Merci Xavier, merci Patrick de continuer à lire ce
blog alors que je n'y présente plus de beaux livres à la convoitise de mes
lecteurs mais que j'y étale de façon parfois impudique mes sentiments face à une
maladie dont le nom générique précise qu'elle est souvent longue et douloureuse…
J'avais un blog qui avait une honorable audience,
j'avais des lecteurs qui appréciaient mes approximations littéraires, qui
s'amusaient de ma fausse désinvolture et de mon humour perfectible. J'avais
réussi, à force de ténacité, d'honnêteté et de fiabilité à me faire reconnaitre de mes confrères libraires
d'ouvrages anciens et de mes clients. J'avais même réussi à vivre de cet amour
un peu irraisonné des beaux livres. C'est
cependant sans penser à en faire une chronique régulière que j'ai commencé à y publier
mon apprentissage brutal de la souffrance physique et intellectuelle qui
accompagne le cancer !
Au départ, rien qu'un petit mot d'excuse pour un
congé que je croyais momentané, puis quelques réflexions plus ou moins
pertinentes sur la bataille à livrer, sur mes victoires contre la maladie, sur mes
défaites aussi… le plus difficile fut l'acceptation à plus ou moins long terme
de la fin du combat. Le cancer n'y est pas toujours gagnant, je vous rassure ! Beaucoup
de récits de personnes ayant surmonté avec succès cette épreuve sont publiés
chaque année. Pouvais-je apporter une nouvelle pierre, cette fois-ci virtuelle,
à l'édifice éditorial ? J'ai essayé ! On peut…
Il faut dire que j'ai rapidement acquis de la
compétence dans ce domaine et en particulier dans le glioblastome cérébral de
haut grade dont je me suis fait un involontaire spécialiste… De la même façon
que j'ai essayé de partager ma passion pour l'écriture - le livre ancien en
étant un support incontournable - j'ai essayé de présenter les arcanes de cette
foutue maladie à ceux qui pourraient y être, un jour, confrontés de près ou de
loin (le plus loin possible étant préférable).
Pourquoi vous avoir ouvert, à travers ce blog
bibliophile, mon cœur et mon dossier médical ? Surement pas par orgueil ou
vantardise, on l'imagine ; il y a déjà un Tartarin hâbleur comme pas deux à
Tarascon, c'est assez ! Pas pour me façonner
une notoriété littéraire posthume, non plus ; j'avais une carte vitale, je
voulais qu'elle le reste ! Je ne l'analyse que maintenant, en fait… Cela m'a simplement
semblé naturel de vous écrire, de la même façon qu'on se confie à ses amis quand
on a de la peine. D'abord parce qu'à plusieurs, on est plus fort face à la peur
(et la mienne fut, au départ, d'une belle intensité sur l'échelle de Richter
quand j'y pense), ensuite parce que je n'ai jamais cessé d'être un perpétuel "passeur"
de savoir. Je l'ai fait quand j'étais vétérinaire en expliquant à chaque
consultation un diagnostic établi par la clinique, je l'ai continué comme
libraire en exposant dans chaque billet du blog mes arguments pour établir la
valeur des ouvrages que je présentais et je l'ai continué, encore cette fois-ci,
en traduisant avec des mots simples, les tenants et les aboutissants de cette
affection qui touche, comme cela est mon cas, autant l'âme que le corps… Je
pense que j'ai bien fait de prolonger ce lien d'amitié au-delà de la simple
érudition littéraire qui servait de base à mes billets journaliers.
J'espère que mon expérience et la méthode pas
toujours très orthodoxe que j'ai utilisée pour présenter mon "univers
cancéral", ma philosophie personnelle et ma foi vacillante aideront, un
jour, un éventuel lecteur à surmonter les moments difficiles qui accompagnent la
guérison de cette affection (et de son traitement parfois dévastateur). Il y a,
même dans la maladie, des moments heureux et l'on goûte, à ce moment là, de
façon plus intense la saveur de la vie. La vie prend une autre valeur, aussi…
Pierre