vendredi 2 avril 2010

Antonio Vieira. Sermon de Saint Antoine aux poissons… d'Avril.


La légende veut que Saint Antoine de Padoue, prêchât un jour aux poissons qui se pressèrent pour l’entendre. Antonio Vieira relate cette légende dans un célèbre sermon qu’il prononça en 1654 : « Saint Antoine prêchait en Italie à Rimini contre les hérétiques et comme les erreurs d’entendement sont difficiles à extirper, non seulement le Saint n’obtenait aucun résultat, mais encore le peuple en vint à se révolter contre lui, et peu s’en fallut qu’il n’y perdît la vie. Il décide alors de changer de chaire et d’auditoire ; il laisse les places et il va sur la plage. Puisque les hommes ne veulent plus m’écouter, que m’écoutent les poissons ! ». Ça ou prêcher dans le désert, vous me direz…


L’oeuvre d’Antonio Vieira (1608-1697) suscite depuis plusieurs années l’intérêt des lecteurs. Certains se sont intéressés à la personnalité de ce missionnaire jésuite, célèbre prédicateur, conseiller royal et une des plus hautes figures de la littérature et de l’humanisme chrétien.

Sur le modèle de Saint Antoine, Antonio Vieira s’adresse d’un ton fraternel à plusieurs espèces de poissons qu’il lui a été loisible d’observer au cours de ses nombreux périples maritimes. Il s'intéresse surtout à celles qui se prêtent à une interprétation symbolique. C'est ainsi que les " crampons ", petits poissons s’accrochant à des grands au moyen d’une ventouse et qui se laissent ainsi transporter sur de longues distances, symbolisent pour lui la servilité, l’esprit de cupidité des colons brésiliens et portugais.


« Au cours de ce voyage dont j’ai parlé, et toutes les fois que j’ai franchi la ligne équinoxiale, j’ai vu, au-dessous de cette ligne, quelque chose que j’ai souvent vu et noté chez les hommes, et j’ai été surpris de constater que cette peste avait aussi atteint et contaminé les poissons. On donne le nom de "crampons" aux poissons dont je parlerai maintenant car ces petits poissons se collent à leur dos, de telle manière qu’ils ne s’en décrochent plus. Si ce mode de vie, plus astucieux que généreux, a été transmis, sans doute les poissons de haute mer l’ont-il appris depuis que nos portugais ont sillonné nos océans. Car il n’est vice-roi ou gouverneur se rendant en terres d’outre-mer qui ne soit entouré de crampons, lesquels s’accrochent à lui pour venir ici apaiser leur faim que, là-bas, ils ne pouvaient satisfaire». Toute ressemblance avec nos voyages présidentiels ne serait que le fruit d'un pur hasard…


Ce sermon lui donne aussi l’occasion de déployer sa verve satirique. Il y malmène tous les ambitieux, les cupides, les intrigants, les oppresseurs. Pour lui, tous les péchés humains trouvent leur image dans les fonds marins. Le père Vieira va jusqu’à faire porter aux malheureux crampons le poids symbolique de la plus grande réalité du monde spirituelle, le péché originel. Pour le père jésuite, soucieux d’éveiller l’imagination de ses auditeurs, de leur inculquer de grandes vérités de la Foi avec des mots simples, sans recourir à des abstractions théologiques, la description de la mort du requin entraînant avec lui tous les crampons est plus efficace que n'importe quel exposé doctrinal. « Que le requin meure parce qu’il a mangé, c’est sa voracité qui l’a tué mais que le crampon meure parce qu’il n’a pas mangé, c’est là la plus grande disgrâce que l’on puisse imaginer ! Qui aurait cru que le péché originel existât aussi chez les poissons ? » C'est vrai que c'est aussi injuste…C'est comme si, dans l'avenir, nos enfants devaient payer les errements budgétaires d'un gouvernement prodigue, c'est comme s'ils avaient à acquitter des retraites que nous n'aurions pas provisionnées…

Vendredi Saint. On peut manger du poisson ! Pierre

VIEIRA (Antonio), HAUPT (Jean) Sermon de Saint Antoine aux poissons. Ed Bordas, 1970. Sermon prononcé par le R.P. Antonio Vieira en 1654 en la ville de Sao Luis du Maranhao, Brésil. Introduction et traduction du portugais par Jean Haupt. Couverture rempliée, motif au poisson et texte en sépia. In-4. 44 p. Frontispice et quelques illustrations in texte. Exemplaire N° VI sur vélin d'Auvergne à la cuve Richard de Bas. Petite édition à 215 ex. Bel état. Vendu

2 commentaires:

Lug.artblog a dit…

Et bien! Ce sermont m'a l'air extrêmement imagé, et il semble transpirer ou transporter selon vos commentaires les aventures océaniques et sombres des dérivées (comportementales et mathématiques, s'entend) modernes... Comme quoi, certaines choses ne changent pas vraiment de forme ou de fond, mais juste de noms.
A chaque retour de votre librairie, je cherche les origines de mon livre, "intemporel" si j'ose dire, vu qu'il n'y a aucune date imprimée, même après 5 vérifications poussées... Je penserai donc à vous l'apporter, pour découvrir enfin l'âge d'un de mes plus vieux compagnons de voyage.
Je vous communiquerai mes dates, dès que possible, et plannifie déjà un passage pendant les vacances, ne serait ce que pour voler subrepticement les idées encrées de vos ouvrages et pour vous rendre la plaquette que vous m'avez si gentillement prêtée et qui va nourrir mon voyage en Lozère, dès demain!
Sur ce, bon week end, et a bientôt.

Pierre a dit…

Bienvenue à Romain13, amoureux des livres et futur bibliophile si mon intuition est bonne. Avoir des clients de vingt ans dans ma boutique (deux en même temps d'horizons différents) est un légitime motif de fierté pour un libraire d'ouvrages anciens qui essaye de ne pas trop se la péter !

Pour le fond de l'article, vous avez raison. Les choses ne changent pas. A la différence qu'à mon age, on n'a plus envie de les faire changer... Pierre