jeudi 29 avril 2010
Quand le Docteur Mireur consulte Rétif de la Bretonne et son pornographe
Fils d'un paysan de l'Auxerrois, Nicolas Edme Retif de la Bretonne (1734-1806) se vantait d'avoir eu douze maîtresses avant l'âge de quinze ans. Sans vouloir paraître prétentieux, mes parents ayant beaucoup voyagé jusqu'à ce qu'ils me laissent en pension chez mes grands-parents, avant de rentrer en sixième j'en avais déjà eu autant ! Ce qui nous rend différents, tout de même, c'est que notre futur auteur à succès couchait avec elles…
Le nom de cet écrivain brûle donc les lèvres du monde des lettres par le mauvais exemple qu'il donna à ses pairs. Il se voulait l'égal de Rousseau et si ce n'était cette capacité de l'époque, qui les relie, à abandonner leurs enfants à la moindre contrainte, il n'en eu jamais la postérité. On surnomma d'ailleurs l'auteur du Pornographe, " Le Rousseau du Ruisseau " ! Quand il arriva dans la capitale, il fréquenta assidûment les prostituées qui étaient son outil de travail. Il se lia avec Nougaret, célèbre écrivain de l'époque mais c'est leur procès en plagiat qui restera dans la mémoire. On dit qu'il ne prenait la peine, ni d'écrire ses romans, ni celle de les dicter. Ouvrier typographe, il composait ses chapitres en lettres d'imprimerie à mesure qu'il improvisait. C'est bien le seul point commun que je me suis trouvé avec le bonhomme, moi dont la lenteur au clavier est calquée sur le cheminement de l'esprit. Il ne produisit pas moins de deux cents volumes, presque tous autobiographiques.
Alors, me direz-vous pourquoi présenter un écrivain qui a peu d'éclats à mes yeux ? Parce que j'ai trouvé une étude fort intéressante sur le Pornographe faite par le Docteur Mineur de Marseille et que cet ouvrage comble l'amateur de livre : Le livre a été publié en faible tirage (150 exemplaires), chaque exemplaire portant la signature de l'auteur ; une très belle gravure (eau forte) est présentée en frontispice ; le papier vergé est de belle qualité ; l'éditeur Gay et Doucé est connu pour ses publications sulfureuses ; l'étude est pertinente et faite par un professionnel ; l'ouvrage est en bel état et il a une couverture d'attente que je trouve élégante… Intérêt donc, qui répond aux attentes du bibliophile amateur de "curiosa". Retif de la bretonne écrit dans sa conclusion du Pornographe qu'il a eu pour but "de proposer un moyen presque infaillible d'anéantir le levain vénérien, de diminuer le scandale de la prostitution et d'arrêter dans sa marche l'indécence des mœurs ".
" Si nous avions la certitude que les intentions de Retif ont été telles qu'il vient de les indiquer, si nous étions bien convaincu qu'il n'a pas écrit son livre avec la secrète pensée de satisfaire la curiosité malsaine d'une certaine classe de lecteurs, c'est un tribut d'éloges que nous apporterions ici à sa mémoire " Nous dit le Docteur Mireur. Il est vrai que Retif, adversaire de Sade, fut aussi érotomane que lui. S'il voulu faire mieux que la Justine de son rival avec son Anti-Justine (1798), il fit peut-être pire. L'histoire de sa vie laisse donc planer un doute légitime et commandent notre réserve sur ses intentions…
Mais comme il faut lire avant de juger, je joins à l'étude du Docteur Mireur, l'objet du délit. Il faudra couper l'ouvrage ;-)) Pierre
MIREUR (Dr H). Rétif de la bretonne et le pornographe. Etude critique. Bruxelles. Gay et Doucé, 1879. Broché in 8, couverture d'attente. 3ff (justification, frontispice, titre), LVII, 1f (imprimerie A Lefèvre). N°18 sur 150. 105 € + port
RESTIF DE LA BRETONNE. Œuvres érotiques. Arcanes, Paris, 1953 - L'Anti-Justine, le pornographe et Dom Bougre, 1 des 900 sur vélin, 302 pages non coupées. 24 € + port
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4 commentaires:
Rétif mérite mieux... ses Nuits sont très divertissantes (notamment sur les aspects secondaires de la Révolution) et instructives, ses écrits sont plein de verve et d'imagination, ses fantasmes sont divertissants... (comme celui d'identifier ses filles dans chacune de ses maîtresses !)
Ce sont vos commentaires qui vont faire plier mes a priori et c'est pourquoi, je les reçois avec beaucoup d'attention. Je dois reconnaitre que j'avais focalisé mon attention sur l'étude du Docteur Mireur qui me paraissait avoir un intérêt bibliophilique.
Identifier ses filles dans ses maitresses, ce n'est pas faire l'amour avec soi-même ? Il faudra qu'on en parle ;-)) Pierre
Vous écrivez que ce livre « répond aux attentes du bibliophile amateur de "curiosa". » : je m’insurge ! Je m’indigne ! Je m’élève en faux !
Les amateurs sérieux de curiosa sont surtout attirés par les livres clandestins…ici il ne s’agit que d’une petite plaquette officielle pas rare (d'ou le prix)
Cela ne vaut pas un bon vieux « Tartufe libertin » par exemple… (clin d’œil appuyé à qui vous savez)…
Je me répands en excuse et me repens de ma méprise ! Je connais assez peu le domaine du curiosa , vous le constatez, ce qui explique cette approximation.
Seriez-vous assez magnanime pour me contacter ; j'accepte néanmoins de vivre dans l'ignorance ;-)) ; car j'aimerais assez qu'une personne habilitée me fasse un petit billet enlevé pour m'indiquer ce qu'est un curiosa ,pour un bibliophile. Merci d'avance. Pierre
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