vendredi 16 avril 2010

Vie et oeuvres de Colette


Il est assez fréquent, à la librairie, de vendre des ouvrages de Colette.

Je présente à l'extérieur du magasin, quand il fait beau (donc souvent…) quelques caissons de livres recouverts de papier transparent dans leur livrée d'origine. Pour le prix d'un livre de poche, vous avez un ouvrage broché d'époque de belle facture et si vous le demandez gentiment, vous pouvez même enlever la protection pour le feuilleter...

Les clients qui ne connaissent pas les œuvres de Colette choisissent souvent un de ses ouvrages en souvenir de leur mère, fidèle lectrice. Je ne peux quand même pas leur expliquer qu'elle était le porte-drapeau de la libération sexuelle au début du XXe siècle avec le risque de leur ouvrir les yeux sur la personnalité de leur mère, quand même ! En fait, rares sont les acheteurs qui ne connaissent pas le nom de cet auteur (cette auteure ?) alors que beaucoup d'autres des confrères de sa génération ont disparu des mémoires. Elle méritait donc les seules obsèques nationales accordées à une femme, en France. Et quelle femme ! Et quelle vie !


A 20 ans (1893) Sidonie Gabrielle Colette épouse le fils d'un ami de son père, le journaliste parisien Henri Gauthier-Villars, dit Willy, âgé de 34 ans. Willy fait écrire à Colette la série des " Claudine ", qu'il signe : Un succès. Le premier des quatre ouvrages, Claudine à l'école, paru en 1900, se vend à 350 000 exemplaires en quatre ans. Évidemment (sic), Willy la trompe et il invite ses maîtresses à la maison pour des plaisirs triangulaires. J'ouvre une aparté : N'essayez pas de faire ceci à la maison ! Ça ne marche que pour les jurés Goncourt, sur quoi, je referme l'aparté. Ils se séparent en 1905 et elle devient la maîtresse d'une superbe lesbienne qui se produit au Moulin Rouge, avec elle. Purgatoire…


Elle épouse en 1910 le renommé journaliste Henri de Jouvenel, qui sera sénateur radical, ambassadeur à Rome sous Mussolini, et Haut-commissaire au Liban. Six mois plus tard, sa fille " Colette dite Bel-Gazou " naît. Elle aura d'ailleurs une vie tumultueuse comme son écrivaine (écrivain ?) de mère. J'ouvre une aparté : Je trouve que ce n'est pas très malin d'appeler sa fille Colette quand on s'appelle Colette et encore moins d'appeler son fils et sa fille, Paul et Virginie, quand on s'appelle Bernardin de saint Pierre, sur quoi, je referme l'aparté. En 1920, à 47 ans, elle fait l'éducation sexuelle du fils d'Henry de Jouvenel, le jeune Bertrand, 16 ans, futur politologue célèbre, qu'elle materne sexuellement jusqu'en novembre 1925 (lire Le blé en herbe). Enfer…

En 1925, à 52 ans, bien qu'ayant été une anti-dreyfusarde au moment de l'affaire, mais entourée de nombreux amis juifs (L’Etoile Vesper, 1946), elle prend comme amant régulier un jeune juif de 35 ans, Maurice Goudeket, un distingué et fortuné courtier en perles qu'elle épousera dix ans plus tard. Après la guerre et jusqu'à sa mort, elle vit quasiment alitée, à cause de son arthrite et de son obésité, dans son appartement du Palais-Royal à Paris. Maurice Goudeket la soutient, moralement, tout en la trompant physiquement. Il se remariera après sa mort. Paradis…


Vous voyez, tout ça n'est guère brillant mais sera le ferment du talent de Colette pour nous conter sa vie. Il est bien connu qu'il n'est pas nécessaire d'être irréprochable pour être un grand homme (femme ?)…

Une question cependant taraude quelques bibliographes. Colette était-elle bibliophile au sens littéral du terme ? Je n'ai pas trouvé de catalogue de vente de ses ouvrages pour l'assurer mais deux éléments plaident néanmoins en sa faveur :

1) Pierre Beres et Maurice Goudeket ont crée ensembles une éphémère maison d'édition, " La Palme ". Il est évident que les compétences de Pierre Beres ont pu avoir une influence bénéfique sur la composition de la bibliothèque de Colette.

2) Colette possédait un ex-libris, ce qui prouve qu'elle donnait de l'importance à la provenance de ses ouvrages.


Un élément connu de tous, une photographie maintes fois reproduite m'interpelle tout de même. Colette aimait et entretenait les chats ce qui est contradictoire avec le fait d'aimer et d'entretenir les livres, non ?

Pierre, radié de l'ordre des vétérinaires ;-))

COLETTE. Claudine s'en va. Paris - Terres Latines, Paris, s.d. (vers 1950), 128 p. Broché, in-8 sous couverture rempliée illustrée. Collection " Leurs chefs-d'œuvre ", très belles illustrations de Renée Ringel in texte noires et en hors-texte coloriées au pochoir. 1/1800 ex. sur Alfa. Bel exemplaire non coupé, comme neuf. Vendu

10 commentaires:

calamar a dit…

vous n'avez qu'un seul tome ? c'est bien dommage...

Jean-Paul Fontaine, dit Le Bibliophile Rhemus a dit…

Le chat a toujours été le compagnon des écrivains, mais effectivement, pour les reliures du rayon du bas ...
Pourquoi un écureuil et la date 1915 sur l'ex-libris ?

Vincent P. a dit…

Un bon chat ne touche pas aux livres...
Vincent P., amoureux des chats

Pierre a dit…

1915 : Le livret de l'enfant et les sortilèges est proposé à Ravel. Colette aime les animaux, nous le savons. L’écureuil lui rappelle l’existence de la cage. «La cage, dit l’enfant, c’était pour mieux voir ta prestesse, tes quatre petites mains, tes beaux yeux».

Très symbolique mais loin de la réponse du bibliographe, peut-être ? Pierre

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Par ailleurs de nombreux ouvrages ont été offerts à Colette, j'en au eu un dernièrement qui lui était décidacé et qui pourtant ne portait pas son ex libris. Colette était une facétieuse.

Pour ce qui est des chats je suis d'accord avec Vincent, j'en ai deux, et je peux vous garantir qu'ils n'ont jamais touché aux livres...

B.

Textor a dit…

Je suis d'accord avec Vincent et Bertrand, les chats sont bibliophiles par nature. J'avais une chatte (partie malheureusement il y a un mois après 20 ans de bons et loyaux services) qui n'a jamais griffé une reliure. A l'occasion même, le soir, quand elle était sur mes genous, elle suivait les débats des blog de bibliophilie, et avançait sa petite patte pour taper quelques lettres.

T

Jean-Paul Fontaine, dit Le Bibliophile Rhemus a dit…

Le mien, qui n'est plus non plus, aimait se coucher sur un coin de mon bureau (attention au maroquin !)pour être avec moi, n'a jamais touché une reliure, mais ne s'est pas gêné pour griffer mes chaussures (vengeance ?), le papier peint et le canapé en cuir !

Pierre a dit…

Je n'ai qu'un seul tome, pour l'instant, à proposer. Mais demain peut-être ?... J'aime beaucoup ces illustrations pleines de féminité.

Nos amis les chats vous envoient leurs remerciements pour vos témoignages d'amitié (je parle le chat pour raison professionnelle). Pierre

calamar a dit…

dans l'album Colette de la Pléïade, plusieurs photos de l'appartement du Palais-Royal montrent divers rayonnages supportant des livres, ce qui est bien la moindre des choses, mais on devine que certains rayons supportent des livres reliés...
Par ailleurs, le Centre d'études Colette (Saint-Sauveur en Puisaye) http://www.centre-colette.com/recherche.php
dit "conserver la bibliothèque Colette".

calamar a dit…

Et j'ajouterai que le chat de Sylvestre Bonnard faisait bon ménage avec les vieux livres. Si ce n'est pas une preuve, çà !
d'ailleurs mes deux chats n'ont jamais fait de mal à une reliure. A des oiseaux ou des souris, oui, à du papier, non.