Pour ce 14 juillet, il me fallait présenter un roman révolutionnaire écrit par un tenant incontournable de la République. Ce récit est le premier des trois qui aboutiront à La Condition humaine, œuvre qui a marqué ma jeunesse. Je propose d'ailleurs l'édition originale ici. Qui mieux qu'André Malraux pouvait être choisi ?
On doit à Emmanuel Berl dans la Mort de la pensée
bourgeoise (1929), le meilleur résumé qui soit de l'œuvre : Pour Malraux,
l'essence du révolutionnaire ne consiste ni dans une foi - toujours niaise - ni
dans une information - toujours incomplète, ni en des disciplines - toujours
périmées -, mais dans un certain état de disponibilité et de courage. Garine ne
s'intéresse pas à sa propre vie. Et il peut mettre une absence totale de
scrupules au service d'intérêts qui ne sont pas les siens propres... Garine est
victorieux. Mais il meurt. Il ne peut que mourir : car il sait fort bien qu'il
ne peut que substituer à un ordre détestable un autre ordre, non moins
détestable... La Révolution devient la suprême aventure, la possibilité ultime
d'un Univers dont les possibles se referment autour de l'individu condamné. Le
problème, pour Malraux, n'est pas de savoir comment l'intellectuel peut adhérer
à un programme, mais comment il peut devenir un chef révolutionnaire efficace.
On ne sait qui le narrateur. On ne sait rien de lui, pas
même son nom... Il a pris la route de Canton pour y rejoindre un ami et le
soutenir dans son action révolutionnaire. Cet ami, c'est Garine. Le nom a des
sonorités russes. Il est vrai qu'en 1925, le Kuomintang était soutenu,
financièrement et matériellement, par les tenants de la révolution bolchevique.
Cependant, en 1961, quand est parue cette édition, cet ami de la Révolution
était devenu notre ministre de la Culture…
Dans la mesure où les bibliophiles sont exigeants sur la
bonne adéquation entre le roman et l'illustration qui s'y adosse, j'ai pensé
que cet exemplaire orné de dessins aquarellés de Walter Spitzer serait parfait.
Qui mieux que cet artiste pouvait être
choisi ?
Une nuit de
janvier 1945, Walter Spitzer est réveillé et doit se rendre devant le chef du block du
quartier de Buchenwald où il est interné. Quelques heures plus tard, il doit
faire partie du "transport" qui mène vers un autre camp où
l’espérance de vie est de " huit jours ".
Dans son livre Walter Spitzer se souvient des paroles formulées au milieu de la
nuit : "Nous, le
Comité international de résistance aux nazis, avons décidé de te soustraire à
ce transport. Depuis que tu es là, nous t’observons. Tu dessines tout le temps,
tu sais voir. C’est cela qui nous a décidés. Mais tu dois nous promettre
solennellement que, si tu survis, tu raconteras, avec tes crayons, tout ce que
tu as vu ici".
Après la guerre. Il retourne à l’école des beaux-arts
pour apprendre la gravure. Contacté par un éditeur pour illustrer les œuvres
complètes de Malraux, il grave en noir et blanc ce qu’il a vu pendant sa
déportation. "C’est lui",
décrète André Malraux qui sera choisi entre plusieurs artistes. Le Polonais à
l’accent toujours prononcé illustrera ensuite les œuvres de Jean-Paul Sartre,
d’Henry de Montherlant, de Joseph Kessel, et construira le mémorial de la rafle
du Vél’ d’Hiv’… Parce que "Liberté, égalité, fraternité "
gravé au fronton de cette commémoration du 14 juillet ne doit pas rester une
simple intention… Pierre
MALRAUX. Les
Conquérants. Paris, Lidis, Imprimerie Nationale, 1961;
Un volume In-4 (29.5/23,5 cm). Broché sous couverture rempliée et rhodoïd, sous
emboitage coloré. 202 pages, tirage numéroté sur vélin filigrané, illustré de
lithographies originales de Walter Spitzer. Vendu
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