Nicolas Lémery, l’homme qui va soulever tout Paris en faveur de la chimie, qui est-il ? C'est B.Bourdoncle dans un très bel article qui nous le précise. Né à Rouen en 1645 au sein d’une famille protestante, son père, Procureur au Parlement de Normandie, l’avait placé très jeune comme aide apothicaire. C’est là qu’il acquiert le goût de la chimie. Pour se perfectionner dans cet art, il monte à Paris afin de travailler dans le laboratoire du célèbre chimiste Glazer. Là, bien que reçu Maître Apothicaire, il est rebuté par les aspects très brumeux de l’enseignement de Glazer. Il préfère parcourir la France à sa guise, de laboratoire en officine, à la manière des Compagnons, observant, interrogeant, manipulant, amassant un trésor d’informations et de pratiques.
En 1670 on le retrouve étudiant à la Faculté de Montpellier et, quelques mois plus tard, le voici professeur de Chimie en titre de cette même Université (un parcours impensable à notre époque). Sa véritable vocation se déclare : l’enseignement de la chimie…
Il retourne à Paris en 1672 pour ouvrir, dans une cave de la rue Galande, un cours de chimie. Immédiatement, le succès est colossal, prenant de court le professeur lui-même qui ne s’attendait pas à voir son modeste local pris d’assaut par une cohue de seigneurs, de princes, de bourgeois, d’étudiants et même de coquettes.
En langage commercial moderne, on dirait que le "produit" de Lémery répond à un vrai "besoin". Le public a entendu parler de chimie, il sait vaguement que des expériences spectaculaires peuvent être réalisées et brûle d’en savoir davantage. Malheureusement, la chimie a hérité de l’alchimie son obsession du secret et des formules creuses. Or, Lémery annonce d’entrée la couleur : parler clair et ne rien cacher. Aussi, il ne veut rien devoir à l’alchimie. "L’alchimie, dit-il, est un art sans art dont le début est de mentir, le milieu de travailler et la fin de mendier." On ne saurait être plus explicite…
Constamment il se réfère à des expériences concrètes, faisant circuler des produits jusqu’alors inconnus du public comme les cristaux de Vénus ou le sel de Glauber (nitrate de cuivre, sulfate de sodium) qui passent de main en main dans un murmure admiratif. Mais le show le plus applaudi est sans conteste son volcan artificiel. Lémery, après avoir mélangé intimement de la limaille de fer et de la fleur de soufre, dresse la mixture obtenue sous forme d’un cône qu’il humecte avec un peu d’eau. Alors il le recouvre d’une sérieuse couche de terre en ménageant à la partie supérieure une ouverture (le cratère) dans laquelle il jette une braise. Le "volcan" entre en éruption, crachant des jets de vapeur et de soufre, tandis que la lave ruisselle sur ses flancs. Succès garanti !
C'est à travers son premier métier d'Apothicaire qu'il
nous fournit, ici, les preuves de son talent. Le règne animal était très
utilisé dans l’Antiquité mais fut délaissé au profit des plantes, au 17eme siècle, après la découverte des vertus des plantes exotiques lors des voyages maritimes dans les Indes. Les
nombreuses drogues animales répertoriées dans le Dictionnaire ou traité universel
des drogues simples de Nicolas Lémery montrent le nouvel intérêt qu'on leur porte alors dans la guérison des affections. On utilisait les animaux entiers ou seulement des parties
d’animaux (organes, phanères, sécrétions…). A la fin du 19eme siècle, l’opothérapie
deviendra plus scientifique après la découverte du pouvoir des glandes. Mais au 17eme
siècle, c'est cependant l'utilisation des plantes qui prédomine.
Pour illustrer mon propos, j’ai pris une “drogue” toujours
d'actualité dont l'utilisation, hors pharmacopée, est aujourd'hui controversée :
Le cannabis : “ Les chanvres contiennent
beaucoup d’huile, peu de sel. Ils sont propres pour les brulures, pour le
bourdonnement d’oreille, pour tuer les vers ; la semence est estimée propre à
ralentir les ardeurs de Vénus, étant prise plusieurs jours de suite, elle
apaise aussi la toux. La dose en est depuis un scrupule jusqu’à une dragme.” A
contrario, certaines plantes ont complètement disparu du domaine public
et sont devenues des curiosités suscitant, par rebond, beaucoup d’intérêt de la
part des amateurs d’histoire et de traditions. D'où l'attrait toujours renouvelé pour le Lemery sur les rayonnages des libraires d'ouvrages anciens. Pierre
LEMERY (Nicolas). Dictionnaire universel des drogues
simples, contenant leurs noms, origine, choix, principes, vertus, etimologie ;
& ce qu'il y a de particulier dans les animaux, dans les végétaux, &
dans les minéraux : ouvrage dépendant de la pharmacopée universelle : par feu Monsieur
Lemery... Troisième édition, revûe, corrigée, & beaucoup augmentée. Avec
des figures en taille-douce. A Paris, de l'Imprimerie de la Veuve d'Houry, 1748. 1
fort volume in-4. Reliure postérieure (19eme siècle), demi basane fauve.[1 f
bl], [2ff titre], xxiv, 884, [25ff planches]. Texte en français avec quelques
mots en latin ou en grec. 3 bandeaux typographiques gravés sur bois, lettrines.
Bel état. 470 € + port
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