" L'amour a des malheurs fastueux comme la vanité a des bonheurs sordides " nous dit Abel Bonnard, évoquant l’ouvrage de mon camarade Stendhal : De l’amour. Il est, en effet, la plus belle occasion que nous ayons de nous délivrer de notre égoïsme et de nous enivrer de notre puissance. J'écris cependant " mon camarade Stendhal " mais pas mon confrère… Pourquoi ?
Parce que Stendhal, de son vrai nom Marie-Henri Beyle, a trop
longtemps séjourné à Milan pour se plier aux exigences de notre Académie. Je le
regrette… Rappelons qu'il a dicté lui-même l'inscription de sa tombe :
"Ci-gît, Henri Beyle dit Stendhal, le Milanais". Pour être accueilli à l'Académie française,
il faut démontrer sa notoriété, son talent et sa disponibilité. Les deux
premières qualités vont de soi. La troisième demande un peu de réflexion : nous
obligeons le nouvel élu pendant des années…
Qui oserait dénier sa notoriété de Stendhal ? Le nombre de ses livres et
leur tirage font de cet écrivain, l'un des plus célèbres du XIXème siècle. Le
talent ? Il jaillit de toutes les pages. Mai la disponibilité ? Il suffit de
s'enquérir de la longue biographie de l'auteur sur wikipédia pour réaliser que
si l'âme de Stendhal fut parfois en France, son cœur n'a jamais quitté
l'Italie…
Abel Bonnard, dans l'excellent livre que je soumets à votre
sagacité, nous offre un Supplément à De l'amour, publié en 1822, pour décrire
les différentes composantes d'une relation amoureuse – contrariée dans ce cas. Si vous le voulez bien, j'apporterai ici ma
modeste contribution littéraire à l'œuvre de Stendhal en complétant l'étude
d'Abel Bonnard, dont – ce n'est pas un secret d'état - on ne trahira pas la mémoire si
l'on révèle qu'il n'avait aucune expérience en matière de séduction féminine…
En vérité, tout grand amour est le fruit de celui qui
l'éprouve. Cependant, avec le temps, la
baisse du désir nous affranchit de l'être même qui l'a causé. Nous devenons, en quelque sorte,
indépendants de lui ! Ainsi voit-on parfois certaines femmes profondément et
fidèlement éprises d'un homme, finir par être indifférentes aux ébats et aux
frasques qui plaisent tant à ce dernier… Elles l'aiment assez pour n'avoir plus
besoin de lui, dirons-nous… Point de déséquilibre hormonal là-dedans ! Seuls
quelques médecins naïfs peuvent encore soutenir cette hypothèse !
C'est pour des motifs du même ordre qu'il est possible de
rendre un culte à une absente. " Elle part, je vais donc pouvoir l'aimer
" disait d’ailleurs un de mes amis, de son épouse ! Il va de soi que nous réalisons
parfaitement cette vérité mais qu'il est plus aisé de ne pas nous la dire…
Fort de cette funeste remarque, je vous engage donc, dès
aujourd'hui, à pratiquer l'amour
platonique ! Vous échapperez ainsi à nombre de frustrations et déceptions en
tout genre. L'incommodité du désir fera place à la commodité du regard et vous
pourrez même envisager avec sérénité de rentrer dans les ordres pour soutenir nos
paroisses qui ont tellement besoin de prêtres… C'est le Pape François qui va
être content !
Il est bien évident que je vous demanderai de ne pas
ébruiter cette information et de donner à ma causerie toute la confidentialité
qui s'impose… C'est à peine si j'en
informerai Pierre qui a, pour l'heure, d'autres chats à fouetter. Il semblerait
que notre libraire se soit, en effet, lancé dans une campagne électorale afin
d'acquérir, par les urnes, la notoriété et la reconnaissance qu'il n'a pas eues
dans sa carrière professionnelle. On ne sait que lui souhaiter…
Votre dévoué. Philippe Gandillet
BONNARD (Abel). Supplément à De l'amour de Stendhal. Paris,
éditions du Trianon, 1928. Un volume in-12. 4 gravures sur cuivre de Fernand
Siméon, bois de Paul Baudier. Reliure demi maroquin cerise, plats de papier
coloré, dos avec motifs dorés et noirs encadrés de filets dorés, lettres
dorées, gardes colorées. [3ff bl], [2ff
–titre], 129pp, [3ff justification], [3ff bl]. Exemplaire hors commerce sur
Vergé à la forme de Rives. Très belle reliure. Intérieur parfait. 110 € + port
1 commentaire:
Comment, Philippe Gandillet qui n'a jamais été marié, peut-il juger de l'amour conjugal ? Pierre
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