Le sonnet est un petit poème destiné à renfermer une pensée intéressante, profonde ou gracieuse, qui se prépare dans les onze premiers vers, et qui se manifeste dans les trois derniers, en présentant quelque chose de frappant et de relevé. Dans l'ouvrage que je présente, Charles Asselineau rappelle (notes et variantes) qu'au temps des troubadours, le sonnet était accompagné du son des instruments, particulièrement en Provence… Le sonnet est, par conséquence, souvent chargé d'un cliché médiéval ou renaissance qui nuit à sa renommée avec ses manières et sa courtoisie alambiquée. Est-ce la raison pour laquelle l'auteur s'exprime en vieux françois tout le long de son introduction et dans ses notes ? C'est vraisemblable. Pourtant, il est le premier dans ces Seize dizains de sonnets choisis (160, bien sûr !) à nous présenter ceux, plus modernes, d'Alfred de Musset, par exemple… (il revient souvent en ce moment, mais n'est-ce pas magnifique ?)
Tristesse :
J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré.
J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré.
La forme mécanique ou artificielle du sonnet, qui consiste dans l'arrangement et la qualité des rimes, est absolument invariable. Il est composé de quatorze vers de même mesure. Les huit premiers sont partagés en deux quatrains et roulent sur deux rimes. Les six derniers vers forment deux tercets avec trois rimes différentes. Le premier tercet commence par deux rimes semblables; l'arrangement des quatre derniers vers est arbitraire. Le sens doit être complet après chaque quatrain et chaque tercet. Boileau a bien exprimé les principales règles de la structure matérielle du sonnet, lorsqu'il a dit qu'Apollon
Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille
La rime avec deux sons frappât huit fois l'oreille,
Et qu'ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
La rime avec deux sons frappât huit fois l'oreille,
Et qu'ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Quand le sujet du sonnet est grave et sérieux, on doit y employer des vers alexandrins; quand il ne l'est pas, on peut employer des vers de dix pieds, et même de huit et de sept syllabes. Le sonnet paraît être le cercle le plus parfait qu'on puisse donner à une grande pensée, et la division la plus régulière que l'oreille puisse lui prescrire. Outre les règles précédentes, qui regardent la forme mécanique du sonnet, il y a des règles très importantes qui concernent sa forme naturelle. Boileau nous apprend, en effet, que le dieu des vers
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois
Inventa du sonnet les rigoureuses lois.
Partout de ce poème il bannit la licence;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Inventa du sonnet les rigoureuses lois.
Partout de ce poème il bannit la licence;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Ainsi, tout doit être exact, poli, châtié dans ce petit poème. On n'y souffre ni le moindre écart du sujet, ni un vers faible ou négligé, ni une expression impropre ou superflue, ni la répétition du même mot. La précision et la justesse des pensées, l'élégance des expressions, l'harmonie des vers, la richesse des rimes n'y doivent rien laisser à désirer. En un mot, tout doit y être d'une beauté achevée. Comme la reliure en plein maroquin qui recouvre ce recueil… Pierre
LE LIVRE DES SONNETS. Seize dizains de sonnets choisis. Alphonse Lemerre, Editeur, sans date (vers 1875), Paris. Reliure éditeur plein maroquin cerise de l'époque, dos à nerfs, toutes tranches dorées, double filet doré sur les coupes, double roulette dorée au contre-plat, étui. Frontispice (gravé par Monziès), page de titre, XXXIV, 228pp, table. Charles Asselineau (1820/1874) fut écrivain et critique d’art. Il a collaboré à différentes revues littéraires et artistiques, comme Le Courrier artistique et travailla pour la bibliothèque Mazarine. Il est connu des amoureux des livres pour deux ouvrages : L’enfer du bibliophile (1860) et Mélanges tirés d’une petite bibliothèque romantique (1866). En 1845, il rencontre Baudelaire, dont il deviendra un ami fidèle. Ainsi, il le soutiendra lors de la parution en 1857 des Fleurs du mal, ouvrage dont il publiera avec Banville en 1868 une 3e édition. En 1869, il écrit la première biographie de Baudelaire : Charles Baudelaire, sa vie et son œuvre. Ex-libris. Très bel exemplaire. Vendu
16 commentaires:
Belle présentation, fort élégante. Le livre est sans doute aussi relevé.
Un petit mot de remerciement pour l'appel téléphonique d'un amateur d'ouvrages d'Alphonse Lemerre (dans ce format si caractéristique et dans ce type de reliure si élégante) qui, grâce à sa courtoisie, m'a fait passer une fin d'après-midi très agréable . Pierre
C’est beau, nous sommes sans voix,
D’un sonnet maladroit,
Pierre fait un billet
Qui chante comme un criquet !
Partout sur la blogsphère
Il donne la cadence
Et d’un sujet austère
S’attire mil’ révérences !
T
Alors là, je m'incline... Révérence et moulinets du chapeau, Textor. Je ne sais pas si c'est Alfred de Musset qui vous a prêté sa muse mais le résultat est vraiment sympa. Bravo ! Pierre
A quand un recueil des Poèmes de Textor ?
Non, Pierre, ce sont vos billets qui nous donnent envie de déclamer des poésies (De là à faire un sonnet c'est une autre affaire)
Calamar, le Textor publiera ses oeuvres complètes dans la Pléiade d'ici une dizaine d'années :)
En attendant, appelez-moi Textorugo !
J'adore l'humour de Textor !
Comme quoi, les bibliophiles ne sont pas de vieux barbons rasoirs et tristes...
(hein ? quoi ? j'aurais pas dû écrire ça ?)
Merci Nadia mais ne vous fiez pas aux apparences, Je suis un vieux barbon, rasoir et triste, entouré de livres poussièreux encore plus vieux que moi....
Alors ce blog constitue votre soupape, votre lieu de décompression, de lâchage, la face cachée du Textor Masqué, celle du Dr Jekyll... c'est bien, les pseudos, finalement !
Rentré à 14h de Montauban où nous avons été accueillis avec bienveillance par sœur Marie-Odile Munier et Monseigneur Ginoux qui nous ont permis de passer une journée dédiée aux livres anciens dans un lieu magnifique (l'Évêché). Si j'ai acheté des livres ? Oui...
A 14h30, je donnais une conférence sur le livre ancien pour les amis du vieux Tarascon. Si on m'a offert un livre en remerciement ? Oui...
Ce métier est vraiment passionnant mais il faudrait le coupler à un commerce de commercialisation d'étagères ;-)) Pierre
On en revient à ce que je vous disais avant de commencer à envahir votre blog : achetez les commerces voisins (et un en particulier... hi, hi, hi) pour vous agrandir !
Pierre,
Soeur Marie-Odile Munier serait-elle une parente du célèbre Anné Munier ?
René
Correction : lire Abbé Munier. René
Si je vous dit que c'est sa fille, cela vous fera sourire ;-))
Soeur Marie-Odile Munier,Officier dans l'ordre des Arts et des Lettres, archiviste et conservateur de l'Abbaye-École de Sorèze et responsable de Bibliotheca à Montauban est, entre autres, une spécialiste de Lacordaire. Elle est un exemple de simplicité d'érudition.
L'abbé Mugnier, lui était un pasteur qui prêchait dans le désert des salons parisiens du début du siècle. L'amitié qui le liait à Huysmans l'a rendu célèbre. Il y a toujours eu des curés "des duchesses", "des salons" comme il y a des curés ouvriers. Et je peux vous assurer qu'il y a aussi des curés bibliophiles ! Pierre
On voit régulièrement les 2 orthographes Munier et Mugnier. Cependant si on veut bien faire confiance à son biographe Ghislain de Diesbach, "L'Abbé Mugnier, Le Confesseur du Tout-Paris" il faut choisir la seconde. La lecture de cet ouvrage est vraiment passionnante.
Bien sûr qu'il y a des prêtres bibliophiles, le point de départ (très modeste)de ma bibliothèque est constitué de livres provenant de la collection d'un Père Prêcheur d'une famille aristocratique. Malheureusement les héritiers en avaient largement écrémé le contenu.
René de BlC
J'avais constaté en écrivant ma réponse que les deux orthographes étaient utilisées, René.
Je connais quelques curés bibliophiles. Ils ont des points communs : 1/ Ce sont des lecteurs et des érudits 2/ Ils négocient, sans aucune forme de charité, le prix des livres qu'ils achètent et acceptent avec fatalisme que certains exemplaires qu'ils convoitaient leurs soient offerts au décès d'un paroissien fidèle ;-))
En contre partie, ils ne sont pas riches et à leur disparition, ils donnent le fruit de cette passion à la communauté religieuse. Pierre
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