Trouver un serrurier qui se déplace a été difficile. Mr U***, professionnel à la retraite à Tarascon est passé mais ce brave homme, d'une honnêteté légendaire, n'a jamais pu ouvrir la porte en utilisant une méthode autorisée par la loi… J'aurais demandé à n'importe quel jeune d'une cité Marseillaise, il m'aurait fait ça en moins de deux minutes ;-)). C'est donc sous la pression amicale d'une barre à mine que le battant s'est ouvert, manœuvre d'autant plus facile que la porte n'était pas particulièrement ajustée !
C'est là que j'ai découvert, après démontage, que le modèle ancien de serrure qui fermait l'entrée était une serrure à pompe. Il s’agit d'une serrure tubulaire. Son principe fut découvert par les Égyptiens, les premiers à concevoir une serrure qui s’ouvrait à l’aide de goupilles en bois qui devaient être soulevées à une hauteur bien définie afin que la serrure s’ouvre. Cette serrure fut inventée par Joseph Bramah en 1784. Il s’agit d’une serrure où les crantages (en fait il s’agit d’ailettes) sont situés n’importe où, autour du barillet, et à n’importe quelle profondeur. C’est pour cela qu’on l’appelle "serrure de sécurité", bien qu’elle puisse être forcée avec un outil que l’on appelle " parapluie ". Mais ce jour là, il ne pleuvait pas…
J'ai bien évidemment remplacé l'ensemble par un modèle plus performant mais ce petit malheur a été, pour moi, l'occasion de chercher dans mes trésors si je n'avais pas un ouvrage qui puisse faire plaisir à un serrurier bibliophile… C'est une niche qu'il ne faut pas sous-estimer ;-))
Un brin d'histoire :
Dès qu’ils commencèrent à se sédentariser et à construire des habitations, les hommes cherchèrent à protéger leurs biens et à se prémunir contre les intrusions nocturnes. La première invention allant de ce sens fut le verrou. Il s’agit simplement d’un morceau de bois s’insérant dans la partie fixe du cadre de la porte, fixée au mur. Cependant, ce verrou ne pouvait être fermé que de l’intérieur. L’homme inventa alors un système permettant d’ouvrir et fermer le verrou grâce à une tige en fer s’introduisant dans un orifice : La première clé était née. La corporation des serruriers est vraisemblablement issue de celle des forgerons maréchaux comme celle des menuisiers est née de celle des charpentiers. Aussi loin que l'on remonte dans les témoignages de nos contemporains, dans nos campagnes, le forgeron du village est à la fois maréchal ferrant et serrurier.
La fête patronale du serrurier varie d'ailleurs selon les régions et les lieux. Tantôt, c'est la Saint Pierre, comme à Paris et dans les grandes villes ; ailleurs c'est la saint Eloi, fête des maréchaux. Un détail qui va vous amuser et éclairer une tradition qui perdure encore : Les maréchaux étaient réputés volontiers sorciers, tout au moins guérisseurs, et il n'y a pas encore si longtemps que le serruriers guérissaient ! Les douleurs rhumatismales traitées à l'aide de bagues en acier ou de demi-jonc étaient confectionnées par les serruriers…
L'ouvrage que je propose à la vente aujourd'hui est un album de serrurerie décorative de grand format édité au début du XXeme siècle. Vous serez comme moi conquis par le fait qu'un grand nombre de modèles sont des reproductions de pièces de serrurerie ancienne et que beaucoup de ces pièces bénéficient des recherches de l'art décoratif moderne. Un ouvrage de bibliophile ? Pierre
FONTAINE et CIE. Album de serrurerie décorative. Paris, Fontaine et compagnie, sans date (début XXème siècle). Format in-4 (340x270mm). Reliure en demi toile bleue, pièce de titre tabac et lettres dorées. 54 pages de texte et 530 pages de planches sur papier glacé. La mise en page du texte est un véritable exercice de style d'imitation XVIIIème siècle (police, fleurons...) rappelant la fondation de cette maison en 1740. On y raconte brièvement l'histoire de l'entreprise et on y dresse une typologie des serrures. Les pages de planches en noir présentent des milliers de modèles de crémones, serrures, heurtoirs, marteaux, reproductions médiévales, empire ou modernes, des serrures à coffres, à cadres, des anneaux de clefs, plaques de propreté, espagnolettes, coulisseaux et poussoirs, équerres... Chaque élément présenté est donné avec une référence et des dimensions. L'état intérieur est parfait, hormis quelques infimes tâches. La reliure présente de menus défauts. Ce catalogue est un véritable outil de travail. 170 € + port
18 commentaires:
Ces ouvrages scientifico-industriels ont souvent un côté fascinant. J'ai longtemps gardé un catalogue de la firme Babcock & Wilcox (chaudières et machines à vapeur) de la fin du XIXe. Les illustrations, des gravures sur cuivre, je suppose, lui donnaient un petit côté juleverno-hetzlélien très savoureux.
Mais sinon, que lis-je ?! Un libraire d'anciens qui nous parle de police pour désigner des caractères ! Oooh !… (Mais bon, il n'y a pas si longtemps que je fais moi-même la différence et j'ai le zèle du converti.) : D
Pascal, Il s'agit de police d'écriture, bien sûr ;-)) Un jour, je l'aurai...Un jour, je l'aurai...
Ce catalogue est particulièrement beau, vous l'avez noté. Tous ne sont pas présentés de cette même façon et c'est en cela que l'on peut dire qu'il est parfait pour un serrurier bibliophile. Pierre
Je ne pense pas que ce soit la serrure de votre domicile qu'il ait fallu défoncer à coup de barre à mine ! Une serrure à pompe ! serait-ce "rue du Château" ? ça irait bien avec le décor...
Ben, c'est bien c'que j'disais… une police d'écriture, ça n'existe que dans le Petit Robert (sans indication de date) et dans le langage de l'utilisateur lambda d'un ordinateur.
Allez, un peu d'histoire. Au temps, pas si lointain, du plomb, on composait avec des lettres, qui étaient toutes du même caractère, un Grandjean, par exemple, à l'Imprimerie nationale (royale plutôt, à l'époque) et disponibles dans différents corps, en romain et en ital (il n'était pas alors question de différentes graisses). Quand l'imprimeur avait bousillé toutes ses lettres, il commandait une nouvelle fonte à un fondeur, qui lui faisait parvenir son bien (tout un tas de petites lettres en plomb) dans des petits cornets en papier, lesquels étaient accompagnés d'une police, laquelle listait le détail de la fonte : 750 A, 500 B, etc.
J'ignore quand l'abus de langage est passé dans le public, et je déplore (enfin, pas au point de m'en faire péter quelque chose quand même, hein) que les relieurs par exemple n'en abusent, mais je défie bien quiconque d'écrire ou d'imprimer quoi que ce soit avec une police de caractère (sans s, du coup).
En somme, pour un amateur de livres, a fortiori anciens, police devrait être à bannir au profit de caractère, ou éventuellement de fonte, qui est le terme imposé par l'informatique, sous influence de l'anglais, et n'est d'ailleurs pas incohérent.
Bon. C'était mon petit quart d'heure « un peu de snobisme n'a jamais fait de mal à personne »… : D
Et bien moi, je dis que cette information est pertinente et l'argumentation très bien étayée ! J'emploierai donc caractère d'écriture comme il se doit.
Comme vous, Pascal, j'accepte que notre langue soit vivante, donc qu'elle s'enrichisse de nouveaux mots. Mais ce n'est pas une raison pour les employer à contre-sens ou les employer en remplacement d'un mot qui existe déjà. Donc, merci ;-)) Pierre
Gagné Nadia ! Serrure du 22 Rue du château.
A toute chose, malheur est bon. Je n'avais que deux clefs pour cette serrure et aucun artisan n'était capable de me faire des clefs à l'identique.
La nouvelle serrure est livrée avec 6 clefs. Pas belles mais six. Pierre
Le paradis sera bien cadenassé, alors...
Je crois que bien avant de chercher à protéger leurs biens, bien avant de se sédentariser, les hommes, éleveurs avant tout, ont pu inventer les premiers systèmes de fermeture pour empêcher les animaux de fuir hors de leurs enclos ou protéger ces mêmes animaux des prédateurs qui voudraient bien entrer. A cet effet ils ont créé le système de la chevillette à tirer pour faire choir la bobinette, système encore bien présent sur les portes des granges de France et sans doute d'ailleurs également. Quelques uns, trop paresseux ou trop occupés pour tailler ces chevillettes, lui préfèrent la poignée de clenche montée à l'envers et qui ouvre la porte en tirant vers le haut, ce qu'aucune patte d'animal ne sait faire.
Bien après, avec l'apparition des voisins, fut créée la clef, très utile dans le cou pour soigner le hoquet.
Et pourquoi un "F" à clef ? Hormis la forme qui rappelle l'objet, je ne vois pas. Jean-Michel ou Pascal savent peut-être... Pierre
J'ai trouvé ça sur un site "pourquoi.com"...
"L'explication au ''f'' final de clef est simple : le mot ''clé'' est issu du latin ''clavis'', on peut facilement expliquer le ''f'' par des raisons phonétiques.
Sans rentrer dans les détails, la syllabe finale chute lors de l'évolution du latin vers l'ancien français, le ''a'' tonique s'affaiblit en ''e'' tonique et le ''v'' alors en finale absolue du mot devient son équivalent sourd : le'' f''. D'où clef.
En français moderne, on utilise plus volontiers l'orthographe clé, moins archaïsante."
Je sais pas si c'est une bêtise ou pas, donc je laisse les spécialistes qui, eux, n'ont pas besoin d'aller sur le net pour savoir, nous confirmer cette version !
Bon dimanche à tous...
Perso, je suis pas un spécialiste, je suis juste curieux. La présence du f se justifie certainement de la façon dont l'a expliqué Nadia. Maintenant, en farfouillant un peu dans le Dictionnaire historique de l'orthographe française, on trouve (à bailli, d'abord écrit baillif) qu'une consonne finale ne se prononce plus, dès l'ancien français, quand elle est suivie d'un s –au pluriel, donc). Au départ (enfin, il y a longtemps), on disait donc une cleffe, des clés (enfin, en simplifiant, hein, car autant que je sache les finales se prononçaient et ce serait plutôt uneu cleff et dez cléz… mais des plus savants que moi seraient les bienvenus). Le résultat actuel est donc imputable à la bourre que se tirent depuis toujours orthographe et prononciation, sujet que j'adore car, au-delà des livres, on est en plein dans le vivant.
Je crois comprendre : Une clev, des clevs [clé], le "V" se transformant en "F" pour des raisons phonétiques. Et le "F" disparait pour inutilité publique. C'est ça ?
Pour ce qui est du bailli, une petite remarque... En Provence, on dit le Bailli de Suffren [ain] et à Paris (sauf la Navale) Bailli de Suffren [aine]. Pierre
En fait, tout ça obéit à un certain nombre de règles qui pourraient s'apparenter à des réactions chimiques tant elles sont régulières. Les gens qui s'occupent de phonétique historique sont parvenus à les mettre en évidence et, à défaut évidemment d'être vraiment d'accord sur tout, ont quand même une bonne idée du truc. Sans aborder des choses un peu touffues, un bouquin comme Le français dans tous les sens d'Henriette Walter permet déjà de se faire une bonne idée de cette évolution.
Mais c'est vrai que, outre les infinies variations régionales, il y a au moins une constatation qui saute aux yeux, c'est la façon dont orthographe et prononciation n'ont jamais cessé de se courir après. Et le plus drôle c'est que, alors que l'on nous rebat les oreilles avec le manque de maîtrise orthographique de nos contemporains (à juste titre sans doute, mais le fait est que ce n'était pas mieux avant : il y avait juste moins de monde pour écrire), c'est souvent l'orthographe qui a le dernier mot. Qui prononcerait encore aujourd'hui donteur pour dompteur et combien pour prononcer « correctement » arguer ?
Fichtre!
comment de la serrure, on arrive à la clé en passant par la police en fonte ou en plomb... Une histoire de métaux et d'orthographe, on voit bien le progrés réalisé par l'homme quand il passa de l'age de Pierre à l'age des métaux...
;-))
bien à vous
Sandrine
L'âge de Pierre ? n'en parlez pas Sandrine, nous touchons à la préhistoire !
(je vais aller à confesse, appellez moi le Père Michel d'urgence)
Et imaginez-vous, chère Sandrine, que tout en tenant ces propos métallico-orthographiques, je suis en train de relier un Shakespeare. Comme quoi il n'y a jamais rien d'incompatible… / D
Ces propos sur la langue française m'enchantent ! Où l'on constate que la bibliophilie, le commerce des livres et la connaissance de la littérature ancienne et moderne ont comme point commun un véritable attrait pour les mots et les facéties du langage. Pierre (entre deux âges mais on ne dira pas lesquels...)
Avec un peu de retard, certes mais je suis tout à fait d'accord avec vous; les faceties de langage... un régal. Shakespeare... un grand classique.
Pierre, l'age c'est une vue de l'esprit...
Sinon, on ne s'en sort plus dans cette société verrouillée...
Bien à vous
Sandrine
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