mercredi 6 janvier 2010

Un bel ouvrage aux Armes du Pape Clément XIII


Un livre c'est une reliure, ce sont des Armes quand elles sont présentes, ce sont des parements, un papier, une typographie, des gravures et c'est aussi un texte quand on en comprend le sens.

Je vais essayer de vous présenter cet ouvrage à la vente en prenant chacune des caractéristiques énoncées les une après les autres car son intérêt est, vous le constaterez, multiple.

La reliure : Il s'agit d'une couvrure en plein veau fauve glacée. Les coiffes, les coins et l'ensemble de la reliure sont en parfait état ce qui est déjà méritoire pour un ouvrage du milieu du 18eme siècle. Elle est, nous le verrons, légèrement postérieure à l'ouvrage puisqu'un Pape sépare les Armes du plat de celles de la page de garde.


Les Armes présentes sur les deux plats sont celles du Pape Clément XIII. Éduqué par les Jésuites à Bologne, celui-ci fit des études de droit canonique et commença sa carrière en 1716, à la Curie romaine. En 1747 il fut consacré évêque de Padoue. Il succéda sur le trône de Pierre à Benoît XIV en 1758. Clément XIII est quelquefois brocardé car il mit à l'Index l'Encyclopédie de d'Alembert et Diderot et au "Majeur" des statues classiques du Vatican, des feuilles de figuier…

Cette reliure présente sur ses plats une large dentelle de feuilles tangentes à un double filet doré contenant une fine dentelle relevée à ses coins de motifs élégants et encadrant les Armes de Clément XIII. Le dos à 5 nerfs est doté de motifs dorés et d'une pièce de titre mentionnant de façon partielle l'auteur et le titre de l'ouvrage. L'état parfait des dorures nous rend béats d'admiration.

La qualité du papier vergé utilisé est exceptionnelle et un filigrane de provenance se voit en transparence de la première page. Les trois tranches du papier sont dorées. La typographie est d'une grande netteté et provient d'un grand atelier d'imprimerie de Rome. Un ex-libris d'époque est présent en début d'ouvrage dont je n'ai pu déterminer l'auteur.

Les gravures, quant à elles, sont d'une exquise finesse. Il s'agit d'eaux fortes représentant des motifs variés parmi lesquels on distingue de remarquables lettrines en début de paragraphe. L'enseigne de la page de garde est signé. Il s'agit des Armes de Benoît XIV que je présenterai maintenant car l'ouvrage lui est dédié.


Prospero Lambertini né à Bologne en 1675 fut élu pape en 1740 sous le nom de Benoît XIV. Il mourut en 1758. Législateur de l'Église moderne, il a marqué le XVIIIe siècle par son long pontificat de 18 ans et par son ouverture d'esprit au siècle des Lumières. En 1741, devant la preuve optique de la trajectoire orbitale de la Terre, il fait accorder par le Saint-Office l'imprimatur à la première édition des œuvres complètes de Galilée (cent ans après sa mort). En 1757, les ouvrages favorables à l'héliocentrisme sont autorisés qui les retire du catalogue des livres interdits. Il était temps ! Voltaire lui dédia en 1745 sa tragédie Mahomet. La lettre de remerciement du pape au philosophe témoigne de l'excellence de leurs rapports. Voltaire admirait sincèrement ce pontife cultivé ce qui ma toujours fait penser que ce philosophe n'était pas un mauvais bougre…

Parlons du texte maintenant… J'entends déjà un libraire d'outre-manche me dire " Oui, belle reliure il est vrai, mais le texte est "dur" à négocier...". Cela est vrai d'autant que ce texte, d'un dénommé Bernardi Guilielmini (Bernard Guillaume) est comme son nom, latinisé. On ne trouve en France qu'un ouvrage semblable à la bibliothèque de Grenoble : Bernardi Guilielmini C. R. Scholarum piarum Sermonum libri tres (Eloge du Cardinal de Tencin etc.) éditeur-date Romae : ex typographio Paleariniano, 1742

En fait, l'éloge de Pierre-Paul Guérin de Tencin, né en1680 et mort en 1758 , Cardinal, Archevêque de Lyon et homme politique sous Louis XV n'occupe qu'une faible part de l'ouvrage qui révèle d'innombrables richesses pour ceusses et ceux qui aiment se pencher sur l'évocation de tableaux et de scènes bibliques dans la langue de l'église.


J'en viens à l'estimation financière de l'ouvrage par cette méthode analytique. Elle peut, à mon avis se calculer ainsi : Pour la reliure et les parements – 300 €, pour la provenance (Armes) – 100 €, pour le papier, la typo et les gravures – 200 €, pour le texte – 100 €, pour mon travail – 150 €, soit 850 €. Vendu

Je progresse lentement dans l'estimation raisonnée des ouvrages anciens pour laquelle, seule l'expérience compte. Ma méthode, pour empirique qu'elle soit, me permettra d'acquérir le coup d'œil avec le temps sans être décalé par rapport au marché. Enfin, j'espère… Pierre

12 commentaires:

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

J'ai toujours rêvé d'accrocher une reliure papale à mon tableau de chasse impie !

Avec de genre de pièce se pose une intéressante question : ce type de reliure aux armes de grandes éminences ou de personnages de la famille royale française ou d'ailleurs, est-il gage de propriété ou de don ? Je m'explique. Comment savoir si ce volume a été offert en cadeau par le pape ou son entourage (ouvrage offert par le Vatican pour faire simple) ou si cet ouvrage a fait partie de la bibliothèque du Vatican (du pape) à cette époque ? La question se pose également pour les reliures royales (Louis XIV, Louis XV, Louis XVI) ? Gage de propriété ou don ?

Notion importante qui implique de dire, soit :

- De la bibliothèque de...

ou

- Aux armes de ...

Ce qui n'est pas franchement la même chose.

A voir.

B.

Pierre a dit…

Remarque pertinente Bertrand.

L'ex-libris qui n'est celui du Pape et la mention en latin "Don à Rome" me fait penser que le livre a fait partie de la bibliothèque de Clément XIII, que celui-ci l'avait sur sa table de nuit et qu'il le lisait tous les soirs avant de s'endormir...

Belle valeur ajoutée, non ?

Pierre, un peu rêveur.

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Plus qu'une remarque pertinente Pierre, c'est une véritable interrogation récurrente.

Evidemment lorsque le propriétaire à signé de sa plume les exemplaires, c'est réglé. Cela m'est arrivé avec un émouvant exemplaire qui a appartenu au Lieutenant Général de Police de la ville de Paris, Nicolas de La Reynie, premier ministre de la police sous Louis XIV. Il avait eu le bon ton de laisser sur trois volumes des Mémoires de Brantôme, sa belle signature en toutes lettres (comparé avec un exemplaire conservé dans le fonds de la BNF de même provenance). Depuis cet exemplaire coule des jours heureux sur les rayons d'un amateur averti. J'avoue toujours avoir un petit pincement en pensant à cet ouvrage que j'ai "lâché" (abandonné...).

B.

Anonyme a dit…

"L'ex-libris qui n'est celui du Pape et la mention en latin "Don à Rome" me fait penser que le livre a fait partie de la bibliothèque de Clément XIII".

Moi, pas comprendre quoi veut dire !

Quel ex-libris, quel don ?

Il est sympa votre bouquin.

Montag

Pierre a dit…

Je reprends.

Si vous croyez qu'avec ce froid c'est facile d'utiliser le clavier avec des moufles !

L'ex-libris (présent dans l'ouvrage) qui n'est pas celui du Pape Clément XIII (la signature est inconnue) et la mention en latin (je donne la traduction en français) "don à Rome" ( mention manuscrite présente sur la page suivante mais avec la même encre et la même calligraphie) me fait penser que le livre a fait partie de la bibliothèque de Clément XIII...

C'est vrai que si j'avais écrit "ce livre lui a été offert", cela aurait été plus simple. Les moufles, c'est sur la tête qu'il faut que je les mette.

C'est vrai qu'un bel ouvrage avec des armoiries papales, ça classe son homme.

Pierre

Raphael Riljk a dit…

Les bandeaux sont un peu guillerets pour un ouvrage ecclésiastique !

Je veux bien écrire à la suite : "Don de Tarascon".

Raphael

Pierre a dit…

Les bandeaux, de style très classique, donnent une représentation idéalisée de l'anatomie humaine. Il ne manquerait plus que les héros antiques soient laids.

Je pense que la même provenance avec des textes liturgiques aurait vu les personnages des lettrines et les bandeaux drapés de voiles pudiques.

Ah, Raphael! Si j'avais comme vous l'aisance dans la lecture des textes latins, ce livre je me l'offrirais... ;-))

Pierre

Textor a dit…

Superbe !!
Pourquoi un aigle à deux têtes dans les armes du Pape ? Je croyais que notre Benoit XVI était le premier pape germanique...

Pierre a dit…

Bien vu Textor !

Clement XIII est né à Venise donc rien de germanique là dedans. L'aigle bicéphale de sable membré et becqué d'argent et couronné d'or qui est présent dans les armoiries pourrait être une référence à l'Evangile de St Jean, ce n'est pas moi qui le dit, qui fait référence à l'aigle à une tête que les nations byzantines ont gardé comme symbolique et dont les peuples slaves et germaniques se sont servis comme emblème.

Je suis aussi mauvais latiniste que spécialiste des blasons. Dommage ! Si un lecteur peut me confirmer l'hypothèse ? Pierre

Jeanmichel a dit…

Pierre, rédiger un blasonnement ne doit pas être plus difficile que de faire un descriptif littéral du signalement d'un cheval.
Il suffit de s'attacher à la rigueur, celle qui veut par exemple qu'un aigle, dans la grammaire héraldique, soit du genre féminin : une aigle bicéphale membrée et becquée d'argent.

Pierre a dit…

Si l'on admet qu'un étalon puisse porter une robe crème, on doit pouvoir admettre qu'une aigle ait deux têtes becquées.

Je dépose les Armes devant l'évidence. Pierre