J'emprunte à Alain Cotte son analyse sur Céline que je trouve à la fois simple sans être simpliste. Céline est sans doute l'un des auteurs du XXème siècle qui a suscité à la fois le plus d'engouement et d'indignation. Personnage contesté et contestable, il n’en demeure pas moins un écrivain majeur de la première moitié du XX siècle.
Son premier roman, Voyage au bout de la nuit, qu'il
publie en 1932 lui vaut une notoriété immédiate. Son style parlé, l'abondance
de son vocabulaire, le foisonnement
de ses personnages, son réalisme, sa violence, l'enfer ordinaire qu'il décrit,
font l'effet d'une bombe. A la fin des années trente, Céline prône la haine raciale au
travers de terribles pamphlets, notamment Bagatelles pour un massacre
(1937) et l’École des cadavres (1938) qui "mêlent des pages d’une
confondante beauté, sur l’écriture ou la danse, à des satires d’une rare
virulence contre les juifs". Pendant la guerre, il affiche un soutien
public et sans ambiguïté à la collaboration, sans pour autant adhérer à un parti
ou remplir de fonction officielle. Ses pamphlets lui vaudront, à la fin de la
guerre, d’être rangé parmi les collaborateurs. Cette attitude fait de lui, pour
longtemps, un auteur maudit. Il faudra attendre 1957, après des parutions
diverses passées inaperçues, pour le voir resurgir dans l’actualité littéraire
avec D’un château l’autre. Une interview dans l'Express et la très
populaire émission littéraire de Pierre Dumayet Lecture pour tous le
feront renaître.
Louis-Ferdinand Céline meurt à Meudon le 1er juillet
1961, suite à une hémorragie cérébrale. Son décès n'est annoncé par la
presse que le 4 juillet, après son inhumation au cimetière de Meudon.
Beaucoup d'écrivains ont témoigné leur admiration ou leur
répulsion à l’égard de Céline. Jean-Louis Bory décrit ainsi sa fascination et
son rejet pour l'écrivain et son œuvre : " L’outrance dans les
thèses, l’impudence dans les arguments me paraissaient haïssables, je les
haïssais donc. Avec application je me fermais les oreilles et le cœur au
lyrisme satanique des pamphlets. Devant ce Pierrot-Arlequin à la mesure de
notre planète, à la fois athlète et saltimbanque, sanglotant et rageur,
pitoyable et grotesque, admirable et odieux, je n’accepterai plus que de me
blesser aux éclats de son mauvais rire. Mais que j’ouvre le Voyage, Mort
à Crédit - ou, plus tard, D’un Château l’autre ou Nord,
ma rancune s’évanouissait "...
Je vous propose, aujourd'hui, l'édition de Voyage au bout de
la Nuit suivie de Mort à crédit aux célèbres éditions de la Pléiade en 1962. Cet ouvrage
est bien évidemment épuisé chez Gallimard et est devenu un objet de collection
pour les thuriféraires ou les simples amateurs de l'auteur.
En fait, il n’est pas d’auteur qui ait signifié avec autant
de constance aux "Gallimards" son souhait de figurer dans la collection ; à partir
de 1955, "sa demande est lancinante, coriace" (Sollers). Elle tourne
à l’obsession. C’est que Céline craint de n’y jamais entrer s’il n’obtient pas
satisfaction de son vivant. La Pléiade offre une garantie pour l’avenir. Elle
lui assure que son œuvre ne tombera pas dans l’oubli, qu’elle ne sera pas
effacée, étouffée, dissimulée par ceux qui trouverait intérêt à son extinction.
Céline obtient gain de cause, en mettant dans la balance la
signature de son contrat pour Nord. Roger Nimier, qui est devenu, après
Jean Paulhan, son principal interlocuteur à la NRF, lui apprend en avril 1959
que la décision est prise par Gaston et Claude Gallimard de programmer ses Romans
dans la collection. Un contrat est signé en juin. Céline jubile... mais
déchante aussitôt. Car le volume, à ses yeux, tarde à paraître... La Pléiade ne sortira des presses qu’en février 1962, sept
mois après la disparition de Céline, lequel voyait juste lorsque, le 4 février
1960, il écrivait à son éditeur : " Je risque fort
d’être décédé avant d’être Pléiadé ! ". Pierre
CÉLINE (Destouches Louis-Ferdinand). Voyage au bout de la
nuit suivi de Mort à crédit. Avant propos par Henri Mondor. Chronologie par
Jean Ducourneau. Paris. N.R.F, Bibliothèque de la Pléiade. 1962. Reliure pleine
basane avec jaquette et rhodoïd d'origine. Bel état. Vendu
2 commentaires:
"un soutien public et sans ambigüité à la collaboration".... mouais.... pour le moins discutable...
" Un soutien public et avec ambigüité " est un échappatoire envisageable... Pierre
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