Comme souvent le samedi soir, Pierre me laisse les clefs de sa librairie pour que je puisse y assurer une permanence le lundi. Il compte aussi sur ma petite causerie pour élever le niveau de ses billets qui sont souvent inconsistants… Comme je le félicitais de la présence de jeunes femmes charmantes dans sa boutique, constat envié par quelques lecteurs lubriques, il me posa cette question qui me laissa interdit :
" Et vous, maître, pourquoi ne vous êtes vous jamais marié ? "
Sans attendre ma réponse, il tourna les talons. Ce garçon n'a vraiment aucune éducation ! Je vais, néanmoins, essayer, d'en expliquer les raisons. Je ne peux plus rien pour certains lecteurs unis par les liens du mariage mais pour les autres…
Il faut savoir que les femmes sont d'un naturel plus gai et plus enjoué que les hommes ; je ne saurais d'ailleurs déterminer si cela leur vient de ce que leur esprit est plus léger… Quoiqu'il en soit, la vivacité est le don des femmes et la gravité est le propre de l'homme. J'admets que l'on puisse se méfier de ce penchant de la nature afin qu'il ne nous domine pas trop et qu'il y a autant d'excès chez l'homme à présenter de la rigueur et de la sévérité que chez la femme à mettre en valeur sa frivolité. Lorsqu'on observe pas ces précautions, l'homme dégénère en cynique et la femme en coquette ; l'homme devient lugubre et la femme impertinente. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis ni cynique ni lugubre !
Nous pouvons conclure de ceci que l'homme et la femme ont été crées pour servir de contrepoids l'un à l'autre afin que les peines et les fatigues du mari puissent être adoucies par la bonne humeur de la femme. Lorsque ces choses sont réunies, la vigilance et la gaieté se donnent alors la main et la famille, comme un vaisseau paisible, qui ne manque ni de gouvernail ni de voile, peut affronter sans craintes les turbulences de l'existence à deux…
Ce doux voyage peut nécessiter, néanmoins, quelques escales si la nature a décidé d'adjoindre à nos tourtereaux une couvée abondante. Il en résultera que comme le mari et la femme sont unis pour la vie et que le gros du fardeau repose sur le premier, la femme devra donner à son époux des marques d'attachement, des manières flatteuses et obligeantes qui doivent animer ce dernier à travailler avec ardeur pour entretenir son foyer et éduquer ses enfants… Vous me suivez toujours ?
Eh bien, je dis, qu'à notre époque, les femmes préfèrent les hommes d'humeur badine et volage que les hommes de bon sens de ma trempe ! Lorsque vous voyez un beau parleur qui pérore dans les salons mondains, qui parle à haute voix, à tort et à travers, qui est d'une gaieté insipide et qui éclate de rire à tout bout de champs, vous pouvez être sûr que ce sera le favori des dames de cette assemblée… Quoi que je puisse l'infirmer par bravade, les seules fois où j'ai pu séduire une charmante jeune femme lors d'un dîner, c'est qu'on l'avait assise d'autorité à côté de moi pendant le repas, et que ne pouvant s'échapper, c'est contrainte et forcée qu'elle a cédé à mes avances et au bon sens de mes arguments.
C'est pourquoi, je ne me suis jamais marié !
Le bruit, les manières empressées et l'absence de vertus morales sont des choses auxquelles les femmes ne résistent pas. En un mot, la passion d'une femme pour un homme n'est autre chose que de l'amour propre tourné vers un partenaire à son image. A l'opposé de ça, j'aurais été un mari prudent et fidèle, un exemple de fiabilité et de mesure, un bon amant, quand même… Je ne suis malheureusement pas un beau parleur, vous le savez (sic) et c'est dans le dénuement le plus total, dans la plus profonde solitude que je terminerai mon existence sans jamais avoir été le précepteur éclairé d'un enfant… Mon clavier est inondé par les larmes. Je préfère casser maintenant sous les sanglots du public. Je vous propose un ouvrage choisi sur les rayonnages de la librairie. J'ai pris bien soin que mes pleurs n'aient pas taché les pages... Votre dévoué. Philippe Gandillet
VALTINE (Marie Alix de). Belle et Bonne. Histoire d'une grande fillette. Paris, Maurice Dreyfous éditeur. Petit in-4. Reliure percaline verte illustrée aux coins biseautés, dos illustré et pièce de titre en lettres dorées, dernier plat estampé aux chiffres de l'éditeur, toutes tranches dorées. Illustrations de Janel, 296pp. Bel état. 48 € + port
13 commentaires:
J'ai pleuré en lisant la causerie de Ph Gandillet. Pierre
Moi, j'ai ri...
J'attends Sandrine !
Je reviens ce soir...
J'éviterai tout commentaire sur le sujet... mais je n'en pense pas moins...
B.
On sent bien que le terrain est miné ;-))
bonsoir, Ah! mais non, là, je rêve les yeux ouverts...
Qu'est ce que c'est que ces élucubrations du Dimanche... qui soit dit en passant, m'ont bien fait rire, Nadia.
Imaginer ces messieurs au charme poussif, en train de draguer leur voisine de table pour , uniquement se redorer leur blason et leur ego déjà, surdimmensionné... pendant que cette gentille femme, écope, toute seule et avec un courage rare le bateau en train de sombrer, et qu'elle soupire d'envie à ce que la crise d'alolescence attardée de son mari finisse... tout en regardant du coin de l'oeil cet homme qui voudrait bien que ces quelques greluches lui fichent la paix, et qui avec un regard énamouré de merlan frit qui lui est destiné à elle, incorruptible, se dit que la vie est décidement mal faite...
Un joyeux bazar, je vous le dit, moi, un joyeux bazar dans cette cuisine avec une nappe à carreaux par dessus le marché!! Un petit coup de Jaja et alors, là, c'est la cuisine entiére qui prend l'eau...
j'attends votre réponse...
Bien à vous
sandrine
Je dirai même mieux vive la vie de couple, quand elle laisse de l'espace, dans une tendre confiance respectueuse; relisez Gibran.... le temple de l'amour, vos enfants ne sont pas vos enfants... cela vous fera un bien fou.
Bien à vous.
sandrine
Alors Almitra reprit la parole: Et le Mariage, maître?
Il répondit:
Vous êtes nés ensemble et le resterez pour l'éternité.
Vous serez ensemble quand les ailes blanches de la mort disperseront vos jours.
oui, vous serez ensemble même dans le souvenir silencieux de Dieu. Mais qu'il y ait de l'espace dans votre union.
Que dansent les vents celestes entre vous.
Aimez-vous, mais sans faire de l'amour une chaîne: Qu'il soit plutôt une mer mobile entre les rives de vos âmes.
Remplissez la coupe de l'autre, mais sans boire à une seule.
Echangez vos pains, mais ne mangez pas du même;
Chantez, dansez ensemble, soyez heureux, mais donnez vous de la solitude,
Comme les cordes du luth la connaissent, bien qu'elles frémissent sur la même musique.
confiez vos coeurs, mais pas l'un à l'autre.
Car la main de la Vie peut seule les nefermer.
Dressez vous ensemble, mais pas trop prés,
Car les piliers du temple sont séparés.
Et le chêne comme le cyprès ne croissent pas à l'ombre l'un de l'autre.
extrait du prophéte de khalil gibran
Dormez bien
:)
Sandrine
Bon ben tout est dit là, non ?
Monsieur gibran est un as de la métaphore et de l'oxymoron approximatif. Je dis ça car j'ai trouvé mon maître... C'est vrai que sur le principe, il est bénéfique de vivre à deux.
Ne trouvez-vous pas que le premier plat de l'ouvrage à la vente est magnifique ? Ph Gandillet
Si, vous avez raison. ce livre est en parfait état, la dorure est fraiche et les couleurs sont intactes. pour un amoureux des percalines, c'est un exemplaire parfait... le visage poupin, belle et bonne... à ne pas sortir de leur contexte sous peine de se voir anéanti par Sandrine bientôt.
Mouais, la vie en couple permet surtout de résoudre à deux des problèmes qu'on ne se serait même pas posés si on avait été tout seul !
signé : le lecteur lubrique dont il est question dans le billet et qui préfère garder l'anonymat.
X
Cher X,
Je respecte votre anonymat. C'est néanmoins toujours avec un grand plaisir que j'accueille vos commentaires éclairés ;-))
Amicalement. Pierre
A ma grande surprise, je suis d'accord avec X, de plus en plus...ou de loin en loin.
Sandrine
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