Une méchante grippe me cloue au lit depuis deux jours. Pierre tiendra donc exceptionnellement la boutique ce lundi. Il m'a fait porter un petit ouvrage emprunté à son curé et ami, le Père Michel et a glissé un petit mot entre le contre-plat et la page de garde du livre à mon intention. Je vous le livre sans pudeur.
Cher ami et néanmoins Philippe,
On me prévient que vous êtes malade. Je ne connais pas la gravité de votre affection mais je vous rappelle que la renommée de ma librairie repose maintenant en partie sur vos épaules. Je verrais subséquemment comme un don du ciel que vous vous rétablissiez au plus vite et j'ai fait pour cela quelques prières en notre collégiale Sainte Marthe, ce matin. J'espère être entendu d'en haut. Le père Michel aurait aimé passer quelques temps à votre chevet mais, le lundi matin, il est occupé à la paroisse. Il me dit que, selon votre état et en se referant à l'ouvrage qu'il vous confie, vous devriez déterminer vous-même si sa présence est urgente ou pas. En cas de symptômes alarmants, il me prie de vous demander de commencer les sacrements sans lui et de l'appeler sur son portable. J'ai feuilleté ce petit recueil. C'est une vraie curiosité ! Vous ne trouvez pas ? Pierre.
PS : En cas d'obsèques nationales, vous pouvez évidemment compter sur moi...
La douce amabilité de Pierre pour ma personne me touche. Voyons donc, entre deux quintes de toux grasse et expectorante de quoi retourne cet ouvrage […laissons, chers lecteurs, passez un moment de silence, propice à la méditation…] Le livre est, en fait, un recueil de sémiologie à l'attention des prêtres. Chaque affection est brièvement décrite dans sa phase finale et permet au bon père d'accélérer ou non la procédure de sacrement du malade. Pour ceux qui ne sont pas encore morts, j'en rappelle le déroulement…
L'extrême-onction, nom donné autrefois au sacrement du malade, est proposée aux personnes qui, en raison de la maladie, voient leurs forces diminuer. La célébration consiste en une onction d'huile sur le front et en l'imposition des mains. Ce sacrement nous permet de recevoir le pardon de nos péchés et d'apaiser nos frayeurs face à la mort. Vous savez, peut-être, que ce sacrement ne peut être reçu qu'une seule fois dans la même maladie donc vous comprendrez que le prêtre ne doit pas trop tergiverser…
La particularité de cet ouvrage résulte du fait que, le prêtre n'ayant pas acquis de connaissance médicale pendant le séminaire, cet ouvrage lui donnera, grâce à quelques observations simples, un résultat en nombre de croix – on ne se refait pas - qui lui permettra ou non d'entreprendre une procédure d'urgence. Dominus opem ferat illi super lectum doloris ejus (Le Seigneur portera secours au malade sur son lit de douleur).
Je vous donne quelques exemples pour vous faire sourire alors que je souffre le martyr à chaque quinte de toux… Quelle conscience professionnelle !
La respiration difficile la nuit annonce l'hydropisie de la poitrine qui est mortelle. + +
Les frissons qui ne sont pas suivis de chaleur sont mauvais. +
L'éternuement trop fréquent est suspect. +
Le catarrhe opiniâtre dans les vieillards est dangereux. +
La céphalalgie avec des tintements d'oreille est un signe dangereux. +
Les frissons qui ne sont pas suivis de chaleur sont mauvais. +
L'éternuement trop fréquent est suspect. +
Le catarrhe opiniâtre dans les vieillards est dangereux. +
La céphalalgie avec des tintements d'oreille est un signe dangereux. +
Avec un total de 6 croix, je dois avouer que je n'en mène pas large…
La fin de l'ouvrage rappelle le rituel de la célébration. Cet ouvrage a donc un double intérêt pratique, primo en éclairant le prêtre sur la santé de ses paroissiens et secundo, en lui permettant d'être fidèle au protocole établi pour le sacrement. Le format de l'ouvrage est d'ailleurs adapté aux poches de la soutane…
Vous me direz, qu'aujourd'hui, on appelle plus facilement le médecin que le prêtre quand on est malade ! C'est vrai, et je vous en donne la meilleure des preuves : Si vous faites le numéro des urgences, vous ne tombez jamais sur le presbytère ! Votre dévoué et momentanément catarrhal. Philippe Gandillet
7 commentaires:
Philippe nous vous souhaitons un prompt rétablissement.
Préparez tout de même votre propre épitaphe, pour la cérémonie au Panthéon, au cas où, comme l'avait fait le baron de Selles, qui lui, n'y entra pas:
"Dieu fit Selles, - Dieu défit Selles, - Et aux vers mit Selles."
Textor
Je travaille pour l'instant à ma dernière phrase immortelle... J'avais pensé à :
Il est temps maintenant de dire le mot de la fin
En faisant si possible un bel alexandrin.
C'est ma dernière réplique et j'en suis bien content
Car je m'en vais partir dans l'infini du temps...
Alors ? Vous en pensez quoi ? Ph Gandillet
Moi j'en pense que Pierre est bien vite prêt à vous enterrer ! je cite :
"PS : En cas d'obsèques nationales, vous pouvez évidemment compter sur moi..."
J'ai ouï dire qu'il projetait de remplacer Mr Gandillet par une secrétaire poitrinaire (mais en bonne santé), c'est la raison pour laquelle j'ai dû décliner son offre d'emploi.
Que diable ! on ne meurt pas d'une grippe, ni d'un catarrhe, a fortiori quand on a le Père Michel sous la main (a-t-il résolu son problème de croquettes ?), mais je me demande s'il est bon pour le moral des malades de voir débouler à leur chevet un représentant de Dieu... à moins qu'on ne veuille précipiter leur fin.
Il y a des services de médecine qui sont plus déprimants qu'une visite presbytérale... Bon, Alors ? Ma dernière phrase immortelle ? Elle restera dans l'histoire ?
Je commence à attaquer, dès ce soir, mon épitaphe. Je cherche quelque chose de léger ;-))
Une dernière précision. L'ouvrage n'est pas à vendre et je vais essayer de le subtiliser à son propriétaire. Ph Gandillet
Trouvé !
Je vais beaucoup me manquer...
Ph Gandillet
Bravo ! Vous etes en forme. Pardon, je voulais dire, les antibiotiques font de l'effet.
Moi, comme épitaphe, je choisirais :" Je n'étais pas une lumière, mais j'ai pourtant réussi à m'éteindre."
Textor
Une information très intéressante que vient de me communiquer le Père Michel :
Le terme d' d'Extrême onction qui a d'ailleurs été remplacé par le terme Sacrement des malades n'a pas pour origine une onction "extrême" qu'on donnerait à l'extrémité de la vie. (D'où l'idée que voir débouler un prêtre quand on est malade ne donne pas le moral...)
En fait il s'agit du dernier des sacrements à "onction" ( avec le baptême, la confirmation et le sacrement des prêtres). D'où le nom d'Extrême onction !!
Merci Père Michel pour cette précision. Pierre
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