Il arrivait, qu'au 18eme siècle, les écrivains, excédés par l'importance des contrefaçons, authentifiaient leurs ouvrages en mettant une signature autographe au bas de la dernière page de leur œuvre. J'en veux pour preuve qu'au moins deux exemplaires du livre que je propose aujourd'hui à la vente ont été signés de la main de l'auteur au même endroit. Un exemplaire en maroquin a été localisé en 1929 dans une SVV (ou est-il maintenant ?) et j'ai l'autre… [on m'indique que les ouvrages posthumes ne peuvent être signées de leur auteur. Je le concède et rougis de honte d'avoir cautionné une telle ânerie !]
Le Chevalier de Saint Gilles, homme de lettres, sous-brigadier
de la première compagnie des Mousquetaires du Roi Louis XIV, écrivit plusieurs
fables en rondeau parmi lesquelles se trouvent des fables, dont les sujets
furent traités à la même époque par La Fontaine ; chacun d'entre eux
s'inspirant de Esope, il faut le rappeler. Ses biographes disent de lui que Saint Gilles se retira dans un couvent de capucins et renonça au
monde à la fin de sa vie. Il sera donc heureux d'apprendre, qu'aujourd'hui,
le monde le lui rend bien. Il n'est, cependant, pas téméraire d'encourager sa
réhabilitation !
Imitateur de La Fontaine dans deux jolis contes en vers,
ses écrits ont la forme, alors à la mode, du Mercure galant. Ceux-ci, rédigés partie en prose, partie en
vers se terminent parfois, selon l'usage de l'époque, par une énigme. On lui
doit aussi quelques épigrammes gouteuses…
A Pontoise, Dom Guichot
Fut voir une Carmelite :
Il en sortit tout devot.
Mais Satan, sans dire mot,
Le mena chez Marguerite :
Il en sortit Huguenot...
Fut voir une Carmelite :
Il en sortit tout devot.
Mais Satan, sans dire mot,
Le mena chez Marguerite :
Il en sortit Huguenot...
Et puisqu'on le compare à La Fontaine, voici donc sa
version de la Cigale et la Fourmi…
La Cigale et la Fourmi.
Le temps n'est plus de la belle saison :
L'hiver approche, et neige à gros flocon
Tombe du ciel. Cigale verdelette
Ne ebante plus; autre soin l'inquiète :
C'est de dîner dont il est question.
Mais où dîner? Car de provision
Il n'en est point : point de précaution !
D'aller aux champs sucer la tendre berbelle
Il n'est plus temps.
Elle va droit à l'habitation
De la fourmi; belle réception,
Mais rien de plus : il faut faire diète.
Quand on est vieux, c'est trop tard qu'on regrette
Les jours perdus, et de faire moisson Il n'est plus temps.
Le temps n'est plus de la belle saison :
L'hiver approche, et neige à gros flocon
Tombe du ciel. Cigale verdelette
Ne ebante plus; autre soin l'inquiète :
C'est de dîner dont il est question.
Mais où dîner? Car de provision
Il n'en est point : point de précaution !
D'aller aux champs sucer la tendre berbelle
Il n'est plus temps.
Elle va droit à l'habitation
De la fourmi; belle réception,
Mais rien de plus : il faut faire diète.
Quand on est vieux, c'est trop tard qu'on regrette
Les jours perdus, et de faire moisson Il n'est plus temps.
L'ouvrage que je présente ici a été pieusement réuni et
publié, après la mort de l'auteur - qui ne fit rien imprimer de son vivant -
par son frère aîné, lieutenant de cavalerie au régiment de Bissy [c'est lui qui a signé l'ouvrage en fin de texte]. C'est un
volume au format in-12 dont la particularité est que l'approbation fut signée
de Fontenelle. On ne pouvait espérer meilleur censeur… Il a pour titre : La
muse mousquetaire, œuvres posthumes de M. le Chevalier de Saint-Gilles. Nul
doute que cette dixième muse ne soit celle qui le sorte de l'oubli ! Pierre
La Muse mousquetaire. Œuvres posthumes de M. le chevalier de
Saint-Gilles. Paris, G. de Luynes, A. Hebert, Vve F.
Mauger, Vve J. Charpentier, 1709. 1 vol. in-12. Reliure plein veau, dos à nerfs,
caisson fleuronnés, pièce de titre maroquin cerise. [2 ff - page de titre], 280
pp, [2 ff - table], [1 f bl]. Edition originale. Sa Muse mousquetaire est un
recueil de fables, contes, chansons et poésies légères, entrecoupées de lettres
en prose qui sont des pastiches du Mercure galant. Notre exemplaire porte la
signature autographe de Saint Gilles (le frère) au
bas du dernier feuillet de texte. Restauration de coiffes, coins usés,
intérieur frais. Bon état d'ensemble. 155 € + port
6 commentaires:
J'ai dû probablement lire trop vite cette présentation pour la comprendre pleinement, car une interrogation me demeure : Comment l'auteur a-t-il pu apposer sa signature sur un ouvrage posthume ?
Jean-Michel
Bien vu Jean-Michel ! Il m'arrive de manquer de bon sens... Cette mention qui est portée sur un ouvrage équivalent, catalogué depuis longtemps, ne correspond pas avec les biographies proposées. La faute peut-être au frère qui taquinait lui aussi la muse... Je relis la préface qui va m'aider à me faire mon propre jugement ;-)) Pierre
C'est bien ça ! Une fois mort, on ne vient plus authentifier ses œuvres... C'est dommage. Par contre, le grand frère, c'est très probable !
Jean-Michel, je suis votre débiteur. Pour cette raison, vous bénéficiez d'un escompte de 10% négociable sur l'ensemble des ouvrages que je propose à la vente et vous avez le droit de vous foutre de ma gueule pendant 5minutes lors de notre prochaine rencontre ;-)) Pierre
Pour l'anecdote, un jour un ami un brin mythomane me dit : "Tu sais quoi je viens d'acheter en brocante une édition des lettres de la Marquise de Sévigné" avec sa signature sur la page de titre !" Et là j'ai su qu'il était vraiment mytho ... :-D ... Ceux qui connaissent un peu les éditions des Lettres de la divine Marquise sauront pourquoi.
B.
L'escompte est alléchant, j'essaierai d'en profiter de mon vivant. ;-)
Jean-Michel
Il n'y a pas urgence. Je fais aussi 10 % sur l'éternité ;-)) Pierre
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