On me fait assez souvent l’honneur de déposer des courriers à la boutique de Pierre, le lundi quand j’assure la permanence de la librairie ; on m’envoie des lettres de recommandations, on me pose des questions pertinentes, on me demande conseil, je reçois des réclamations, des manuscrits, des poèmes… J’emmagasine tout du mieux que je peux, c’est-à-dire dans le fond de mes poches, me promettant à chaque fois - avec toute la sincérité dont je suis capable - de répondre aux lecteurs du blog dans les plus brefs délais. Puis je vais me promener dans la campagne qui entoure ma bastide provençale...
Dame ! Quand
on a travaillé toute l’année à l’Académie à faire un dictionnaire, quand on a
tenu toute la journée la librairie de Pierre en distillant à chaque client un
peu de son savoir, on aspire à un légitime repos. Devine-t-on ce qui arrive
ensuite ? C’est que ces lettres demeurent quelquefois au fond de mes
poches, gouffres insondables et qui rendent rarement leur proie. C’est que mes
projets épistolaires s’en vont au premier souffle qui passe et que le Mistral
est un vent fort… C’est que j’oublie, de
la meilleure foi du monde, les engagements solennels que j’ai pris vis-à-vis de
Pierre et de son remarquable blog.
J’en suis, bien évidemment, le premier à m’en désespérer
et à déplorer cette fatale étourderie qui doit
me valoir le ressentiment de quelques lecteurs. Mais qu’y faire ?
Je ne suis qu’un dilettante à tendance schizophrénique. Je ne suis qu’un homme
de rêverie et de frivolité. On aurait bien tort de me prendre au sérieux… Ô mes
chers lecteurs ! Tachez de m’excuser et de me prendre tel que je
suis !
Cependant, entre tous les désagréments que je dois à ce
regrettable penchant, il en est un qui se reproduit quelquefois et qui me cause
des scrupules bien plus lancinants. Certains de mes correspondants, flairant ma
négligence et mesurant fort judicieusement les limites de ma probité, jugent à
propos de joindre une petite coupure de monnaie (le billet de 50 € est la
règle) à leur message. Ils espèrent, par ce moyen, m’obliger à répondre. C’est
très adroit, peut-être, mais c’est un peu humiliant pour celui qui le reçoit, tout de même…
On m’affirme pourtant que ce serait un usage très répandu chez les contributeurs
du blog de Pierre.
Usage ou non, je trouve cette pratique condamnable dans son principe mais recevable au vu des résultats escomptés. Ces explications
fournies, j’en donnerai pour preuve la célérité avec laquelle je vais répondre,
ce matin, à une honnête proposition commerciale déposée dans la boite aux
lettres de la librairie.
Cher Maitre,
Il m’arrive de plus en plus fréquemment, en me lavant le
matin, d’hésiter entre les innombrables savons, crèmes et autres produits
d’hygiène intime qui sont disposés sur les étagères de la douche. Un triste
constat m’est alors apparu, ce matin : on n’a jamais proposé aux hommes de
produits d’hygiène spécifiques à leur nature. Je souhaite me lancer dans ce
créneau inexploré et compte faire fortune rapidement. Accepteriez-vous un droit
à l’image ? Christophe B**
Cher Christophe,
On s’éloigne de la bibliophilie mais votre idée me semble
judicieuse. Je vous autorise à mettre mon portrait sur les flacons qui
serviront à la toilette des membres qui en bénéficieront. Votre dévoué.
Philippe Gandillet
2 commentaires:
merci maitre.
Vous voyez bien, Christophe, que je n'oublie pas la teneur de nos conversations de comptoir... ;-) Ph Gandillet
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