Henri de Régnier (1864 - 1936), poète et écrivain, a écrit de très beaux textes sur Venise. " Ainsi rassurez-vous. Je ne vous vanterai pas le charme mystérieux de la Cité incomparable ; je ne m'exalterai pas sur la beauté lumineuse de la lagune, sur la complexité dédalienne des canaux, sur le pittoresque inextricable des « calli » ; je vous ferai grâce des gondoles et je ne les comparerai ni à des cygnes noirs, à la façon des romantiques, ni à des quartiers de lunes funèbres, à la manière des décadents ; je ne vous ferai pas remarquer l'élégance tout égyptienne de leur fer de proue dentelé qui fait songer à l'épervier sacré qui s'éployait au front de la reine Cléopâtre, ni les rapports que l'on peut découvrir entre la batte d'Arlequin et la rame du barcarol.
De même, je vous épargnerai la visite des musées et des églises et les dissertations sur l'architecture des façades dont s'enorgueillissent les principaux palais ; (...) Venise est vivante d'un prestige qui nous capte en son sortilège. Il nous met aux épaules la baûta de satin noir et au visage le masque de carton blanc. Qui ne s'est imaginé participer à son Carnaval et y poursuivre des aventures à la Casanova et à la Gozzi ?
Qui ne s'est vu, en pensée, pénétrant dans les salles du Ridotto et poussant des sequins d'or sur la table de pharaon? Venise se prête merveilleusement à ce besoin de vies imaginaires qui est en nous."
Ses contes vénitiens sont une immersion intime dans la véritable Venise, dans celle du cœur et des poètes. Le lieu préféré d'Henri de Régnier à Venise était l'Altana de la Ca' Dario dans le Dorsoduro d'où il admirait la cité des Doges... Ses amis l'appelaient “Stick” car il se promenait toujours avec une canne à pommeau, très distingué et presque distant. Comme il le disait lui-même, il ne cherchait pas à se faire de relations à Venise où il vivait essentiellement en solitaire, loin des hommes mais si proche de Venise.
Cet homme apparemment froid et distant était en fait quelqu'un de très sensible, de très humain - on dit toujours ça des snobs... Son regard sur Venise est l'un des plus beaux que nous ayons lus. Dommage que la plupart de ses textes ne soient plus disponibles en librairie.... Heureusement, vous pouvez, pour une somme raisonnable, vous procurer ses œuvres chez des libraires d'ouvrages anciens.
Les bibliophiles qui sont
exigeants sur l'édition, la qualité du papier, le talent de l'illustrateur et
la rareté de la publication préféreront, à n'en pas douter, l'exemplaire que je
leur propose. Et ils auront bien raison ! Pierre
Contes Vénitiens. Avec une préface inédite de l'auteur et douze
aquarelles et des vignettes de Charles Martin. Paris,
Société d'édition "Le Livre", Emile Chamotin, 1927. Un volume petit
In 4, non coupé. 241 pp. Edition à 500 exemplaires numérotés, celui-ci sur vélin
d'Arches. 230 € + port
2 commentaires:
Emile Chamontin est un petit éditeur, qui a fait de bien belles choses...
Malheureusement noyé dans la masse des éditeurs de luxe de l'entre-deux-guerres. On retiendra Blaizot, Briffaut, Delteil, Jonquières, Kieffer, Kra, Lapina, Mornay, Saint'Andréa... mais les autres ?
Pierre
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