Devant la porte, la douleur et le chagrin ont établi leur demeure. C'est là qu'habitent les maladies, la triste vieillesse, la frayeur, la faim et la mort. On y trouve la guerre et la discorde, ayant pour chevelure des foulards tressés dans des fils ensanglantés. Près de cette entrée, un chemin conduit à l'enfer. C'est là qu'accourent, de toute part, les âmes qui doivent enjamber ce passage. Certaines ont eu les honneurs de la sépulture. Les autres pas, enlevées à leurs proches mais jamais retrouvées. Elles errent pendant des siècles pour passer le rivage car le règlement est intraitable là-dessus : Pas de corps, pas de crime…
Après avoir emprunté ce premier passage, une nouvelle porte sert d'entrée au palais du maître des lieux. Elle est gardée alternativement par trois monstres à une tête - chef d'état, dictateur ou élu plébiscité - dont l'un veille toujours. Jamais le flux ne s'arrête, jamais la porte ne se ferme.
Parvenu dans cette affreuse demeure, on trouve d'abord les âmes de ceux qui sont morts presqu'en naissant d'une honteuse maladie, ensuite les âmes de ceux qu'une injuste condamnation a privés du jour, et celles de ceux qui se sont eux-mêmes arrachés à la vie. Plus loin, on voit errer dans un parc, les amants que le désespoir a fait mourir. En sortant de ce bois, on trouve la demeure des guerriers morts les armes à la main. Près de là, le tribunal des vivants où une cours prononce le jugement mais n'applique jamais les sanctions. Cela n'est rien.
Un bruit horrible retient l'attention du nouveau venu dans cette prison éternelle où des torrents de flammes vous accueillent. Les marais infects et bourbeux des champs aurifères l'environnent de toute part. Trois enceintes de murailles et de fils de fer barbelés rendent ces lieux encore plus inaccessibles. Les coupables voudraient fuir mais sont rattrapés avant que de pouvoir s'échapper. On les force à avouer leurs crimes puis on les punit sans jamais les tuer car cela est proscrit en enfer. On dit que des remords horribles leur servent de fouet et que jamais un instant de repos ne leur est accordé.
Cet enfer là s'appelle le journal.
Ce quotidien du matin accompagne votre réveil. Il appartient à quelque grand groupe de presse qui vit de l'exploitation de cette mine inépuisable qu'est le malheur. Aux temps lointains, l'enfer était tenu par Pluton. Sa laideur et l'obscurité de son royaume l'ayant fait rebuter par toutes les déesses, il s'en plaignit à son frère Jupiter et obtint de lui la permission de se choisir une épouse. Il alla visiter la Sicile et rencontra Proserpine, fille de Cérès. Elle était d'une suprême beauté. Comme elle cueillait des fleurs, Pluton l'enleva. C'est pourquoi même en enfer, on peut apercevoir des anges…
L'histoire prétend qu'elle partage, depuis, sa vie par moitié entre la terre et l'enfer. Comme Pluton est le frère de Jupiter et Proserpine sa fille, on en déduit que Pluton est en couple avec sa nièce. Il y a aussi une presse pour cela...Un accord aurait été conclu avec celui-ci afin qu'elle puisse retourner avec sa famille certaines périodes de l’année. C'est ce que nous compte ici Jean-Baptiste Lully dans une tragédie en musique sur un livret de Philippe Quinault. Cet opéra-Ballet fut créé à Saint-Germain-en-Laye le 3 février 1680, puis à Paris le 16 novembre de la même année. Je vous propose ici une partition éditée en 1707 (seconde édition).
Votre dévoué Philippe Gandillet
LULLY (Jean-Baptiste de). Proserpine. Tragédie mise en Musique par feu Monsieur de Lully, Ecuyer, conseiller-secrétaire du Roy, Maison, Couronne de France & de ses finances, & sur-intendant de la musique de sa majesté. Seconde édition. Paris, Christophe Ballard. 1707. reliure plein veau in folio. Dos à 6 nerfs orné de motifs dorés, pièce de titre en maroquin cerise. [2ff], 426 pp. Reliure fatiguée, cahiers non détachés. Il manque la dernière page de l'ouvrage et un petit manque sur blanc à la page 15 . Vignettes et culs de lampe. Un ouvrage très peu fréquent à la vente passé par la salle des vente de Drouot (vignette ancienne). Idéal pour un chef d'Orchestre, un directeur d'Opéra, désirant présenter une œuvre originale aux mélomanes. Vendu
2 commentaires:
Pour être complet il faut signaler que Proserpine la romaine est inspirée de la Perséphone grecque, fille de Déméter, déesse de l'agriculture, enlevée par Hadès et que l'enlèvement de Perséphone par Hadès est symbolique du passage de l'état de jeune fille à celui de femme. De plus, les Grecs, soucieux d'expliquer la raison de l'hiver, ont profité de ce système de garde partagée pour y voir le rythme de l'alternance des saisons : Déméter est toujours présente en ces temps de frimas stériles mais boude et ne veut plus rien faire tant que sa fille n'est pas à ses côtés. Non mais sans blague !...
On peut y voir également le symbole de la belle-mère acariâtre, et c'est peut-être celui-là qui sera le plus pérenne.
Jean-Michel
Pour être complet, de mon côté, je dois avouer qu'une collation survolée m'avait fait oublié de préciser un manque en dernière page, ce qu'un bibliophile (ami) attentif n'a pas omis de me faire remarquer. Voilà qui est corrigé.
Il me faut, en tout genre - et les partitions n'échappent pas à la règle - vérifier la collation pour des ouvrages anciens ! Pierre
Enregistrer un commentaire