Son nom complet est Henry Marie Joseph Frédéric Expédite Milon de Montherlant mais appelons-le simplement Montherlant. J'ai une grande passion pour une de ses pièces : La Reine morte - Un chef d'œuvre. Peut-être est-ce en raison du faux aspect classique de cette pièce moderne ? Peut-être pour le contexte dans lequel elle a été jouée la première fois ? Ou bien, tout simplement, parce que ce personnage du dictateur, Le roi Ferrante, représente pour moi toute la dualité de la nature humaine, résumée par son épitaphe : " Ni meilleur, ni pire ". J'ai trouvé dernièrement un texte écrit pendant la période de l'occupation (1943 dans la Nouvelle Revue Française) qui retrace la genèse de cette pièce. Il s'agit, bien évidemment d'un recueil d'articles originaux publiés par Gallimard dans sa collection N.R.F, aux plats éditeurs joliment illustrés par Paul Bonet.
C'est Jean-Louis Vaudoyer qui confia trois traductions
d'anciennes pièces espagnoles à Montherlant afin de lui fournir le ferment à cette
pièce. Elle est inspirée d'une oeuvre de l'auteur espagnol Luis
Vélez de Guevara, Régner après sa
mort (Reinar despuès de morir, 1652). Il écrira celle-ci à Grasse
en cinq semaines. Le sujet est emprunté à l’histoire du Portugal :
en 1355, Inès de Castro, épouse secrète de l’Infant du Portugal, fut assassinée
sur l’ordre de son beau-père, le roi Ferrante.
Lorsque débute La Reine Morte, le vieux roi Ferrante est
las : de son trône, de son peuple, de son fils. Pourtant avant de mourir,
il veut mettre en ordre les affaires de son royaume et il fait venir en grande
pompe la toute jeune Infante de Navarre pour qu’elle épouse son fils. Pedro
repousse cette idée de mariage avec l’Infante et bientôt le roi apprend la
raison de ce refus : Pedro s’est secrètement marié avec Inès de Castro,
bâtarde issue de l’aristocratie. Le pape refuse l’annulation du mariage et le
roi apprend qu’Inès attend un enfant de Pedro. Il la fait exécuter et meurt
lui-même ensuite... Ce qui rend cette pièce si brillante, c'est que tous les
personnages de Montherlant sont pétris de contradictions. Don Ferrante est à la
fois intransigeant et faible, imprévisible et lucide… Il dira en faisant tuer Inès
: " Pourquoi est-ce que je la tue ? Il y a sans doute une raison mais ne
la distingue pas…"
La création eut lieu le 8 décembre 1942 à la
Comédie-Française dans une mise en scène de Pierre Dux, avec Jean Yonnel dans
le rôle du roi Ferrante et Madeleine Renaud dans celui d'Inès. " C'est entendu, il me plaît qu'il
y ait un peu de boue chez les êtres. Elle cimente. En Afrique, des villes
entières ne sont bâties que de boue : elle les fait tenir. Je ne pourrais pas
être d'accord longtemps avec quelqu'un qui serait tout à fait limpide. Et
d'ailleurs, tout vice que le Roi approuve est une vertu.". Pièce à
lire autant qu'à voir ! Pierre
MONTHERLANT (Henri de). Textes sous une occupation. 1940-1944. Paris N.R.F. Gallimard,
1953. Édition originale, exemplaire sur vélin n° 1913, reliée d'après la
maquette de Paul Bonet. Premier plat légèrement sali. Bon état. 40 € + port
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