones.


Plutôt que m'étendre par de vaines réflexions personnelles sur ce sujet miné, je vous propose de développer votre raisonnement dans les commentaires… Les plus prudents s'attacheront à vérifier si ma notice, que j'ai voulu impeccable, l'est véritablement… A vous de me dire. Pierre


LA BOÉTIE (Etienne de). Discours sur la Servitude volontaire ou le Contr’un. Paris : Jou et Bosviel, 1922 Un volume in-12(145 × 195). Reliure plein parchemin, illustrations au pochoir sur les deux plats et le dos, tranche supérieure dorée. Reliure signée par Weckesser [Charles de Samblanx et Jacques de Weckesser étaient de fameux relieurs du début du 20eme siècle, 99, Rue Ducale à Bruxelles]. Couverture conservée gravée tirée en trois couleurs : En noir, encadrement floral avec nom de l'auteur en surimpression, au centre, titre sur fond noir en rouge et or. Devise et monogramme de Louis Jou sur le deuxième plat (vetusta nobilis novi tate felix). On ne retrouvera pas cette devise sur beaucoup ouvrages.

[1f – ex-libris][8ff – pages de titre, avertissement], 108 pp, [6]. Très nombreuses illustrations dans le texte, parfois à deux couleurs. Justification : 335 exemplaires dont 300 sur vergé Guarro, le notre n° 37. Achevé d'imprimé le 30 octobre 1922. Bien que ne figurant pas à la justification, un certain nombre de suites ont été tirées à part sur chine et vieux japon, ainsi que quatre eaux-fortes rehaussées de couleurs (portrait de La Boétie) tirées à trois exemplaires (?). Notre exemplaire présente, quand à lui, en début d'ouvrage une eau-forte représentant Samson combattant le lion (représentant le pouvoir de la force).

Le texte retenu pour cette édition est celui établi par le docteur Payen, éminent montaigniste. Seule une lecture attentive permet de saisir toutes les subtilités du commentaire graphique que constituent à chaque page le bandeau et le cul-de-lampe. Ici encore, Suarès propose sa collaboration en s’offrant à relire le texte : « Décidément ne voulez-vous pas que je donne un dernier coup d’oeil au texte de La Boétie ? Cette révision peut n’être pas inutile, s’il en est temps encore. Je la ferai sans peine et sans ennui ; acceptez-la donc aussi simplement que je vous l’offre. » (7 septembre 1922).

Bel Ex- libris du Colonel Harry Vinckenbosch dont la collection a été dispersée, il y a un peu plus de vingt ans, en Belgique. Vendu

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Ces paroles sont d'un homme amer de s'observer devoir obéir.
Pourquoi chercher de si grandes raisons ? On obéit souvent par paresse, parfois par bonté, toujours par intérêt, et les tyrans sont des dupes.
Ce livre est superbe, et c'est mon intérêt immédiat qui me fait désobéir à cette envie de l'acquérir.

Jean-Michel

sebV a dit…

Plutôt celles d'un adolescent révolté, il n'a que 17 ans quand il rédige ce texte. Soyez résolu de ne servir plus et vous voilà libre, ou comment résumer l'existentialisme en une phrase avec 5 siècles d'avance.

Pierre a dit…

On en a fait le premier des anarchistes... M'est avis qu'il fut emporté par un empoisonnement orchestré par les services de renseignements de François 1er ! Pierre

Pierre a dit…

Jean-Michel ! C'est pas bien de désobéir à soi même. J'ai bien envie de faire appel à la SPA (Société Protectrice de votre Argent) ;-)) Pierre

pascalmarty a dit…

Au départ Montaigne a écrit les Essais pour servir d'écrin au Traité sur la servitude. Et puis il s'est ravisé, sous prétexte que ce texte avait entre-temps esté mis en lumiere & a mauuaise fin,par ceux qui cherchent a troubler & chãnger l'estat de nostre police sãs se soucier s'ils l'amenderont…
À la place il a préféré, du moins dans la première édition, nous faire profiter des Sonnets. Et ma foi je ne jurerais pas qu'on ait gagné au change…

Pierre a dit…

Chers amis, je vous remercie pour la clairvoyance de vos commentaires. A votre contact, il m'arrive de me croire plus intelligent, ensuite... Pierre

Textor a dit…

Notice impeccable ! (Et même deux peccables , comme dirait mon vieil oncle).
J’ajouterais simplement que le discours sur la servitude volontaire se trouve en pré-original dans le pamphlet protestant attribué à Nicolas Barnaud « Le réveille-matin des français » publié en 1574, que je présenterai un jour.
Discours que l’on peut résumer en reprenant Montesquieu : « Je ne puis comprendre comme les Princes croient si aisément qu’ils sont tout, et comment les peuples sont si prêts à croire qu’ils ne sont rien. »

Textor