lundi 11 janvier 2010

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Henri Rochefort n'aimait-il que les livres ?


Ne jamais dételer.

Telle est la formule qui pourrait s'appliquer à ce polémiste du 19eme siècle que Pierre souhaite faire sortir de l'oubli par l'entremise d'un de ses ouvrages, brillamment présenté par votre aimable serviteur.

La France manquant de grands hommes vivants ; ceux qui sont considérés comme tels ne le méritent pas toujours et ceux qui, comme moi, le seront dans le futur souffrent de cette indifférence ; intéressons-nous donc au passé en remontant le temps, amusante gageure, si vous le voulez bien.

Aparté : Notre libraire est aujourd'hui calfeutré dans sa douillette maison arguant qu'il y a danger à mettre le nez dehors. Balivernes ! J'ai, ce matin, chaussé mes skis de fond et c'est sans difficulté que j'ai parcouru les 37 Km qui séparent ma bastide de sa modeste échoppe. S'il avait connu les rigueurs de l'hiver canadien comme quand j'étais conférencier à l'Université de Sainte Hyacinthe, il se rirait du froid…


1913 : Henri de Rochefort-Luçay, mieux connu sous le nom d' Henri Rochefort vient de mourir. Journaliste et homme politique français, son activité de journaliste menée sans grand discernement, ses combats contradictoires pour lesquels le goût de la formule l'ont entraîné souvent vers l'insulte en ont fait un homme isolé, peu regretté, qu'on enterre civilement et sans pompe.

Déjà, sous l'affaire Dreyfus, par son antisémitisme primaire, sa popularité avérée est largement entamée auprès des classes populaires. Revenu de Nouvelle Calédonie en 1880 à cause de ses sympathies communardes, il rejoint le Boulangisme tombé au champ d'honneur du pathétique. Les extrêmes s'attirent. Combien de révolutionnaires sont devenus réactionnaires avec l'age…

Quel destin pourtant ! Embarqué à destination de Nouméa en 1873, puis évadé de façon miraculeuse, il aurait pu profité de ce charter injuste pour se tailler un costume d'illustre exilé qui avait si bien réussi à ses maîtres, Hugo en tête.

Plusieurs fois emprisonné sous Napoléon III par ses articles dans "La Lanterne" ou "La Marseillaise", ce militant républicain aurait pu faire un martyr Panthéonisable, si ce n'était cette irascible envie de médire qui l'aura rongé toute sa vie. C'est à lui que nous devons le fameux éditorial qui l'a rendu célèbre « La France compte 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement… ».

Il aura gâché ses trois mariages, son entrée au "Figaro", son œuvre théâtrale ; une vingtaine de vaudevilles, qui ne connaîtront que des succès d'estime sans marquer la postérité ; et ses études de médecine commencées sous la pression de son père le Comte de Rochefort-Luçay, auteur dramatique lui-même. La bonne étoile devait être sûrement absente l'année de sa naissance : 1831.


L'ouvrage que Pierre a choisi pour vous, intéressera particulièrement les lecteurs férus de salles de vente puisque Rochefort, qui semble dans ces années 1860 côtoyer en tant que journaliste ce milieu d'initiés, nous en trace un tableau très instructif. Tout y est expliqué et dénoué pour notre plus grand bien mais au prix de terribles désillusions . Les commissaire-priseurs sont affairistes, les experts incompétents, les acheteurs crédules, les marchands malins, les maquilleurs, nettoyeurs de fieffés filous et tout ce monde semble se porter parfaitement au détriment de notre pauvre vendeur qui se fait systématiquement gruger.

Vous comprendrez aisément que je me sois penché de façon particulière sur le sort réservé aux livres dans ce domaine. Et là ! Miracle… La maison Sylvestre y est parfaitement décrite et les transactions qui s'y déroulent semblent échapper à la critique. Le bibliophile, le bibliomane et le bibliopathe y coulent des jours heureux à l'ombre de Charles Nodier dont le souvenir semble encore vivant. Vous me direz qu'il n'y a dans tout cela rien de bien extraordinaire. La lecture adoucit les mœurs…

Votre dévoué. Philippe Gandillet


ROCHEFORT (Henri). Les petits mystères de l'Hôtel des ventes. Paris : E. Dentu , [1862]. Edition originale, 295 p, petit in -8, reliure demi chagrin marron, dos à 4 nerfs, pièce de titre et motifs dorés. Illustration Daumier en page de garde. Très bon état. Vendu

17 commentaires:

Textor a dit…

génial !! et comment fait on pour acheter ce trésor ? Il n'y a pas de panier sur votre site !!

T

Jeanmichel a dit…

N'est-ce pas plutôt "Saint-Hyacinthe" ?
Dommage, si Textor n'avait pas déjà mis une option sur l'ouvrage, je l'aurais bien lu...

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Bon livre en effet ! Et d'une lecture très agréable. Mon exemplaire est une épave, j'attends d'en dénicher un en plein maroquin de Trautz-Bauzonnet... je risque d'attendre un peu...

Le Bibliomane moderne avait évoqué cet ouvrage et son auteur ici :

http://le-bibliomane.blogspot.com/2008/09/bibliophiles-bibliomanes-et.html

et ici :

http://le-bibliomane.blogspot.com/2008/11/petite-physiologie-des-ventes.html

Bonne journée,
B.

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Ce livre est numérisé sur Google Books pour ceux qui veulent le lire sans bourse délier (désolé Pierre de casser à la baraque du vendeur Gandillet mais bon... faut vivre avec son temps !

B.

Anonyme a dit…

Nomen omen ; le nom est présage,

Saint Hyacinthe (1200-1257), est en effet de sexe masculin. Il fonda le couvent de Gdansk (autrefois Dantzig), et son action évangélique en Pologne a fait de lui l’apôtre de ce pays. Mais c'est aussi un prénom mixte. Hyacinthe désigne une pierre précieuse symbole de vénus (zircon rouge-jaune) et signe la charité comme vertu. Hyacinthe est devenu une fleur à partir du XVie siècle, la "jacinthe", symbole de paix et de charité.

Jean-Michel, êtes-vous libre pour m'accompagner le jeudi à l'institut ? Philippe Gandillet

Anonyme a dit…

Cher Textor,

Si vous pensez qu'un tel ouvrage puisse s'intercaler entre des incunables, il est à vous.

Je crois qu'il suffit d'envoyer par courriel votre adresse à Pierre. Il vous envoie l'ouvrage.

Hommage à un émérite bibliophile. PHG

Pierre a dit…

Il me semble qu'un nouveau procédé vient de voir le jour qui va numériser les reliures de Trautz-Bauzonnet ;-))

Bertrand, comme moi, vous savez que c'est dans les mains qu'un ouvrage a sa meilleure place.

Pierre

Textor a dit…

Fi du numérique, et puis il faut bien faire travailler les libraires si nous voulons, nous autres bibliophiles, ne pas tarir le marché.
Pierre, je vous envoie un courriel !!
T

Textor a dit…

Pardon Jean Michel, je n'avais pas vu votre message. Désolé d'avoir tiré le premier. Je vous promets que la prochaine fois je ne ferai pas monter les enchères et vous laisserai la place ( commission 10% comme dab! :) )

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Et encore vous n'avez pas tout vu...

Ce soir, la quatrième dimension des plaisirs du bibliophile, sur le Bibliomane moderne...

Attention aux yeux... enfin presque...

Le billet sera publié dans la soirée... attention à l'affluence prévisible de milliers de bibliophiles enivrés... (merci pour le serveur Blogger... je ne voudrais pas être responsable d'un cataclysme Googlesque).

A ce soir.

B.

Textor a dit…

Bertrand, faire de la publicité sur des sites concurrents, après avoir essayé d'entraver la liberté du commerce, vous filez un mauvais coton !! (Sourrire avec 2 r)

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

En bibliophilie il n'y a pas de concurrents, il n'y a que des coreligionnaires et ce n'est pas Pierre qui va me contredire.

B.

Pierre a dit…

Les coreligionnaires peuvent même avoir une estime qui s'apparente à de l'amitié.

Pierre

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Exactly !

Bests,

B.

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

"la quatrième dimension des plaisirs du bibliophile" est en ligne sur le Bibliomane moderne.

Votre avis m'intéresse.

B.

Textor a dit…

On y va, on y vole !

Anonyme a dit…

Bonjour, Que Henri Rochefort aura fait couler l'encre, même aujourd'hui. Mais son père n'a pas été Comte, pas plus que lui Marquis. C'est fou le nombre d'idioties écrites sur cette famille. Que l'on nous mette sous le nez les lettres patentes avec les titres déposés en Chambre des Comptes, alors je pourrais dire que je me suis trompé. Mais comme Henri est mon arrière grand oncle et que depuis 6 ans je cherche l'histoire de cette famille, ces preuves ne seront pas produites avant "un certain temps".
Merci de corriger votre texte et bravo pour cette introduction aux "secrets de la salle des ventes"si exacte. Cordialement. Marc Etivant.