Flaubert n'aimait pas le théâtre, voire il
le dédaignait… Il faisait partie de ces personnes qui, n'arrivant pas à
exceller dans un domaine, disent alors : " Cela ne m'intéresse pas, donc
c'est méprisable ! ". Il est vrai que le mélange de romantisme et de
réalisme qui fait toute l'œuvre de l'auteur de Madame Bovary est tout le
contraire de celui d'un homme de théâtre.
Et pourtant, il fut attiré par ce
registre qui dépassait les bornes de son intelligence et qui était plutôt
réservé, à son époque, à ceux qui écrivaient "comme des cochers de fiacre
" (sic). C'est qu'au théâtre la question du succès immédiat prime sur tous
les autres. C'est un art complexe que Flaubert n'a jamais compris et qu'il
s'amusait à caricaturer devant les frères Goncourt : " Le théâtre ce n'est pas un art,
c'est un secret. D'abord, il faut prendre des verres d'absinthe au café du
Cirque ; puis dire de toute pièce : ce n'est pas mal mais… des coupures, des
coupures ! Ou encre répéter : pas mal ! Mais il n'y a pas de pièce ; - et
surtout toujours faire des plans mais jamais de pièces. Au fond, quand on fait
une pièce, on est f…. Voyez, je tiens le secret d'un idiot ! "
De quelle manière eut-il l'idée de
composer Le candidat ? Sa correspondance nous l'apprend. Flaubert ayant
retrouvé parmi les papiers de Louis Bouilhet, une comédie, Le sexe faible,
jadis refusée au "Vaudeville" crut bon de la remanier, durant un
séjour à Luchon, et de la présenter au Directeur de Théâtre Carvalho qui fut
enchanté. " Comme j'avais pris l'habitude,
pendant six semaines, de voir les choses théâtralement, confiait-il à George Sand,
ne voila t-il pas que je me suis mis à construire le plan d'une autre pièce,
laquelle a pour titre : Le Candidat ! ". Carvalho, tout à fait séduit,
désire alors faire jouer Le Candidat avant Le Sexe faible… Flaubert, bourreau
de travail bien connu se flatte de lui donner satisfaction.
Le Candidat n'est moins que rien qu'une
amusette, qu'une bluette, un passe-temps, le délassement de ses travaux sur
Bouvard et Pécuchet. Une pièce de théâtre ne saurait être prise au sérieux…
C'est du moins ce qu'il feint de faire croire alors que sa Tentation de
Saint-Antoine va paraitre chez Carpentier. En fait, il est très anxieux à l'approche du
grand soir !
Hélas ! Les risées de la populace
l'accueillirent trop bien ! Les envolées
romantiques de l'auteur déchainèrent l'hilarité générale de la salle et l'ennui
fut l'impression dominante du scénario.
Ecoutons les Goncourt présents à la première : " Hier, c'était funèbre,
cette espèce de glace tombant peu à peu, dans cette salle enfiévrée de sympathie,
dans cette salle attendant des tirades sublimes, des traits d'esprit naturels,
des mots engendreurs de bataille. Ce fut une tristesse apitoyée, contenue par
le respect pour l'auteur… ".
Mauvais joueur, Gustave Flaubert ? Voilà
comment il s'en sortit : " Comme ma chute n'est ni une affaire d'art, ni
une affaire de sentiment, je m'en bats l'œil profondément… ". Se rendant à
la cruelle évidence, Flaubert retira sa pièce de l'affiche après la quatrième
représentation. Peut-être ne voulait-il pas voir ses acteurs se faire siffler
par le public ? Il n'empêche qu'il donna cependant sa pièce à l'impression ce
qui prouve qu'il gardait encore confiance dans son œuvre. La pièce fut reprise à l'Odéon le 30 avril
1910. La pièce n'eut qu'une seule représentation ! Les esprits chagrins vous
diront que cette seconde épreuve confirma la première. Les thuriféraires de
Flaubert vous répondront que certaines pièces peuvent se bonifier avec le temps.
Un siècle : est-ce suffisant ? Pierre
FLAUBERT (Gustave). Le Candidat. Comédie en quatre actes. Paris,
Charpentier, 1874. Un volume in-16. Reliure demi-percale marron, dos lisse,
titre en lettres dorées, 165 pp. Edition originale de cette satire du milieu
politique, représentée le 11 mars 1874 au Théâtre du Vaudeville et retirée par
Flaubert, ulcéré par la critique, après 4 représentations. Les mots entre deux
crochets et quelques phrases en bas de page ont été supprimés par la censure. C'est
l'unique pièce de théâtre de Flaubert ! Un article du figaro du 18 mars 1924
contrecollé sur la garde dont je me suis servi pour écrire ce billet. Rare. En bel état. 130 € +
port
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