jeudi 13 novembre 2014

Le Mariage du ciel et de l'enfer de William Blake. Première édition française.


"Le Bien est le passif qui obéit à la raison : le Mal, l’élément actif qui jaillit de l’Énergie. Le Bien est le Ciel  ; le Mal, l’Enfer."


L’âme et le Corps ne sont pas pour William Blake deux entités distinctes. Le poète proclame au contraire l'unité humaine, et un nouvel ordre moral dans lequel le vice et la vertu ne feraient qu’un. D’où ce titre ingénieux, Le Mariage du Ciel et de l’Enfer. Mêlant prose et poésie, humour et cynisme, il en vient à écrire une véritable apologie du Mal, à l’encontre des opinions de son époque qui encensait la Raison. Quand il évoque Jésus, c'est pour montrer les manquements du Sauveur aux dix commandements. Moderne tant par ses idées que par son style hybride, William Blake se détache ici des conceptions religieuses en vogue avant 1789...


Si l'on en croit une notice pompée sur Ebay (il y a effectivement du bon dans le mal - et inversement…), quand William Blake commence à écrire ce brulot au style lapidaire, celui des Proverbes de l'Enfer, il est âgé de quarante-trois ans et il met trois ans pour achever cet ouvrage dans "un élan d'enthousiasme orgiaque, probablement unique dans la littérature anglaise jusqu'à nos
jours".


Pour Jean Rousselot, « William Blake a donné plus libre cours que partout ailleurs à sa frénésie destructrice. Aucune valeur qui n'y soit jetée bas, ridiculisée, mise en poudre. »: « C'est avec les pierres de la Loi qu'on a bâti les prisons et avec les briques de la religion, les bordels. »
Pour Gide qui traduisit et reconnut Blake dès le début du XXème siècle, « l'astre Blake étincelle dans cette reculée région où brille l'astre Lautréamont ». Si la traduction de Gide est bien connue aujourd'hui, l'auteur de l'Immoraliste en reconnut, dès 1922, la paternité à Charles Grolleau : "M. Charles Grolleau avait déjà donné en 1900 une traduction du Marriage of Heaven and Hell, précédée d’une remarquable préface.".


L'ouvrage fut en effet édité, probablement à petit nombre et pour la première fois, par Lucien Chamuel (1867/1936), mystique et "évêque" de l'ordre Martiniste. Il fonda, avec Papus, la Librairie du Merveilleux, installée rue de Trévise, puis de 1894 à 1898, rue de Savoie. Cette librairie était alors le lieu de réunion de "tout esprit attiré par le monde occulte". Sa maison d'édition témoigna de ce projet, et son catalogue proposait ouvrages de spiritisme et d'occultisme (voir photo) et publiait les auteurs symbolistes comme Villiers de l'Ile-Adam.


La présente édition est ici illustrée de quelques curieuses vignettes, anonymes, mais bien dans la veine ésotérique. Elle est bien complète de l'introduction par Charles Grolleau, ami de Huysmans et de Verlaine, traducteur intelligent et lettré subtil, qui occupe la moitié de l'ouvrage. L'ouvrage est truffé de deux ex-libris. Le premier manuscrit semble être celui du premier propriétaire (de Brizart ?), le deuxième est une étiquette avec cote de P De Riencourt. Ouvrage curieux... Pierre


BLAKE, William. Le Mariage du ciel et de l'enfer. Traduction française avec introduction par Charles Grolleau.  Lucien Chamuel  ; Librairie spiritualiste et morale, Paris, 1900. Première édition française de "Marriage of Heaven and Hell" (1790).  Un volume in-8 broché. 53pp, illustrations en noir et blanc, portrait frontispice. 2 ex-libris. Défauts d'usure, dos anciennement solidifié, quelques points d'exclamation - en marge - au crayon de papier. 85 € + port

1 commentaire:

Pierre a dit…

Article inspiré par la journée de la gentillesse qui est fêtée aujourd'hui... Et si le vice et la vertu ne faisaient qu'un ? Pierre