lundi 26 avril 2010
Causerie du lundi de Philippe Gandillet . L'amitié : Trébutien et Barbey d'Aurevilly
C'est bien triste à dire mais je ne réponds pas toujours aux courriers qui me sont envoyés. Ces messieurs de l'Académie passent leur temps à me poster de petites missives à seule fin de faire éditer mes réponses dans un recueil si, un jour, je meurs… De qui se moque t-on ? Il est, à contrario, des correspondances que l'on peut envier. Celle de Guillaume Trébutien est de celle là et c'est avec une moue de satisfaction qu'en poussant la porte de la librairie de Pierre, ce matin, j'ai trouvé ses échanges de lettres à commenter : Caen, vers 1830. Un étudiant en droit entre un jour dans un cabinet de lecture de la rue du Pont Saint-Jacques. La conversation s’engage avec le libraire. Une amitié va se nouer qui va, jusqu’à la disparition des belligérants, engendrer une correspondance de vingt-deux ans. La première lettre de Barbey d'Aurevilly à Trebutien qui ait été conservée est d’août 1832, la dernière du 29 novembre 1858. C'est cette correspondance, l’une des plus remarquables assurément du XIXe siècle, que je suis heureux d’offrir au large public de notre libraire tarasconnais (57 membres) par le truchement du blogue qu’il anime. Ce n’est plus aujourd’hui une idée provocante que de voir dans leur correspondance, un chef d'œuvre qu'aurait sûrement sélectionné Des Essaintes dans son improbable bibliothèque…
De son enfance passée dans les livres, Guillaume-Stanislas Trébutien (1800-1870) avait hérité un amour des livres exalté jusqu’à la ferveur. Selon lui, acheter un beau livre était bien, le publier était mieux. Avec pour tout revenu son misérable traitement de bibliothécaire-adjoint, il réussit l’exploit de mettre au jour toute une petite bibliothèque de plaquettes précieuses par leur format, leur typographie, leur contenu, et dont il ne fit jamais commerce. Nous avions donc là, affaire à un bibliophile exigeant… Rapidement, il ne fut plus qu’éditeur, mais avec un soin et un raffinement jusque là inconnus. En tout cas à Caen ! Les ouvrages de Barbey d’Aurevilly, la Bague d’Annibal (1843), le célèbre traité Du dandysme et de George Brummell (1845) et les Prophètes du passé (1851), quoique portant la rubrique l’un de Duprey, à Paris, l’autre de B. Mancel, libraire de Caen, et le troisième de Louis Hervé, à Paris, ont bien été exécutés aux frais de Trébutien. Nos deux épistoliers firent aussi des projets qui n'aboutirent pas pour éditer les œuvres complètes de Barbey mais de nombreuses plaquettes caennaises de la bibliographie Aurevillienne furent néanmoins éditées bien avant leurs réimpressions par des éditeurs plus connus comme Malassis. Le nom de Trébutien s’attache aussi à ceux de Maurice et d’Eugénie de Guérin dont il édita les Fragments du premier en 1861, et le Journal et lettres de la seconde en 1862. L'ouvrage proposé ce jour provient d'ailleurs, selon les dires de Pierre, d'un bibliophile Guérinien.
Les soucis que causait à Trébutien la difficulté d’obtenir de bons tirages de sa correspondance avec son ami Barbey d’Aurevilly remplirent ses derniers jours. Ils partagent, aujourd'hui, la même terre du petit cimetière des Quatre Nations à Caen. Ils s'écrivent encore, parait-il… Cher ami. Je ne vous ai point vu dimanche; et je suis resté en pantoufles comme un vrai Turc, n'était que j'ai pensé plus dans ma journée qu'un Turc, et voire un sultan en sa vie tout entière. Aujourd'hui, je n'ai quitté ma table à écrire que pour vous porter ce billet. Si vous pouviez venir demain, mon cher Trébutien, je serai chez moi tout le matin et je vous montrerai mes pages les plus *** sur la campagne. Demain, vous mettrez le mot que ma modestie laisse en blanc. Votre immuable. Jules Barbey d'Aurevilly. J'attends vos courriers, moi aussi. Votre dévoué. Philippe Gandillet
BARBEY D'AUREVILLY (Jules). Lettres à Trébutien. Paris, François Bernouard, 1927. 4 volumes, petit in 4. Reliure demi-chagrin havane à coins, dos à 6 nerfs ornés de motifs et pièces de titre et de tomaisons en lettres dorées. Tranche supérieure dorée. Couverture et dos conservés. Exemplaire grand papier sur vélin d'Arche numéroté 240. Dos très légèrement insolé. Très bel état de l'ensemble. 285 € + port
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3 commentaires:
Pauvre Barbey qui n'a pas eu une critique ou un propos flatteur… L'homme était visionnaire quand il écrivait " Le mépris, le plus grand sentiment et le seul que valent réellement les hommes ! " mais j'imagine qu'il était trop hautain pour penser qu'on eut pu associer cette méchante sentence à lui-même
La renommée, cette sourde sonneuse de fanfares, s'est tue avec la disparition de ses lecteurs. Philippe Gandillet
Barbey aurait-il utilisé du viagra ? ou aurait-il été fan des publications photographiques de Bertrand ?
Merci calamar ! Je reste bouche bée quand je vois qu'après un commentaire aussi désabusé de Philippe Gandillet sur la nature humaine, un outrecuidant puisse avoir l'idée d'enfoncer le clou !
Attention ! Je ne condamne pas le produit mais j'ai du mal à imaginer la tête du gars qui a pensé à placer sa publicité ici...
J'en profite pour mettre en garde les utilisateurs sur les produit pseudo-pharmaceutiques qui sont commercialisés par ce genre de réseau. Un 1/2 vélo à moitié prix n'est pas une affaire ! Pierre
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