En ces temps incertains et agités, en ce début d'année traditionnellement propice aux bonnes résolutions, que diriez-vous de faire de l'or, si pas en barres, tout au moins en poudre ? Cette préoccupation fut longtemps celle des Gouvernements mais a-t-elle vraiment disparu : à défaut de faire de l'or, n'essaye-t-on pas aujourd'hui de faire de l'argent avec tout : avec le recyclage des ordures ménagères et des eaux usées, avec la pollution au CO2 et au méthane bovin, avec les diverses éco-taxes, etc ... Il semble que ces techniques ne soient pas plus efficaces que celles des alchimistes et qu'elles ressemblent de plus en plus à l'ouverture de la Boîte de Pandore.
Je vous propose de découvrir deux
ouvrages alchimiques rares qui renferment, à n'en pas douter, les recettes
miracles, à condition de pouvoir lire entre les lignes sinon ce serait trop
facile.
Mais d'abord quelques commentaires sur
l'ALKAEST. Les alchimistes cherchaient entre autres
choses, l'Alkaest ou dissolvant universel apte à réduire à la forme
liquide n'importe quel corps, minéral, végétal ou animal ; on l'appelle
également la menstrue universelle. Paracelse le mentionna le premier : "tous
ceux qui s'appliquent à la médecine doivent savoir préparer l'alkaest".
D'après Van Helmont, cette Liqueur dissout tous les corps visibles, et
les réduit à leur primordiale matière. Cette dissolution est naturelle, douce,
sans corrosion. Cependant, ni Paracelse, ni Van Helmont
n'ont expliqué clairement ce qu'ils entendaient par cette liqueur dissolvante
et la lecture de leurs ouvrages ne le laisse pas deviner. Diverses substances
furent considérées comme étant ce liquide miracle, tel l'alcali ou potasse ou
encore l'eau régale : mélange d'acides nitrique et chlorhydrique capable de
dissoudre l'or. Il se pourrait que alkaest soit à l'origine du mot alcali.
Kunckel,
dans son Laboratorium Chymicum avait émit l'idée, très juste, qu'un
dissolvant universel dissoudrait la matière même du récipient qui le contenait. Cette rechercher fut abandonnée au milieu
du XVIIIe siècle et disparu des textes alchimiques. En cherchant l'Alkaest, les alchimistes
trouvèrent plusieurs corps nouveaux.
LE PELLETIER JEAN - L'ALKAEST OU
DISSOLVANT UNIVERSEL DE VAN HELMONT
Rouen, Guillaume Behourt - 1704. In-12, reliure plein veau aux armes du Duc
de Gramont, Chevalier du Saint-Esprit. D'après Lenglet-Dufresnoy (Histoire de la
philosophie hermétique) "Ouvrage curieux et fort estimé". Duveen 353. Guaïta 1551 "L'un des ouvrages anciens d'alchimie
les plus curieux". Nourry cat. alchimie de 1927 n° 262. Caillet 6550 (n'a pas vu l'édit. de 1704) -
Pas d'exemplaire chez Dorbon, ni dans Ferguson. Rare ouvrage qui contient, pour la première
fois en français, des extraits et commentaires de l'oeuvre de Philalèthe
(médecin de l'Ecole de Hérophile) et de Starkey (médecin et alchimiste
anglais). En particulier : le dialogue de Philalèthe sur " le Secret de
l'Alkaest ", "de la Liqueur Alkaest ou dissolvant universel de
Paracelse et Van-Helmont" de Starkey, et les réflexions de l'auteur
"Sur la manière de faire l'Alkaest "
Comme tous les textes
"alchimique", le livre de Le Pelletier est absolument
incompréhensible et il ne faut espérer en extraire les recettes de la Pierre
Philosophale ou de l'Elixir de Longue Vie. Les alchimistes ont voulu que leurs
écrits restent obscurs afin qu'ils ne puissent être utilisés par des amateurs
non éclairés et ignorants des arcanes du Grand Oeuvre : ils y ont parfaitement
réussi !
RESPOUR P.
MORA de - RARES EXPERIENCES SUR L'ESPRIT MINERAL POUR LA PREPARATION ET LA
TRANSMUTATION DES CORPS METALLIQUES. Où est enseigné la manière de faire les
Agens nécessaires, qui ont esté jusques aujourd'huy inconnus & cachez au
Public. Avec la connaissance du mouvement général et particulier du Monde
Elémentaire & de ce qui est contenu. A Paris chez
EMANVEL LANGLOIS, rue St-lacques, à la Reyne du Clergé et chez CLAVDE BARBIN,
au Palais, sur le Perron de la Sainte Chapelle. M DC LXVIII (1668). In-12, p. de
titre, 11 ff. n.c., 72 pp., 106 pp., 100 pp, 1 ff nc. Edition originale - Tome
ler, seul paru. Commentaires
manuscrits, à l'encre, en marge par une main de l'époque. Plein veau
d'époque, brûlure d'acide au second plat, témoin des opérations d'un alchimiste
du temps. La page de titre
portait la mention TOME PREMIER qui a été grattée anciennement, mais
l'ouvrage est bien complet, la dernière page porte le mot FIN et d'autre part,
on ne trouve aucune trace d'un second volume dans aucune référence
bibliographique.
Le livre parut pour la première fois à
Paris en 1668. Le nom de l'auteur en
serait resté entièrement caché, s'il n'apparaissait pas dans le Privilège. .
Les rares exemplaires restèrent ensevelis
longtemps dans les bibliothèques des Savants et des adeptes de
Philosophie expérimentale, de sorte qu'il fut ignoré, voire inconnu même en
France. Mr Pott célèbre Savant et excellent Chimiste en chercha
vainement un exemplaire, et le métallurgiste
Henckel eu beaucoup de peine à trouver une mauvaise copie d'un Médecin
du Roi de France. Il fut réédité en allemand en 1743 et 1772, puis en français
en 1777. Caillet ne cite que cette édition. Ferguson (Bibliotheca Chemica) II,
256 - Duveen (Bibliotheca Alchemica et Chemica),503. Cet ouvrage est tout aussi hermétique que
l'ALKAEST, toute tentative de décryptage risque fort de mener le lecteur
au breakdown . Cependant DUVEEN note que l'auteur emploie, probablement
pour la première fois, le mot "zinc".
En conclusion, vu que la thermodynamique
nous enseigne que la synthèse de l'énergie est impossible, force est de
reconnaître que pour faire de l'argent il est préférable de se tourner vers des
méthodes plus conventionnelles comme de jouer à l'Euro-millions ou aux paris
sportifs ... René
6 commentaires:
Merci René pour cet excellent billet. Nous savions déjà qu'il était possible de transformer l'eau en vin et voilà enfin la méthode pour transformer le zinc en or.
Il nous reste à espérer que personne ne trouve la solution pour transformer le vin en zinc ;-)) Pierre
Article en effet bien intéressant, et qui ouvre des perspectives de réflexions.
Il semblerait néanmoins que le mot "menstrue" possédât la même particularité que l'amour, masculin au singulier, féminin au pluriel.
Jean-Michel
D'accord Jean-Michel, bien que l'on trouve les 2 genres, même au singulier, j'aurais dû utiliser le masculin comme Le Pelletier le fait dans son texte.
Une de ces petites particularités qui font tout le charme de la langue et que l'on voudrait éradiquer au nom de je ne sais quel principe égalitaire et nivelant - par le bas comme il se doit.
René
Une découverte orthographique en amène une autre, scientifique : je lis que les alchimistes attribuaient des vertus "dissolvantes" au sang menstruel... On comprend mieux que la "méthode" de Descartes obligea à un changement total des mentalités chez les scientifiques. Pierre
Un grand merci à cet excellent libraire, qui sait partager sa connaissance et n'hésite pas à donner de précieux conseils.
Voilà qui fait plaisir ;-)) Pierre
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