mercredi 10 novembre 2010
John Needham : Un conflit de génération spontanée…
Le dernier billet de Bernard sur le blog du bibliophile évoquait les travaux de Nicolas Hartsoeker (1656-1725) et ceux de Van Leeuwenhoek en 1677 qui, grâce à l'amélioration de la puissance du microscope découvraient les premiers spermatozoïdes humains et établissaient les premières règles de la transmission de la vie. A cet égard, si Hartsoeker suppose que l'embryon préexiste dans le spermatozoïde, et s'il nous montre une belle représentation graphique du fœtus dans son livre – un petit bonhomme recroquevillé dans la tête du spermatozoïde – on peut sourire en pensant à la forme qu'aurait dû avoir un spermatozoïde de girafe pour contenir le futur nouveau-né… " L'expérimentation, toujours l'expérimentation " aurait dit Claude Bernard !
Mais un autre problème, plus important celui-là, s'est alors trouvé propulsé sur le devant de la science suite au perfectionnement du microscope. Il s'agissait du débat sur la génération spontanée. Il touchait aux préceptes même de la religion et au pouvoir divin. Le sujet était donc à manipuler avec précaution. On le constate, d'ailleurs, dès la préface où il est rappelé avec insistance, que si des esprits chagrins trouvaient dans cet ouvrage la moindre mise en doute de la puissance divine, ce serait vraiment le fait de quidams au cerveau dérangé ou le fruit du plus malheureux des hasards…
John Turberville Needham, né à Londres en 1713, mort en 1781, dont nous présentons une édition originale en français est un physicien et biologiste anglais, contemporain de Buffon. Il fut célèbre par les observations microscopiques qu'il fit dont il concluait à la génération spontanée : La vie prenant naissance du néant par la volonté de Dieu. Ces constatations furent consignées sous le titre de Découvertes faites avec le microscope (Leyde, 1747) et résumées dans L'Histoire naturelle de Buffon.
Ses travaux sont, malgré tout, d'une grande importance car ils représentèrent la première tentative pour donner une base scientifique à la théorie de la génération spontanée, considérée comme un principe indiscutable par Saint Thomas d'Aquin. Il faudra, quand même, attendre un siècle et Pasteur - qui utilisera d'ailleurs des méthodes de démonstration analogues - pour prouver le contraire…
Il n'empêche que Needham s'avère être un excellent observateur des matières nécessaires à ses études et il n'hésite pas à disséquer un Octopus pour nous en démontrer la pieuvre par huit (pour montag). Le rapprochement entre la fécondation chez les animaux et les végétaux est à mettre à son crédit. Ses conclusions visant à mettre en évidence la génération spontanée sont d'ailleurs convaincantes et il s'en est fallu de peu - s'il avait nettoyé son matériel - pour que le résultat de ses recherches l'amène droit à l'excommunication…
On reprochera néanmoins à ses démonstrations une confusion de l'esprit et une formulation ampoulée qui rendent le propos obscur. La traduction ne devait rien arranger, je l'imagine, et ce ne sont pas les explications, en bas de page, qui éclaircissent le discours…
La fin de l'ouvrage est un traité sur "la matière", finement emballé dans des considérations philosophiques et physiques. Je dois reconnaître que je n'ai pas tout compris. La dernière partie qui aborde l'usage du microscope est plus intéressante. Il faut savoir que quand Needham est venu rencontrer Mr de Buffon en France pour réaliser avec lui des observations biologiques, il les a fait avec son propre microscope qu'il avait ramené de Londres !
Celui qui est présenté en gravure à la fin de l'ouvrage était disponible à Paris chez Passemant, Rue de la Monnoye à la Pomme d'or (qui produisait aussi des télescopes). La bonne gestion du choix des lentilles sera nécessaire quand il s'agira de calculer la taille des animalcules présents sous l'objectif. Il semble, néanmoins, que je ne sois pas le seul à avoir dévoré l'ouvrage que je vous présente. Des trous de vers sont présents dans les marges des 100 dernières pages et au bord des gravures… J'ai donc, moi-même, grignoté sur le prix de l'ouvrage ;-)) Pierre
NEEDHAM, (Jean) (1713-1791): Nouvelles observations microscopiques, avec des découvertes intéressantes sur la composition & la décomposition des corps Organisés. Paris, Imprimerie Houry Fils chez Louis-Etienne Ganeau, 1750, petit in-8, 2ff, XVIII. 524 pp. 4 pp d'approbation et privilège, 7 planches gravées pliées, 30pp, 1 planche pliée, 2ff. Plein veau marbré, dos à 5 nerfs sur nerfs, pièce de titre maroquin cerise, motifs dorés entre les nerfs, coiffes restaurées et coins frottés, tranches rouges. Rare première édition française du 2e volume de Needham. Trous de vers touchant les 100 dernières pages sans gène pour le texte (marges) mais touchant les gravures partiellement. Cahiers bien solides. 240 € + port vendu
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6 commentaires:
Ce billet me donne l'idée de faire un article sur Pasteur. J'ai toujours été surpris du nombre important de livres traitant de sa vie. Si vous passez par Arbois, je vous conseille d'aller visiter sa maison au bord de la rivière (ancienne tannerie du père) puis de passer par chez Henri Maire où l'on sert le saucisson avec un rouge gouleyant... Pierre
Ha , l'Arbois toute ma jeunesse...
Ce Needham était un peu hétéroclite, n'est-il pas ? Il se prenait non seulement pour Pasteur mais aussi pour Champollion!!
J'ai sous la main un ouvrage intitulé
De Inscriptione quadam Aegyptiaca Taurini Rome 1761. E.O. de notre biologiste, membre de la Royal Society de Londres.
Il est dédié à Victor Amédée, duc de Savoie. A partir des hiéroglyphes gravés sur une statue d'Isis conservée au Musée de Turin, Needham avait imaginé une ingénieuse théorie établissant un lien entre les hiéroglyphes de l'ancien Egypte et les idéogrammes chinois. Le monde scientifique auquel Needham adressait son ouvrage, réagit avec étonnement mais bien qu'ayant séduit certains esprits en Italie, en France et en Agleterre, sa théorie fut finalement réfutée....
Bonne idée, Pierre. Pasteur est un des plus grand scientifique français. En chimie, à 26 ans, en travaillant sur la fermentation du vin il analyse un sel de l'acide tartrique. Il constate l'existence de deux formes cristallines symétriques l'une de l'autre par rapport à un plan. Il découvre ainsi la séréoisomérie, fondamentale en chimie organique.
En 1861, à la Société Chimique de Paris, il expose sa fameuse leçon : SUR LES CORPUSCULES ORGANISÉS QUI EXISTENT DANS L’ATMOSPHÈRE.
EXAMEN DE LA DOCTRINE DES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES. Pour moi ce sont ses deux découvertes fondamentales.
Ah ! l'isomérie gauche et droite de l'acide tartrique... Cela me rappelle les examens ;-))
Le vétérinaire que je suis, sait grès à Pasteur d'avoir mis en place un protocole de vaccination dont le principe est encore en vigueur aujourd'hui et d'avoir sauvé la vie à des milliers d'opérés en établissant des règles d'antisepsie et d'asepsie lors des interventions chirurgicales... parce que les gravures du milieu du 19eme siècle où l'on voit 10 chirurgiens en complet veston et en blouse douteuse autour d'un pauvre patient shooté à je ne sais quoi, c'est sympa pour le collectionneur d'illustration mais pas idéal pour l'espérance de vie ;-)) Pierre
Needham semble connu comme botaniste et surtout comme biologiste.
L'ouvrage que vous nous présentez, textor, nous laisse imaginer que Needham était une sorte de Géo-réponse-à-tout. Je ne sais si sa démonstration est claire pour les hiéroglyphes mais je peux vous assurer que celui qui va affronter le chapitre ( qui suit la description de ses expériences sur la génération spontanée ) abordant ses théories pointues sur la matière devra le faire avec toute l'attention que l'on doit aux esprits supérieurs.
Heureuse époque où le niveau des connaissances à savoir pour rentrer dans une Académie était raisonnable et permettait d'être à la fois géologue, botaniste, biologiste, physicien, paléographe et bon mari... Ah,non ! C'était un prêtre catholique... Le mérite est donc moindre ;-)) Pierre
Vous avez remarqué qu'à l'époque les études savantes étaient monopolisées par les ecclésiastiques. La théorie selon laquelle la mariage nuit à la concentration reste à développer...
Les chinois sont en fait des égyptiens qui ont fuit l'Egypte. (C'est bien connu, les hiéroglyphes c'est du chinois). Cette théorie fut combattue par Corneille de Pauw dans son best seller, sur l'origine des egyptiens et des chinois, qui se retrouve dans toute bonne vente aux enchères.
Textor
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