Alors que j'allais présenter un recueil d'albums de dessins d'Abel Faivre, caricaturiste qui s'est rendu célèbre pendant la première guerre mondiale, j'ai tenté de citer de mémoire quelques-uns de ses contemporains, aussi célèbres que lui dans ce domaine. Force a été de constater que la grande période de la presse satirique, celle des Daumier, des Grandville, des Cham, des Bertall, des Gavarni […] fut plutôt le début de la troisième république et que celle des Wilette, des Steilein ou des Forains a plutôt vu le déclin du genre au début du 20eme siècle…
C'est le hasard qui m'a fait acheter un recueil de
dessins d'Abel Faivre, rassemblés par une société des amis de l'artiste, et parus
dans les Échos de Paris pendant la "Grande Guerre". Le hasard fit
bien les choses car j'ai trouvé une mine d'informations dans ces albums !
L'Écho de Paris était un quotidien
français créé sous la troisième République, publié entre 1884 et 1944, avec une orientation
plutôt conservatrice et patriotique. Pendant la Première Guerre mondiale, comme d'autres
journaux de droite (Le Matin, L'Action française...), L'Écho de Paris fit
preuve de jusqu'au-boutisme, préconisant même de marcher sur Berlin après la
victoire de la France et de ses alliés. Son dessinateur emblématique fut Abel
Faivre. Médaillé d'honneur à l'Exposition de Lyon, il a vécu et travaillé à La
Croix-Valmer dans le Var où un boulevard porte aujourd'hui son
nom. Le musée de la caricature de Castres rassemble aussi quelques unes de ses
caricatures.
Prémonitoire... |
C'est un des
dessins les plus connues parmi celles qui ont été utilisées pendant
la Grande Guerre. Il représente un soldat qui invite ses compagnons d'arme à
le suivre vers les lignes ennemies. Cette affiche a été utilisée pour lancer le
2e emprunt de la défense nationale en octobre 1916. Il s'agissait alors de
solliciter, en ravivant la fibre patriotique, l'aide financière de l'arrière, celle
de tous les civils, pour soutenir l'effort de guerre de la nation. Le message
qui l'accompagne - On les aura ! - reprend une phrase célèbre du général
Pétain, écrite quelques mois plus tôt, et qui devint une sorte de leitmotiv. En
effet, c'est au plus fort de la bataille de Verdun qu'il fit paraître un ordre
du jour destiné à entretenir le moral des troupes. Cet ordre du jour du 10
avril 1916 se terminait par la phrase : "Courage, on les aura !"
En 1914, les gouvernements français et allemands, pensent
que la guerre sera courte et ne prévoient pas le financement et la mobilisation
économique nécessaires à une guerre qui dure. Dès 1915, les premiers besoins
d'argent apparaissent. Les commandes de matériels de guerre imposent un effort
industriel sans précédent, or l'appareil productif français est concentré dans
les régions du nord et de l'est occupées par l'armée allemande. La
restructuration industrielle et la reconstitution des réserves de matières
premières nécessitent des investissements importants et l'accroissement des
importations. Confronté à l'épuisement des finances publiques et à une
inflation croissante, l’état cherche à drainer l'épargne des Français. Le
premier emprunt dit « de la Défense nationale » est lancé en novembre 1915, trois
autres lui succèdent jusqu'en novembre 1918. En 1920, deux nouveaux emprunts
sont proposés pour la reconstruction des régions dévastées.
Le deuxième dessin (c'est ici une carte) est composé d'une pièce de monnaie et
d'un personnage se détachant sur un fond blanc. Le soldat allemand, l'arme à la
main, baïonnette au canon, est terrassé par la pièce d'or de laquelle se
détache un superbe coq lancé à l'attaque, son bec visant les yeux exorbités de
terreur du soldat. Les stéréotypes permettent de lire d'un seul coup d'œil le
message visuel. En 1915, le soldat allemand porte encore le casque à pointe au
combat mais ce casque continuera à le personnifier bien après son abandon par
l'armée allemande. Le coq et la devise Liberté, égalité, fraternité identifient
la pièce d'or française.
Les deux slogans sont tout aussi concis et clairs. Ce double appel au civisme et au patriotisme
étend la défense de la patrie à l'ensemble de la population et établit une
juste répartition des sacrifices déjà consentis par les combattants du front.
En France, ces campagnes seront couronnées de succès puisque les emprunts
d'État, souscrits par les épargnants, ont couvert la moitié des dépenses de
guerre… Pierre
FAIVRE (Abel). Recueil de trois albums in folio
rassemblant l'ensemble des dessins publiés par Abel Faivre pendant la Grande
Guerre" (une centaine ici). Les dessins sont, pour la plupart,
contrecollés sur du papier de boucherie. Une carte éditée pour la banque de
France par la société des amis de l'artiste est contrecollée en page de garde
et un dessin paru le 1er avril 1935 dans le Petit Marseillais clos le recueil.
Un cliché immortalisant l'artiste le 23 octobre 1931 est collé sur la première
couverture. 240 € + port
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