mardi 4 juin 2013

Qui est donc Mme Riccoboni ?


Oui, et tous les lecteurs de se poser cette même question : qui était donc Mme Ricobboni ? Les romans de Mme Riccoboni n'ont pas été réimprimés depuis longtemps ; certains diront même que l'on est pas sûr qu'ils aient été, un jour, imprimés... La génération actuelle, beaucoup trop dédaigneuse du passé, les connaît fort peu ou pas du tout tandis que d'autres ouvrages du même genre, très inférieurs à celui-ci, furent dotés d'un grand nombre d'éditions. Madame Riccoboni ( Marie-Jeanne Laboras de Mezières) naquit à Paris en 1715. Elle commença par être comédienne mais n'obtint qu'un succès d'estime. Elle épousa Antoine Riccoboni, auteur et acteur médiocre, fils de Louis Riccoboni, acteur comme lui et directeur de la comédie Italienne, auteur d'ouvrages inestimables ( on a démontré depuis que le talent n'était pas héréditaire…)


Femme de cœur et dotée d'une sensibilité très vive, elle ne rencontra dans son ménage que des ennuis et des tracas ( ce point, mentionné dans sa biographie, me chagrine toutefois d'autant que j'imagine que les rancoeurs qu'une femme a contre son époux influent de façon notoire sur sa capacité de jugement : elle rencontre un homme ; il n'a que des qualités – elle le quitte ; il n'a que des défauts… et l'on voudrait qu'elle n'en soit pas responsable ! ).


Les malheurs et les chagrins l'engagèrent dans la littérature et lui firent trouver sa vocation. Ses débuts furent heureux et lui assignèrent, dès 1758, une place très honorable parmi les romanciers de l'époque. Le succès du Marquis de Cressy et de Milady Catesby fut tel qu'on ne voulut pas l'admettre comme l'œuvre d'une débutante et ses premiers ouvrages furent contestés à cause de leur mérite même ( vous remarquerez comment, grâce à un raisonnement tordu, on arrive à manipuler les faits…).


Nous pourrions rapporter ici plusieurs éloges méritées comme celle de La Harpe dans son cours de littérature : Peu de femmes, peu d'hommes même, ont pensé avec autant de finesse et écrit avec autant d'esprit. Mme de Genlis a consacré quelques pages faciles mais peu expressives à Mme Riccoboni et commis des erreurs grossières dans sa biographie. Elle fit souvent de ces bévues et il faut se défier de son érudition. Elle juge d'ailleurs Mme Riccoboni avec une bienveillance qui ne lui est pas ordinaire  et qu'elle ne pratiquait constamment qu'envers elle-même (cette dernière remarque, trempée dans le venin, n'est pas de moi…)


Mme Ricobboni est morte dans la pauvreté, en 1792. Par ses talents, son caractère et sa bonté, elle méritait un sort plus heureux. En achetant ce modeste ouvrage, néanmoins présenté dans une fort honorable reliure, vous rendrez le plus bel hommage qui soit à l'auteure et vous lui garantirez enfin une notoriété (La notoriété, c’est lorsqu’on remarque votre présence, la célébrité, c’est lorsqu’on note votre absence…)  Pierre


RICCOBONI (Mme) – STAAL : Œuvres de Madame Riccoboni : Histoire du Marquis de Cressy. Lettres de la Comtesse de Sancerre. Histoire de deux jeunes amies. Histoire d'Ernestine. Lettres de My Lady Catesby. Histoire d'Aloïse de Livarot. Histoire d'Enguerrand. Paris, Garnier frères, 1865. Un volume grand in-8. Reliure demi-chagrin rouge, dos à nerfs et à caissons ornés, titre en lettres dorées, plats estampés, toutes tranches dorées, gardes moirées. 601 pages ornées de gravures, avec serpentes, sur acier d'après les dessins de G. Staal. Quelques taches claires sur les plats, rares rousseurs. Bon exemplaire. 35 € + port

11 commentaires:

Textor a dit…

Je ne sais si Mme Ricobboni est encore lisible aujourd'hui mais la donzelle a le teint frais et le décolleté plongeant, il n'est que mérité qu'elle sortisse de l'anonymat !
Textor

calamar a dit…

en son temps ses ouvrages étaient suffisamment réputés pour figurer parmi la sélection de romans publiés par Didot "par ordre du comte d'Artois". Bon, ce n'est peut-être pas une référence...

Pierre a dit…

Je ne sais si je vais la faire renaitre mais j'y aurais mis de la bonne volonté. Je vous préviens si je vends ce livre ;-)

Certains penseront qu'il faudra en attribuer le mérite à l'illustrateur... Pierre

Textor a dit…

J’ai relu l’Histoire d'Aloïse de Livarot. (un morceau de bravoure qu’il vaut mieux déguster avec un verre de Juliénas à la main.

Le style et les idées ne manquent pas d’audace. Nous sommes en 1786, Je vous lis un passage : « Comme on ignoroit l'accord secret du sire de Livarot & de la dame de Lieuvain , le deuil d'Aloïse ranima les desirs de la jeune noblesse du voisinage …» Vous imaginez la suite.

Ce livre va bien se vendre, la France a besoin de rêver.
Textor

Anonyme a dit…

Mais qu'est-ce que c'est que ce "sortisse" ? Attention Textor, on vous lit ! :-)

Jean-Michel

Pierre a dit…

En ayant sis ce "sortisse" et son subjonctif présent, vous auriez été, Jean-Michel, dans l'accord parfait... Pierre

pascalmarty a dit…

Dans le Paradoxe sur le comédien, Diderot fait justement référence à la Riccoboni pour démontrer que ce n'est pas la sensibilité qui fait le bon comédien : Eh bien, cette femme, une des plus sensibles que la nature ait formées, a été une des plus mauvaises actrices qui aient jamais paru sur scène. (…) Et pourquoi, avec la sensibilité exquise, la qualité principale, selon vous, du comédien, la Riccoboni est-elle si mauvaise ?

Pierre a dit…

Vous amenez de l'eau à mon moulin, Pascal, avec l’appuie de Diderot dont on ne peut discuter le jugement, merci ! Mme Riccoboni fut une bonne écrivaine, dans le genre de l'époque, bien évidemment.

Nous sommes bien d'accord sur le fait que le théâtre n'est que le décor charmant de la vie et que les sentiments qu'on y exprime nécessitent d'avoir un talent particulier de comédienne... Pierre

pascalmarty a dit…

Vous avez décidément une âme de prosélyte, Pierre. Mais vous ne me convaincrez pas plus sur le "théâtre, décor charmant" que sur les mérites du sabre et du goupillon (cf supra).

;-)

Pierre a dit…

Quelle mémoire ! Vous vous souveniez que nous n'étions pas d'accord sur nos visions respectives de l'art théâtral ? Vous êtes plus qu'un simple lecteur, Pascal ;-)) Pierre

Textor a dit…

Jocker ! je retire le « sortisse » ! Avec l’âge, la fréquentation assidue de Bécherel ne suffit plus !! :)