jeudi 24 septembre 2015

Discours de réception de Paul Bourget à l'Académie Française. Une réception périlleuse...


L’Académie Française vit depuis 1635 sur un corps de droit écrit, formé de textes ayant valeur de lois et règlements. S'y adosse, par surcroît, la tradition du discours de réception ! Passage obligé pour les uns, opportunité de briller pour les autres… Si vous voulez être admis dans ce cénacle des beaux esprits, chers lecteurs, sachez qu'il vous faudra cependant être candidat et rédiger une lettre de candidature – on dirait une lettre de motivation aujourd'hui ! Dans un deuxième temps vous aurez à faire quelques visites protocolaires et "complimentir" habilement vos futurs confrères sur la qualité de leurs œuvres pour attirer sur vous leurs suffrages. Vous serez peut-être comme Philippe Gandillet, élu au premier tour. C'est ce que je vous souhaite !


Quand viendra le résultat du vote, la tradition est de n'être ni déçu, ni surpris. A moins d'être résolument optimiste, il n'est pas correct de se présenter plus de deux ou trois fois ; c'est vous qui voyez ! Ensuite seulement, vous serez présenté au Président de la République qui authentifiera votre élection. Vous aurez alors réussi la partie la moins périlleuse de votre accession à l'Immortalité littéraire : reste à écrire votre discours de réception à l'Académie !


Je vous propose aujourd'hui le très beau texte lu par Paul Bourget lors de son intronisation. Le discours de réception, qualifié de remerciement ou d'éloge, est né par hasard, ou plutôt il est venu du talent de l'avocat au Parlement, Olivier Patru, élu en 1640 au dix neuvième fauteuil qu'avait occupé le poète oublié Porchère d'Arbaud, disciple de Malherbe. Pellisson raconte dans son Histoire de l'Académie, " Qu'à sa réception, l'éloquent avocat prononça un fort beau remerciement dont on demeura si satisfait qu'on a obligé tous ceux qui ont été reçus depuis d'en faire autant ". Il ne suffit cependant pas d'être élu à l'Académie, il faut encore être reçu ! C'est souvent un des plus grand jours de la vie du récipiendaire - avant son enterrement pourrait-on dire… Les auditeurs vous auraient dit du discours de Patru qu'il s'agissait d'un talentueux exercice de flagornerie porté à un sommet rarement atteint. On sait maintenant que les limites de l'exercice ont été maintes fois dépassées… Étrange coutume cependant : Huit jours avant la fameuse séance sous la Coupole, une commission de lecture se réunit pour prendre connaissance des deux discours qui seront lus publiquement, le discours du nouveau venu et le discours de l'Académicien qui le recevra. Une censure politique peut donc empêcher un élu de prononcer son discours d'éloge. Lamartine n'a jamais eu d'hommage public en raison de cela…


Philippe Gandillet m'a raconté que le moment le plus difficile pour lui ne fut pas sa réception mais son retour dans le petit appartement qu'il occupe, place des Vosges, quand il n'est pas à Tarascon, dans sa bastide provençale. Voici le héros du jour rentré chez lui : il lui faut retirer son costume qui, décidément, n'est pas bien ajusté et trouver une place à son foutue épée ! Avait-il été excellent comme à son habitue ou, par malheur, médiocre ? Il ne dormit pas bien, ce soir là, attendant de lire les commentaires des rares journaux qui relataient encore de ces intronisations...


Paul Bourget fut bon. Il fit appel à Alphonse Lemerre pour éditer son discours sur un beau papier et dans un format "grand papier". L'exemplaire que nous proposons aujourd'hui fut envoyé à son ami Georges  René-Saint-Taillandier dont le Papa, Académicien, appuya sa candidature… Pierre

 
BOURGET. Paul /  Académie Française. Discours de réception à l'Académie Française. Paris, Alphonse Lemerre, 1895. Reliure signée Paul Vié, pleine percaline verte, pièce de titre en maroquin cerise, lettres dorées, couvertures conserves. E.O. Grand papier sans justification (24,5/16cm). Cliché de Maxime du Camp en frontispice. Envoi de Paul Bourget à son confrère Georges Saint-René-Taillandier.120 € + port

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