samedi 26 mars 2011
Marcel Capy, illustrateur de Daudet chez Kra, éditeur.
La fin du 19eme siècle et le début du 20eme ont vu naître une jolie couvée d'illustrateurs, de peintres et de graveurs qui se sont mis au service de l'édition et de la littérature. Il faut dire que les progrès croissants des techniques d'imprimerie, la jolie qualité des papiers proposés à cette époque, la mode des beaux ouvrages et le temps libre* dont disposaient les gens pour leurs loisirs (dont la bibliophilie) se prêtaient à mettre en valeur le talent des artistes.
* Je ne dis pas que nous n'avons plus de temps libre pour la lecture, aujourd'hui. Je dis que la présence omniprésente des moyens d'information et de communication nous empêche de nous occuper de nous-même. Et puis, il faut s'occuper des enfants, faire la cuisine, ranger la maison, le jardin…autant de passe-temps agréables que nous avons arraché, de haute lutte, à l'emprise des femmes.
La carrière de Marcel Capy (1865-1941) a ceci de particulier que ce dernier a connu le succès très tôt. On pourrait le classer parmi les illustrateurs de la belle époque à côté des "Steinlein" mais il n'a pas laissé son nom au fronton de notre mémoire… Et pourtant ! Sa carrière commence véritablement en 1899, à la création du Bon vivant. Ses dessins paraissent dans tous les journaux illustrés de l'époque, du Rire au Sourire, en passant par Comoedia, Fantasio, ou encore La Baïonnette où il collabore au numéro qui publie les planches de Gus Bofa pour Le Livre de la Guerre de cent ans. Il illustre Alphonse Allais, Courteline et, pour les éditions Kra, la trilogie d'Alphonse Daudet que je vous présente aujourd'hui à la vente.
Pour Francis Carco, Marcel Capy est "le prince de l'attroupement" et "déroule à ses pieds la scène classique du scandale au café, de l'événement au bord du fleuve, l'incident de la queue devant le guichet de la gare, à l'arrêt de l'autobus ou aux portes du théâtre." Ses personnages à mentons énormes expriment "l'âme bourgeoise et populaire, la manie sentencieuse et le mépris facile." Sternberg rapporte que Chaval lui avait confié "s'être inspiré des personnages de Marcel Capy, de leur faciès linéaire, anguleux et patibulaire." Capy, quant à lui, affirmait tout simplement dessiner pour "ne pas s'embêter." Son côté dilettante a nui à sa notoriété. Habitué de divers cercles littéraires et artistiques tels ceux des Hydropathes, des Incohérents et du cabaret du Chat noir, il a fourni des illustrations humoristiques à plusieurs revues, souvent satiriques, dont Le Chat noir . Un homme du 19eme siècle, donc…
C'est pourtant avec les illustrateurs du 20eme siècle que nous le classons souvent, tant ses dessins sont modernes. Je vous soumets quelques noms de ses contemporains plus ou moins célèbres et vous verrez que, vous-même, vous le classerez avec eux. Joseph Hémard (1880 - 1961) / Jacques Touchet (1887 - 1949) / Claude Chopy (à compléter) / Albert Dubout (1905 -1976) / Umberto Brunelleschi (1879 - 1949). J'ai déjà présenté certains d'entre eux sur le blog et je réalise que la liste de ces illustrateurs talentueux est à faire. Vous pouvez m'aider ;-))
Les trois ouvrages que je vous présente sont d'une extrême cohérence pour ce qui est des reliures. L'ancien propriétaire a attendu que les éditions Kra aient sorti la trilogie complète pour demander à un professionnel (qui a gardé, conformément à la mode, les plats et le dos – ce qui se discute pour ce dernier élément) de les habiller de façon élégante et homogène. J'aime beaucoup ces trois ouvrages, je dois le reconnaître, et les grandes gueules des personnages de Marcel Capy se marient, ici, parfaitement avec celles de nos héros… Pierre
DAUDET (Alphonse). Tartarin de Tarascon. Illustrations en couleurs de Marcel Capy. Paris, Kra, 1928. Format in-8 carré, 3ff.-214pp.-3ff.- Dos conservé. Demi-maroquin rouille à coins, faux-nerfs, couverture et dos conservés, tranche supérieure dorée, les autres tranches non rognées (Reliure de l'époque). Collection Poivre et Sel. Nombreuses vignettes dans le texte, coloriées au pochoir par les ateliers Jacomet. Premier titre de la collection, tiré à 1000 exemplaires. Exemplaire N° 93 sur vélin de rives.
DAUDET (Alphonse). Tartarin sur les Alpes. Illustrations en couleurs de Marcel Capy. Paris, Kra, 1930. Format in-8 carré, 2ff.-229pp.-2ff.- Dos conservé. Demi-maroquin rouille à coins, faux-nerfs, couverture et dos conservés, tranche supérieure dorée, les autres tranches non rognées. Collection Poivre et Sel. Nombreuses vignettes dans le texte, coloriées au pochoir par les ateliers Jacomet. Deuxième titre de la collection, tiré à 1000 exemplaires. Exemplaire N° 959 sur vélin de rives.
DAUDET (A.). Port-Tarascon. Illustrations en couleurs de Marcel Capy. Paris, Kra, 1930. Format in-8 carré, 2ff.-235pp.-2ff.- Dos conservé. Demi-maroquin rouille à coins, faux-nerfs, couverture et dos conservés, tranche supérieure dorée, les autres tranches non rognées. Collection Poivre et Sel. Nombreuses vignettes dans le texte, coloriées au pochoir par les ateliers Jacomet. Troisième titre de la collection, tiré à 1000 exemplaires. Exemplaire N° 529 sur vélin de rives.
Ces trois ouvrages, en très bel état, sont proposés, ensembles. Vendu. Vous comprenez bien que serait la mort dans l'âme et sous la menace que je vendrais ces exemplaires séparément…
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17 commentaires:
La reliure n'est pas signée mais il s'agit d'une jolie excroissance bourgeoise décadente , comme vous pouvez le constater ;-)) Pierre
je ne connaissais pas du tout... à voir les photos, le rapprochement avec Hémard, et aussi Touchet, est logique.
J'ignore également tout d'un certain Mr Chopy... j'ai honte !
par contre, ouf ! Dubout, ça va. Mais il est inclassable, celui-là !
et franchement, je ne mêlerais par Brunelleschi avec cette anthologie.
(mais ce n'est qu'un avis fort peu éclairé puisque je ne connais pas la moitié de cette compagnie !)
Jolie petite série (et à la gloire des Tarasconnais !), ce serait effectivement un crime de la séparer. Les illustrations m'en rappellent d'autres mais là, tout de suite, je serais bien en peine de dire de qui.
Vous faites allusion à Gus Bofa. Je l'ai découvert il y a quelques années dans une réédition récente (un cadeau pour Agate) et j'avais été emballé par son humour décalé.
Vous avez raison calamar, Umberto Brunelleschi, c'était juste pour le situer dans l'époque mais il faut comparer ce qui est comparable... D'ailleurs, cela ferait un bien joli billet. J'aurais plutôt dû mentionner Gus Bofa, comme le faisait remarquer Pascal.
Pour Claude Chopy, je cherche depuis quelques temps des documents sur lui. Pierre
Bonsoir,
Elles sont conservatrices de ces jolis livres; je ne vois pas pourquoi, il faudrait commencer à avoir des complexes par rapport à des reliures... Ce n'est que l'avis de certains et le mien vaut bien le leur.
Avis de relieur professionnelle.
un livre bien relié peut supporter plusieurs apparences au cours de sa vie, sans forcément être décousu.
C'est insensé ce snobisme autour des apparences et des matériaux.
de plus, personne n'est responsable de ce qui s'est fait à une époque. C'est ça l'histoire: le recul et le contexte.
moi, ce que je retiens, Pierre, c'est que sous couvert de culture, on assiste à un deballage de bêtise et de méchanceté gratuite, qui doit servir des intêrets qui sont bien loin de la philosophie de votre blog et de celui du bibliomane moderne.
Une reliure, du moment qu'elle tient la route, fine, de bon gout, et que le bibliophile et le relieur se font plaisir, c'est l'essentiel.
j'ai un faible pour hémard comme illustrateur, et dubout( knock) Bubu de mont parnasse illustré par bofa, aussi. je ne l'ai pas, mais voilà un livre que j'aimerai bien avoir.
Bonne soirée
sandrine.
Nous sommes bien d'accord, Sandrine. Le concept de L'excroissance bourgeoise décadente était là pour pimenter une discussion dans un forum. Il s'inscrit dans une politique marxisante post soixante-huitarde qui a eu son heure de gloire. Il est normal que vous défendiez la reliure, mais ce n'était pas la peine de le prendre au pied de la lettre, je crois ;-))
Crachin breton, aujourd'hui. Temps idéal pour mon entrainement dominical au marathon !! Pierre
Oui, oui, bien sûr, Pierre, En ce qui vous concerne, je n'ai pas de doute sur le ton de vos articles.
Ce qui est moins sûr ailleurs. D'ailleurs, le ton de mes commentaires est rarement politique ou sectaire, plutôt tolérant somme toute, mais il se trouvent que en face, les recepteurs, comme dans toute communication, emetteur-recepteur-médium, ne sont pas toujours aussi tolérants et sensibles à l'humour. ni ouvert à la communication autant qu'ils le disent.
Mais , bon , rien de grave; Effectivement temps breton partout.
bon dimanche;
Bien à vous;
Sandrine.
Parle-t-on de ce blog ? je ne crois pas que mon inculture en matière de livres anciens m'ait néanmoins occulté une ou deux incorrections.
ps : temps bordelais ici...
Non, Nadia. Il faut suivre les conversations ailleurs.
mais rien de bien important.
S.
C'est vrai que l'on a parlé, entre autres, de "l'intérêt de relier les livres" sur un autre blog et que les esprits les plus prompts se sont un peu échauffés... Pas de risque de ça, ici. Le propriétaire ronronne ;-)) Pierre
Cette série bien reliée est sympathique, nul doute que vous allez trouver un tarasconais qui vous prendra les 3.
Pour le Tartarin, j'aurais vu une reliure un peu moins sage. Par exemple, une reliure à la fanfaronnade, vous voyez, le style rocaille façon Alpilles, en maroquin fauve prise dans une peau de lion, avec un fer au casque colonial dans les entre-nerfs.... mais bon les gouts et les couleurs...
Textor
Ah! oui, ça, c'est du plus bel effet pour tartarin, qui aurait apprécié. J'en ai un, je vais y réfléchir... Pour la peau de Lion, ça risque d'être un peu plus dur, mais bon on peut remplacer par de la peau de croco des marais breton, et le fer, je telephone tout de suite, à M'sieur Alivon, pour voir ce qu'il a en magasin.
S.
Alivon, je crois pas, mais Revenga propose entre autres (fer n° 913) un chasseur en train d'épauler son fusil, avec son chien à l'arrêt devant lui. Pour Tartarin, ça le ferait pas mal aussi. Pour les crocodiles bretons, ça risque d'être plus difficile… : D
Bonjour.
Gus Bofa admirait beaucoup Marcel Capy et regrettait qu'il soit aussi méconnu en France. Au point d'ailleurs de lui consacrer une rétrospective lors d'un des Salons de l'Araignée.
Capy est, en quelque sorte, le lien entre Devambez et Dubout. S'il a beaucoup travaillé dans la presse, sa carrière d'illustrateur est relativement modeste, mais il a fort bien dessiné Balzac, Courteline, Gaston Leroux, Alphonse Allais et donc Alphonse Daudet.
A l'attention de pascalmarty, merci de vous intéresser aux (belles) rééditions de Gus Bofa. Généralement, les bibliophiles affectent de mépriser ce travail qui vise à faire connaître Bofa à un nouveau public.
Les éditions Cornélius refusent le simple reprint. Chaque livre est donc enrichi d'une préface le replaçant dans son époque et dans l'oeuvre de l'artiste, et de dessins inédits ou originaux. Ainsi "U-713", qui a été entièrement recomposé et augmenté de tous les crayonnés originaux de Gus Bofa. Pour "Le livre de la guerre de cent ans", les dessins de l'édition originale, ont été nettoyés pour retrouver le trait de l'artiste et remis en couleurs pour mieux correspondre à sa vision.
A l'attention de Sandrine, ne cherchez pas "Bubu de Montparnasse" illustré par Bofa. Le livre n'existe pas. Par contre, Chas Laborde et Dunoyer de Segonzac, entre autres, en ont donné de belles versions.
En vous souhaitant une bonne journée, avec ou sans pluie.
Emmanuel.
Vous ne pouvez pas savoir comme votre commentaire me remplit de joie, Emmanuel, car Marcel Capy n'a rien fait pour asseoir son talent et les éditons Kra n'ont édité ces ouvrages qu'à 1000 exemplaires. Bien, pour les bibliophiles mais mauvais pour la renommée !
Si j'ai besoin d'un billet sur Gus Bofa, je sais que je peux compter sur vous ;-)) Pierre
Bonjour, Il me semblait pourtant l'avoir feuilleté en librairie. IL s'agissait peut être juste d'une illustration de la couverture, alors, et j'aurai , dans mon souvenir, fait l'amalgame entre deux illustrateurs. c'etait une toute petite édition passée à le reliure chez Anne Vion, à Perros Guirec.
une méprise de ma part, surement.
merci donc pour cet info.
bien à vous,
Sandrine.
Merci beaucoup pour les sites qui sont reliés à votre nom, comme pour Chas Laborde, ce sont des monuments.
Bien à vous,
Sandrine.
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