lundi 12 décembre 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Des liens du mariage…

C'est un homme abattu que j'ai trouvé sur les marches de la librairie de Pierre, ce matin. Et pas n'importe lequel, s'il vous plait ! Un des avocats les plus renommés du Barreau de Paris, descendu tout exprès à Tarascon pour avoir une conversation avec moi. Spécialiste incontesté du divorce, en lutte permanente pour apaiser les conflits conjugaux, il me confia qu'il était de plus en plus confronté à des croqueuses d'hommes accumulant les procédures et que cette situation, si elle lui amenait un surcroît d'activité, n'était pas sans lui causer quelques scrupules, comme ces petits cailloux dans la chaussure qui ne vous empêchent pas d'avancer mais qui rendent le chemin si éprouvant… Comment, en effet, pardonner aux femmes cette atteinte aux liens indéfectibles du mariage ? Comment admettre qu'elles soient volages ? Et comment réconforter les hommes inconsolables ?

Voici, en quelques phrases, ce que je lui ai dit :

" Il ne faut pas s'étonner, cher Maître, que des cœurs charmants aient pu renfermer des trésors d'amour, qu'ils en aient répandu inlassablement la richesse sans que ces trésors soient le moins du monde diminués, un jour. Ce n'est pas que les femmes souffrent moins que les hommes, bien au contraire. Mais ce qu'elles jettent à la flamme dévoratrice, c'est une substance d'elles qui donne beaucoup de lumière, un peu de chaleur, mais ne se consume pas… Que l'on ne voit pas dans ce constat, la moindre critique de ce que l'on a appelé la puissance d'oubli des femmes. Elles en ont, seules, les tentations et les facilités.


Après une séparation, les deux sexes ne meurent pas chacun de leur côté. Les femmes échappent à ce funeste péril. Elles vivent des allégresses nouvelles qu'elles cherchent de toute la force de leur instinct à travers quelques peines, quelques hésitations fugaces, rencontrant même parfois un remord timide en pensant au mari floué ou à l'époux inconsolé, de même qu'on rencontre au coin d'une rue glaciale, un pauvre hère honteux qui vous regarde tristement mais ne vous demande pas l'aumône.


La nature avec son invincible logique est la plus forte. Elle conduit ces femmes fatales vers le paradis où elles pourront satisfaire de nouveau leur antique appétit de bonheur. Et si, pour entrer dans ce paradis, il faut mordre aux fruits de la trahison, ces fruits seront néanmoins mangés avec avidité ; car contrairement à ce que dit la morale, ces fruits là ne sont pas empoisonnés et possèdent, même, une délicieuse saveur…


Aussi, cher Maître, quand je vous vois fleurir l'antique autel qu'il vous plait aujourd'hui d'élever à la fidélité et aux liens du mariage, je m'inquiète. Il ne faut pas que vous vous affligiez de ce destin funeste pour les hommes car le temps travaille pour eux. Avec l"apparition de mèches grisonnantes et de ridules disgracieuses, la femme retrouvera les valeurs que prônaient, hier, leurs époux successifs. Elle deviendra l'ennemie de bonheurs nouveaux et l'espérance d'un avenir sans relief. Du reste pour un esprit élevé, la fidélité est-elle une vertu tellement précieuse ? Ne lui a-t-on pas conféré trop de puissance ? N'y a-t-il pas place pour un autre autel où les couronnes qui seraient déposées porteraient l'inscription "Regrets passagers " !

Les personnes austères qui établissent les conventions morales savent que les règles judiciaires qui s'y attachent sont là pour être détournées. C'est pourquoi, elles sont d'une mansuétude coupable pour les femmes qui sont, plus que les hommes, soumises au pouvoir de la curiosité et du désir. "


Je ne vous cache pas que c'est un homme nouveau - un avocat sans scrupules - qui sortit de la librairie, quelques temps plus tard. Il avait oublié sur le bureau un de ses ouvrages recouvert d'une somptueuse reliure. Je crois que c'était à dessein pour me dédommager de ma bienveillante consultation. J'en fais le cadeau à Pierre qui pourra, alors, en tirer quelque bénéfice si vous le lui commandez. Votre dévoué. Philippe Gandillet.


TROPLONG (Raymond-Théodore). Le droit civil expliqué. Du contrat de mariage et des droits respectifs des époux ou commentaire du titre V du livre III du Code Civil. Deuxième édition augmentée d'une table alphabétique et analytique des matières. Seul le tome II qui traite du régime en communauté [celui où tout ce qui est à moi est à toi]. Charles Hingray, Paris, 1851. Reliure plein veau glacé vert empire. Plats encadrés de trois filets dorés. Dos lisse avec motifs, filets et titre dorés. Roulette dorée sur coupes et coiffes. Papier coloré sur page de garde, tranches marbrées. Format in-8°. 774pp. Menus défauts. Pas de rousseurs. Reliure décorative. 40 € + port

3 commentaires:

Pierre a dit…

Cela me rappelle cette blague de comptoir : Savez-vous quelle est la "Barbie" le plus chère du monde ? C'est la "Barbie divorcée"... car elle a : La voiture de Kent, la maison de Kent, le bateau de Kent, l'avion de Kent, etc... Pierre

(je sais)

calamar a dit…

Ken ne prend pas de thé...

Pierre a dit…

Merci Calamar, je suis vraiment nul en poupées ;-)) Pierre