jeudi 2 décembre 2010

Jules Janin. Ce qu'on a dit de lui. Ce qu'il disait des autres…

La bibliothèque de Jules Janin

Pour les critiques littéraires, notamment Baudelaire en 1865, le nom de Jules Janin est synonyme de négligence et d'opportunisme dans l'exercice du métier d'homme de lettres. La mort empêcha ce dernier de terminer sa lettre à Jules Janin qui commençait ainsi : " Vous êtes un homme heureux. Je vous plains, Monsieur d'être si facilement heureux. Faut-il qu'un homme soit tombé bas pour se croire heureux…"

De 1830 à 1874, Janin est critique littéraire au Journal des débats. Celui qu'on surnomma le « prince des critiques » tire gloire d'y avoir écrit deux mille deux cent quarante feuilletons hebdomadaires, « Deux mille deux cent quarante sacs de papier, de vent, de niaiseries, de truquages » selon Thibaudet, à commencer par un pastiche du roman noir L'Âne mort et la femme guillotinée qui lui apportera la gloire.


Partisan déterminé de la monarchie de Juillet, fort richement payé et très sûr de lui, il sut user et abuser des pouvoirs qu'une presse en plein essor confère aux feuilletonistes et aux critiques. Il fut un des premiers à comprendre son importance. Dans la préface des Contes nouveaux (1833) il écrit: " Le journal est le souverain maître de ce monde, c'est le despote inflexible des temps modernes; c'est la seule souveraineté inviolable; c'est mieux qu'un pouvoir de droit, c'est un pouvoir de fait. Toutes les grandeurs du monde viennent se briser sur cet écueil "


Ce bavard, aimé du public, passe à l'époque pour brillant et plein d'humour. Il reste célèbre chez les bibliophiles pour être un grand amateur de belles éditions reliées par les artistes à la mode mais, à sa mort en 1874, sa bibliothèque va être vendue à l'encan et dispersée comme tant d'autres, cette bibliothèque qui, selon la pensée de son créateur, devait se conserver intacte dans un dépôt de l'État, et que la veuve n'a pas eu le temps de défendre contre le fatal et inexorable coup de marteau du commissaire-priseur ! (bruitage = Blang!!!)


Paul Lacroix (le bibliophile Jacob) qui écrivit, avant la vente en 1877, un ouvrage en petit nombre intitulé "La bibliothèque de Jules Janin" disait : Avant un mois, il ne restera plus de cette charmante et aimable bibliothèque qu'un bon et correct catalogue, dû aux soins pieux du savant libraire et bibliophile M. Potier, et l'on se dira tristement que cette bibliothèque, qui n'ajoutera pas plus de 70,000 francs à la riche succession de la famille Huet, aurait été, dans un demi-siècle, le plus curieux monument de la littérature d'une époque où Jules Janin fut l'arbitre du goût, l'oracle de la critique, et le véritable représentant de l'esprit français.


Deux confidents, deux témoins sincères des idées de Jules Janin, Messieurs Piedagnel et A. de la Fizelière, l'un son secrétaire dévoué et désintéressé, l'autre son admirateur assidu et son intime conseiller tentèrent d'entretenir la mémoire de notre Académicien et de faire éditer ses œuvres complètes (le deuxième y arrivera). Une élégante édition des œuvres choisies comblera les amateurs, aujourd'hui. On appréciera la merveilleuse exécution typographique de cette édition, qui sort des presses de D. Jouaust et les jolies eaux-fortes dont elle est ornée. On notera également que les deux ouvrages ont des autographes prestigieux…Pierre


PIEDAGNEL Alexandre. Jules Janin (1804-1874). Paris, Jouaust, Librairie des bibliophiles, 1874, illustré d'un portrait à l'eau-forte par Flameng, petit in-12(11 x 17 cm), Reliure demi percaline gris clair (Paul Vié relieur) , super-libris de la Comtesse de Mirabeau-Martel avec ex-libris sur la page de couverture conservée, dos lisse avec pièce de titre- auteur – motif et année en lettres noires, couverture conservée,106 pages tirage sur papier vergé, tirage total à 520 exemplaires. Envoi de l'auteur à la Comtesse de Mirabeau-Martel. Infimes rousseurs sur quelques pages, brochage solide, papier peu jauni. Alexandre Piedagnel fut le secrétaire de Janin jusqu'à sa mort. Bel et rare exemplaire avec envoi. Vendu

Dans le même format


JANIN Jules. Portraits contemporains : Lamartine (1790-1869). Paris, Jouaust, 1869, illustré d'un portrait à l'eau-forte par Martial, petit in-12(11 x 17 cm). Broché recouvert d'un papier glacé, sous un étui recouvert de papier coloré. 112pages et 4 pages de catalogue. Tirage sur papier vergé en petit nombre. Offert par l'imprimeur-éditeur à Edouard Fournier avec signature autographe. Aucune rousseur, brochage solide, papier bien blanc. Damase Jouaust (1834-1893) fils de Charles Jouaust (1801-1864), qui avait succédé à Guiraudet prit la suite de son père en 1864. Bel et rare exemplaire avec envoi. 112 €

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Nous remarquons que l'étui du livre écrit par Jules Janin est recouvert d'un joli papier à motif dit "oeil de chat". Ce motif est apparu en dominoterie au début du 19ème siècle et a aujourd'hui encore du succès (la marbreuse Anne Gasquez en crée de très jolis que j'utilise souvent pour mes reliures)
Le livre d'Alexandre Piedagnel semble recouvert d'un papier peigné.
Les marbreurs contemporains peuvent recopier des papiers anciens quand nous avons besoin de faire un raccord en restauration, ou même quand il faut refaire le livre entièrement à l'identique.Pratique non?
Aimée

Lauverjat a dit…

Alexandre Piedagnel est un auteur qui plut aux bibliophiles et aussi manifestement aux femmes bibliophiles, ami d'Hugo, de Daudet et de Barbey, auteur également de "J.F. Millet, souvenirs de Barbizon." 1876, de poésies "Jadis" édité chez Liseux en 1877, "Nouvelles et fantaisies", "les ambulances de Paris pendant le siège" 1871, et d'introductions et notices pour la chaumière indienne, les lettres portugaises, le diable amoureux... chez Jouaust.
"Jules Janin", Jouaust 1874, 10 exemplaires sur chine, 10 sur Whatman et un sur parchemin.

Paul Vié relieur parisien du dernier quart du XIXe cessa son activité en 1907.

Lauverjat

Pierre a dit…

Merci Aimée, merci Lauverjat pour ces informations que j'intègrerai dans la notice finale des ouvrages. Je n'avais malheureusement pas d'ouvrage dédicacé par Janin dans une reliure de Trautz-Bauzonnet à vous proposer ;-)) Pierre

Textor a dit…

Bauzonnet Trautz, Pierre, Bauzonnet Trautz, pas Trautz-Bauzonnet ...

Pierre a dit…

Les reliures exécutées l'étaient sous le nom de Bauzonnet-Trautz de 1840 à 1851 puis sous le nom de Trautz-Bauzonnet dès 1852, je crois.

Mais je peux me tromper. De toute façon, je n'en ai pas pour vous le vérifier ;-)) Pierre

Lauverjat a dit…

Exact Pierre. Bauzonnet signe seul de 1831 à 1840. En 1840 il s'associe avec Trautz, ils signent Bauzonnet-Trautz. En 1851 Bauzonnet part en retraite.
Lauverjat

Pierre a dit…

Merci pour cette précision, Lauverjat. Pierre

Textor a dit…

Pierre, après avoir lu votre article, je me dis que cet "été à Paris" que j'avais gardé dans ma bibliothèque en me disant que je le lirais peut-être un jour, sera bradé dès demain matin aux puces de St Ouen. Qui sait, en cette saison, il fera peut-être rêver un amateur et je pourrais en tirer cent sous ?
Textor

Pierre a dit…

Si cet Été à Paris est de 1843 et est recouvert d'une reliure de Bauzonnet-Trautz... N'en faites rien ! Si j'ai pu paraitre un peu critique avec Janin, c'est que je suis quelquefois maladroit avec les gens que j'aime bien. Pierre

Textor a dit…

Voyons voir, 1843, oui, Bauzonnet, non, une reliure d'éditeur j'imagine, cartonnage romantique vert avec des arabesques dorés sur les plats
Bien, alors je le garde encore un peu ... :)

Anonyme a dit…

"L'âne mort et la femme guillotinée", c'est pas mal. Il défend encore bien sa réputation de roman "bizarre" qui l'avait caractérisé à sa sortie. C'est vrai qu'il faut un peu de temps et d'attention pour en faire le tour et bien le resituer dans le contexte littéraire et politique du temps (je parle comme un mauvais Lagarde & Michard mais c'est vrai que cela m'a forcé à revoir mon Romantisme)

Et puis le père Jules, on le croirait pas comme ça à le voir en gros podagre avachi, a bien marqué les imaginations par la scène de "bondage" d'anthologie du "baiser à la guillotine" dont Tony Johanot a rendu le caractère troublant dans l'édition de 1842.

Le côté ballade dans un Paris complètement disparu et un peu scélérat est aussi sympa, de la Barrière de Combat où une arène en bois accueillait des combats de chiens, à l'hôpital des Vénériens situé à Port-Royal (très bon passage sur les pratiques de cautérisation en série des lésions syphilitiques qui intéressera le praticien et éduquera la jeunesse), en passant par la Bourbe et la prison de la Salpêtrière.

Pierre, à vous de jouer maintenant pour garnir la tête de gondole !

Montag
Sympathisant Janiniste

Pierre a dit…

Montag, votre quatrième de couverture est le meilleur des arguments pour redonner envie de lire Jules Janin ! Je mets l'Âne mort en vitrine ;-))

Pierre
Sympathisant Montaguien