Deux éléments (parmi d'autres) peuvent caractériser les ouvrages de la deuxième moitié du 16eme siècle et peuvent les différentier des incunables et post-incunables qui les précèdent : Souvent, ce sont des caractères romains qui sont employés pour l'impression et l'ouvrage présente une page de titre, parfois illustrée. L'exemplaire que je présente est, de plus, imprimé en langue française – plus exactement en vieux français ; Le manque de fluidité dans notre lecture nous donnant parfois l'impression de lire du Serbo-croate !
Cet ouvrage est bien évidemment destiné aux amateurs de
livres juridiques anciens. Nous sommes en 1559.
Après la mort de Henri II, suivie de près par celle de François II, la
France entre dans une période d'instabilité politique marquée par les efforts
de Catherine de Médicis pour concilier
catholiques et protestants - ainsi que par son échec dans cette réconciliation.
Le livre que je présente traite de la Forme et de l'ordre
de la plaidoirie dans la procédure
judiciaire. Je ne détaillerai pas personnellement son contenu par manque
évident de compétence dans ce domaine : j'ai donc fait appel à la gentillesse
d'un lecteur (Textor), amateur éclairé, pour
m'envoyer quelques lignes claires sur ce sujet. Les voici :
J’ai cherché à quoi pouvait
bien correspondre ce MPL. Aucun des exemplaires décrits dans les bibliographies
ne porte cette mention. Ni la première chez les Angelier ni les suivantes,
postérieures à 1559. Cette édition doit être assez rare, donc. Pour
résumer, je n’ai trouvé aucune vente permettant d'en fixer un prix.
La procédure du XVIème
siècle peut paraitre étrange mais, à part les questions ordinaire et extraordinaire
qui ont disparu (!), peu de chose a changé dans cette profession encore très
codifiée. Savez-vous que l’épitoge
herminée est une survivance de la besace que portait l’avocat au palais pour
que son client lui glisse quelques victuailles sans qu’il ait besoin de la
quémander ? Le Palais reste un espace théâtral mais j’aurais bien
voulu voir évoluer les avocats et les procureurs du 16eme siècle…
Les formes de la plaidoirie
et le style [c’est-à-dire la procédure] servaient à encadrer débats et tenter
d’en raccourcir la durée. De tous temps, les avocats ont manifesté une tendance
à plaider longuement. Les Athéniens imposaient à l'orateur de ne plaider que
pendant le temps nécessaire à une amphore remplie de liquide, la
clepsydre, de se vider. À Rome, les plaidoiries devaient être terminées avant
midi et la sentence rendue avant le coucher du soleil. À défaut, une
nouvelle audience devait être fixée et le procès repris depuis le début. En
Europe, diverses ordonnances imposèrent aux avocats de faire preuve de
concision, et ce jusqu'au XVIème siècle !
C'est dans la forme d'expédier les criminels que nous
avons noté une évolution notable de la jurisprudence. Si l'on ne peut mettre en
doute la volonté de la Chambre de faire un procès équitable et d'astreindre les
parties à une expertise contradictoire au cours de la récolte des charges, la
méthode employée pourrait paraitre surannée, aujourd'hui. Ainsi feuillet 184
(je traduis) : " Dans le cas où le juge serait insuffisamment renseigné pour
assoir son jugement définitif, celui-ci doit demander une délibération pour
voir s'il y a des preuves et des indices suffisants pour faire répondre le
prisonnier par la torture (sic)… Si le juge demande la torture, il doit être
présent à celle-ci et le mentionner dans le procès-verbal des preuves et
indices ". On n'en attendait pas moins ! Je ne crois pas que le mot torture
existe encore dans un des intitulés de la procédure judiciaire.
Ce livre de procédure rédigé par le très prolixe Jean
Bouchet n'est pas rare à proprement parlé mais il est vrai qu'on cite plus
souvent, pour les exemplaires sortis des presse de Barbe Regnault, l'édition de
1561 que celle de 1559. Barbe était la fille de François Regnault. Elle avait
hérité de la maison de l’Éléphant et bien qu'elle l'ait donnée à bail, elle
avait gardé l'enseigne (ou bien le fonds). Comme cela se faisait au 16ème
siècle, les filles n'avaient pas le droit d'exercer le métier d'imprimeur, même
quand elles héritaient d'une presse, mais elles avaient le droit (et même le
devoir !) de se marier avec un autre imprimeur. La seule occasion d'exercer
cette belle profession était de devenir veuve. C'est ainsi que nous avons eu la
veuve Guillard ou la veuve Bonhomme, des femmes d'exception qui avaient survécu
à un ou plusieurs maris.
J'ai cherché, sur cet exemplaire, quelque trace écrite
ancienne qui pourrait authentifier l'appartenance de cet ouvrage à Michel de
Montaigne. Seule la date de publication
concorde avec la carrière de l'écrivain. C'est léger comme preuve… Dommage
! Pierre
MPL (Bouchet Jean ?). Forme et ordre de plaidoyrie en
toutes les cours Royales & subalternes de ce royaume regies par coustumes,
stiles & ordonnances Royaux. MPL. Avec la forme d'expedier les criminels [Texte
imprimé]. Avec la forme d'expedier les criminels. A Paris pour Barbe Regnault,
rue S Jaques, à l'éléphant, 1559. Un volume in-12 (12/8). Reliure hollandaise, parchemin
fermé par nœuds de cuir. [1fbl], 184 feuillets numérotés, [1fbl]. Page de titre
encadrée d'allégories sur bois. Défauts mineurs. Vendu
4 commentaires:
Bon, j'émerge deux minutes de Ramus, juste pour dire que le texte en question n'est pas du vieux français (sinon on n'y entraverait vraiment que dalle) mais du moyen français. Là je baigne dedans, mais une fois qu'on a pris le coup des tildes sur les voyelles pour remplacer n ou m et des s longs, je pense qu'on s'y retrouve quand même assez facilement. En fait le plus marrant c'est qu'il y a des tas de lettres en trop qui font qu'on ne reconnait pas un mot qui se prononce pourtant comme aujourd'hui. Et des tas de mots qui s'écrivent comme aujourd'hui mais ne se prononcent pas pareil, avec notamment un paquet de diphtongues qui ont disparu.
Bon jmi remets. À bientôt. Amitiés.
pascal
Merci Pascal de l'attention soutenue que vous avez pour le blog et pour les précisions que vous nous fournissez. Nous espérons avoir la primeur de la présentation de votre Ramus ... Amicalement. Pierre
Bonjour Pierre, il est deja vendu .... pourrais je savoir le prix a titre indicatif. parce que sinon je l'aurai achete .... en mail prive si vous voulez.
see you soon
have a good day!
sandrine ! j' ai oublie mon nom ....
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