Je vous présente, aujourd'hui, les œuvres de l'abbé de Chaulieu d'après les manuscrits de l'auteur. Ce nom ne vous dit peut-être rien mais si je voulais vous faire une caricature du personnage, je pourrais vous renvoyer au film de Patrice Leconte " Ridicule " et à la magistrale interprétation de Bernard Giraudeau de l'abbé de Vilecourt… Chaulieu, c'est lui !
Poète aimable, Guillaume Amfrye abbé de Chaulieu (1639 -1720) fut destiné, dès son enfance, à l'état ecclésiastique. Quoiqu'il n'eût aucun goût pour cette vocation, il prit la soutane, mais comme tant d'autres de ce temps, fut un abbé de salon ! Il ne dit, d'ailleurs, jamais la messe et dépensa les immenses revenus qu'il touchait de son abbaye au libertinage…
Chaulieu garda cependant quelque retenue pendant tout le règne de Louis XIV, mais sous la Régence, il se livra tout entier à sa nature légère et frivole. Il était né poète, dit La Harpe, et sa poésie est un heureux mélange de douce philosophie et d'imagination riante. On y voit les négligences d'un esprit paresseux, mais en même temps le bon goût d'un esprit délicat. Ce libertin résidait habituellement au Temple, où se réunissait une société choisie, et mérita par l'élégance de sa poésie épicurienne d'être appelé l'Anacréon du Temple. On remarquera, dans son oeuvre, son Ode contre l'Esprit et ses vers sur la Mort. Ces deux volumes sont un agréable florilège d'épîtres, de lettres et de réponses, d'odes et de ballades toutes plus charmantes et malicieuses les unes que les autres. Nul doute que Patrice Leconte n'ait possédé mon exemplaire pour son film ! [Il manque malheureusement son ex-libris] L'Académie refusa de le recevoir dans son sein, ce qui plaide pour son talent, diront certains…
L'abbé de Chaulieu a fortement contribué à préparer l'avènement et le triomphe de la philosophie légère, incrédule et immorale du XVIIIe siècle : le siècle des libres-penseurs et des libertins !
Libre penseur, le libertin désigne par glissement de sens, dès le XVIIe siècle, un épicurien. Le terme « libertinage » est avéré dès le début du XVIIe siècle, mais son acception moderne date de la fin de ce siècle. Le libertinage a alors une forte connotation morale et désigne tous ceux qui ont des « mœurs légères », qui sont « débauchés », tandis que le parallélisme entre athéisme et épicurisme tend avec le temps à s’estomper avec le libertinage savant.
Aussi nommé libertinisme philosophique, le libertinage savant se développe d’abord entre 1610 et 1660, en réaction contre l’austérité et le pouvoir des religions révélées. Les libertins de ce temps sont avant tout des philosophes, des scientifiques, des érudits, des esprits ouverts et curieux, désireux de voir régner une plus grande liberté de pensée, notamment en matière de religion. Un libertin est alors un bel esprit, indépendant et libéré des préjugés et des dogmes.
Ce libertinage fut sans doute un des moyens le plus efficace pour ébranler les habitudes de pensée et les croyances officielles de l'époque. Guillaume Amfrye, abbé de Chaulieu (1639-1720), est l’un des derniers libertins savants dont la pensée et les valeurs morales perdurent jusqu’à la génération de Voltaire, son disciple. Pierre
CHAULIEU Guillaume-Amfrie de. Oeuvres, d'après les manuscrits de l'auteur. A La Haye, chez Gosse Junior, 1777. Deux volumes in-18 [70 x 115 millimètres]. Reliure pleine basane tachetée, dos lisses à caissons fleuronnés, pièces de titre et de tomaison noires, encadrement de triple filet doré sur les plats, roulettes sur coupes et coiffes, toutes tranches dorées. Provenance en queue d'ouvrage avec les initiales A.S. xij, 288pp et 311pp. Frontispice avec portrait de l'auteur en médaillon. Menus défauts d'usure de la reliure. Intérieur parfait. Rare dans cette édition. 75 € + port
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2 commentaires:
Au XVIIIe siècle, les libertins désignaient le bordel par le mot "abbaye".
Peut-être parce qu'on y trouvait beaucoup d'abbés ! Pierre
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