samedi 18 juillet 2015

Le roman d'un brave homme à qui on ne la fait pas... Edmond About.


Je reprends un billet de juin 2015 pioché sur un blogue qui, lui-même, l'avait pioché sur un article de 2012 publié par un journal qui l'avait élaboré à partir d'extraits de la presse spécialisée de l'époque alors qu'elle reprenait, elle aussi, une analyse ancienne faite par Edmond About, dont on savait à l'époque qu'il était un grand connaisseur de la Grèce et des Gréquins… 

Raisonnement simpliste mais simple..
" Le régime financier de la Grèce est tellement extraordinaire et ressemble si peu au nôtre, que je crois nécessaire, avant d’entrer dans les détails du budget, de placer ici quelques observations générales.La Grèce est le seul exemple connu d’un pays vivant en pleine banqueroute depuis le jour de sa naissance. Si la France et l’Angleterre se trouvaient seulement une année dans cette situation, on verrait des catastrophes terribles : la Grèce a vécu plus de vingt ans en paix avec la banqueroute. Tous les budgets, depuis le premier jusqu’au dernier, sont en déficit. Lorsque, dans un pays civilisé, le budget des recettes ne suffit pas à couvrir le budget des dépenses, on y pourvoit au moyen d’un emprunt fait à l’intérieur. C’est un moyen que le gouvernement grec n’a jamais tenté, et qu’il aurait tenté sans succès. Il a fallu que les puissances protectrices de la Grèce garantissent sa solvabilité pour qu’elle négociât un emprunt à l’extérieur. (sic)


Les ressources fournies par cet emprunt ont été gaspillées par le gouvernement sans aucun fruit pour le pays ; et, une fois l’argent dépensé, il a fallu que les garants, par pure bienveillance, en servissent les intérêts : la Grèce ne pouvait point les payer. Aujourd’hui, la Grèce renonce à l’espérance de s’acquitter jamais. Dans le cas où les trois puissances protectrices continueraient indéfiniment à payer pour elle, la Grèce ne s’en trouverait pas beaucoup mieux. Ses dépenses ne seraient pas encore couvertes par ses ressources. La Grèce est le seul pays civilisé où les impôts soient payés en nature. L’argent est si rare dans les campagnes qu’il a fallu descendre à ce mode de perception. Le gouvernement a essayé d’abord d’affermer l’impôt ; mais les fermiers, après s’être témérairement engagés, manquaient à leurs engagements, et l’État, qui est sans force, n’avait aucun moyen de les contraindre.(re-sic)


Depuis que l’État s’est chargé lui-même de percevoir l’impôt, les frais de perception sont plus considérables, et les revenus sont à peine augmentés. Les contribuables font ce que faisaient les fermiers : ils ne payent pas.Les riches propriétaires, qui sont en même temps des personnages influents, trouvent moyen de frustrer l’État, soit en achetant, soit en intimidant les employés. Les employés, mal payés, sans avenir assuré, sûrs d’être destitués au premier changement de ministère, ne prennent point, comme chez nous, les intérêts de l’État. Ils ne songent qu’à se faire des amis, à ménager les puissances et à gagner de l’argent. (re-re-sic)


C’est pourquoi les ministres des Finances, jusqu’en 1846, faisaient deux budgets des recettes : l’un, le budget d’exercice, indiquait les sommes que le gouvernement devrait recevoir dans l’année, les droits qui lui seraient acquis ; l’autre, le budget de gestion, indiquait ce qu’il espérait recevoir. Et, comme les ministres des Finances sont sujets à se tromper à l’avantage de l’État dans le calcul des ressources probables qui seront réalisées, il aurait fallu faire un troisième budget, indiquant les sommes que le gouvernement était sûr de percevoir. En 1846, le ministre des Finances ne rédigea plus de budget de gestion, et l’habitude s’en est perdue… (re-re-re-sic)


L’État ne veut pas prévoir en principe qu’il ne sera pas payé de ce qui lui est dû. Mais, quoique les budgets suivants soient plus réguliers dans la forme, l’État continue à solliciter vainement ses débiteurs récalcitrants ou insolvables. Les hommes qui ont doté la Grèce de son système monétaire ont cherché dans leurs livres quelle était la valeur de la drachme dans l’antiquité, et ayant découvert que la drachme valait 90 centimes de France, ils ont décidé que la drachme serait une monnaie de la valeur de 90 centimes. Grâce à ce raisonnement archéologique, la Grèce a une monnaie à part, qui ne ressemble à aucune autre. Ne serait-il pas cent fois plus simple de donner à la drachme le poids et le titre du franc, et de mettre le système monétaire de la Grèce en rapport avec celui de la France, de la Belgique, de la Suisse et du Piémont ? (re-re-re-re-sic)


Est-il juste d’alléguer que nos prêts étaient usuraires ? Non, car en devenant les créanciers du peuple grec, les prêteurs faisaient une spéculation aléatoire ; et l’événement l’a prouvé, puisqu’ils n’ont touché ni capital ni intérêts. Je maintiens qu’ils étaient très généreux, ou, si l’on veut, très téméraires, et que si, aujourd’hui, le gouvernement régulier de la Grèce essayait d’ouvrir un emprunt, aucun banquier, aucun capitaliste ne lui prêterait 23 millions ! ". (re-re-re-re-re-sic) Edmond About : La Grèce contemporaine, 1854


Edmond About (1828-1885) était un homme de lettres et journaliste français. Membre de l’Académie française et de l’École française d’Athènes, il a vécu plusieurs années en Grèce, où il a rédigé son essai La Grèce contemporaine. Il est également connu pour ses chroniques dans de nombreux journaux français et ses romans pour enfants. Pour ne fâcher personne, c'est un de ces derniers que je proposerai à la vente aujourd'hui : Le roman d'un brave homme ; qui nous rappelle cependant que "Bon" ne s'écrit pas avec un "C"... Pierre

ABOUT (Edmond). Le Roman d'un Brave Homme. Paris, Librairie Hachette et Cie, 1882. Un volume In-4 (17.5x27 cm). Reliure d'éditeur en percaline rouge, décors dorés sur la couverture et le dos, tranches dorées. 321 pages, illustrations en noir et blanc de Adrien Marie. Pas de rousseurs. Dos légèrement insolé. Bel état. 42 € + port

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Depuis 8 jours pas un commentaire !
sinon celui de Bertrand pour remercier d'un billet confraternel, c'est la moindre des choses.

Il va falloir menacer à nouveau de suspendre vos publications ! Mais ce serait vraiment dommage et le procédé risquerait de lasser.

Il n'y a que chez vous qu'on peut avoir l'idée de lire de l'Edmond About ! C'est un régal.

Bravo d'avoir déniché cela, même si c'est chez un confrère.

Patrick C.

Pierre a dit…

Par moment, je me demande si le fait d'être Académicien est un billet d'entrée au panthéon littéraire français ! D'ailleurs, y a t-il un seul Immortel là-dedans ? Et pourtant Edmond About n'a pas démérité ! L'article présenté montre à la fois sa clairvoyance et son talent.

Pierre

calamar a dit…

ils vont nous pousser About...

Pierre a dit…

Calamar, cette blague de première main (réservée aux seuls bibliophiles/lecteurs qui ont la clim sur leur lieu de travail) vous donne droit à un escompte maximal sur un prochain achat éventuel. ;-)

Pierre

calamar a dit…

un commentaire = une remise ; voilà le secret du blog vivant enfin trouvé !