samedi 20 novembre 2010

Jean-Jacques Rousseau : Le bien aimé… du peuple.


Rousseau croyait en la bonté originelle de l'homme. Pourquoi ne croirions-nous pas à sa propre bonté ?

Vous assistez à une bagarre ou à une agression. Comment réagissez-vous ?


1. Sans réfléchir, vous vous précipitez pour intervenir, quels que soient les risques. Vous vous êtes spontanément identifié à l'autre homme qui souffre. Vous n'y pouvez rien.

2. Vous prenez le temps de peser le pour et le contre : Ne faut-il pas attendre la police, qui connaît son métier et sera bien plus efficace que vous ? Qu'aurez-vous gagné en recevant un mauvais coup ? Ne vaut-il pas mieux travailler au bien commun, à la réforme globale de la société, plutôt que de jouer au justicier urbain ? Vous vous éloignez en y pensant ;-))


Les encyclopédistes faisaient partie de cette dernière catégorie. Jean-Jacques Rousseau, pour sa part, égratigne la figure de celui qui réfléchit au lieu d'agir : « Il n'y a que les dangers de la société tout entière qui troublent le sommeil tranquille du philosophe et qui l'arrachent de son lit. On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre ; il n'a qu'à mettre ses mains sur ses oreilles et s'argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l'identifier avec celui qu'on assassine. »


Dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, présenté au concours de l'Académie de Dijon, Jean-Jacques Rousseau se demande ce qu'est un homme naturel, pas encore transformé ni perverti par la société, les techniques, le langage, la civilisation. Il forge l'hypothèse d'un homme à l'état de nature, très proche de l'animalité. Cet homme ne connaît évidemment pas les normes de justice et les lois de la moralité, qui présupposent la vie en société, la raison, le langage. Il possède cependant en lui un trésor mille fois plus précieux que toutes les règles qu'inventera la moralité. C'est un sentiment parfois même observé chez les animaux et qui nous met à la place de celui qui souffre. C'est la seule vertu non sociale, totalement naturelle : La pitié . Elle est la source de tout ce qu'il y a de bon en nous .


Dans cet éloge de la pitié naturelle, il décrit le petit peuple. Peu doués pour les dialectiques et les généralisations, ces êtres savent encore se jeter au secours d'autrui : « Faute de sagesse et de raison, on voit toujours l'homme sauvage se livrer au premier sentiment de l'humanité. Dans les émeutes, dans les querelles des rues, la populace s'assemble, l'homme prudent s'éloigne : c'est la canaille, ce sont les femmes des halles, qui séparent les combattants et qui empêchent les honnêtes gens de s'entrégorger. »

Un siècle et demi plus tard, malgré la Réforme républicaine des encyclopédistes, le constat est le même. Voilà ce que nous reprochons à Rousseau ! Soyons haineux, méditons *. Pierre

* Merci à philomag de m'y avoir aidé



ROUSSEAU J.J. Oeuvres Complètes. 17 Tomes. ARMAND-AUBREE. 1832 - 1833. In-12. Relié demi-basane noire. Dos à 4 faux nerfs. Rousseurs. Titre, tomaison et filets dorés sur le dos. Gravure frontispice et nombreuses gravures hors texte. Avec les notes historiques et critiques de tous les commentateurs. Exemplaire bien complet. Rousseurs fréquentes qui ne gênent pas la lecture mais qui font de ces ouvrages, des exemplaires de travail. Prix en conséquence. 190 € + port

2 commentaires:

Bernard a dit…

Le "pauvre" Rousseau avait beaucoup d'ennemis et particulièrement Voltaire qui écrit dans La guerre civile de Genève:

"Dans un vallon fort bien nommé Travers,
S'élève un mont, vrai séjour des hivers:
Son front altier se perd dans les nuages,
Ses fondements sont aux creux des enfers.
Au pied du mont sont des antres sauvages
Du Dieu du jour ignorés à jamais;
C'est de Rousseau le digne et noir palais.
Là se tapit ce sombre énergumène,
Cet ennemi de la nature humaine,
Pétri d'orgueil et dévoré de fiel;
Il fuit le monde, et craint de voir le ciel.
Et cependant sa triste et vilaine âme
Du dieu d'amour a ressenti la flamme.
Il a trouvé, pour charmer son ennui,
Une beauté digne en effet de lui.
Une infernale et hideuse sorcière
Suit en tous lieux le magot ambulant,
Comme la chouette est jointe au chat-huant.
L'infâme vieille avait pour nom Vachine;
C'est sa Ciré, sa Didon, son Alcine.
L'aversion pour la terre et les cieux
Tient lieu d'amour à ce couple odieux.
Si quelquefois, dans leurs ardeurs secrètes,
Leurs os pointus joignent leurs deux squelettes,
Dans leurs transports ils se pâment soudain
Du seul plaisir de nuire au genre humain."
La suite du poème est du même tonneau...
Nos philosophes actuels, qui se détestent souvent, n'oseraient pas de tels écrits.

Pierre a dit…

Voltaire a même été jusqu'à écrire un pamphlet du nom de Diderot pour le discréditer ! On serait devenu paranoïaque à moins...

Tout les opposait. On oublie que Voltaire avait fait fortune dans le commerce des fournitures pour l'armée et que sa générosité, acquise grâce à cette aisance, l'avait été au prix de pratiques frauduleuses. Rousseau en gardait une rancœur pour ce type d'homme "dépravé" qu'il décrira dans ses discours.

Ces deux billets m'auront en tout cas été utile en ce que, sans être être devenu un ardent défenseur de la personnalité de Rousseau, je dois reconnaitre qu'il mérite sa place au sein du Panthéon de la République. Pierre